Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors]

dans l'Ifle de Cythere. Ainfi Agamemnon monta fur le trône d'Argos qu'il transfera à Mycenes, & Menelas fon frere fucceda à Tyndare fon beau-pere, & fut Roi de Sparte.

Il eft bon de remarquer, avant que de paffer outre, que quand je dis qu'Agamemnon & Menelas étoient fils d'Atrée, je parle fuivant l'opinion commune, quoique je n'ignore pas qu'il y a plufieurs Auteurs, entre lefquels on peut nommer Eufebe & Scaliger, qui croient avec beaucoup de raifon qu'ils n'étoient pas fils de ce Prince, mais de Plifthene fon frere ; & comme les actions de ce dernier n'avoient pas merité une place honorable dans l'Hiftoire, ayant mené une vie fort obfcure, les Anciens, & fur-tout Homere, pour honorer la mémoire du Chef de tant de Rois & de fon frere, avoient affe&té de les faire paffer pour les enfans d'Atrée qui les avoir élevés, & de les nommer à tout propos les Atrides.

J'ai oublié de dire que le commencement de l'inimitié d'Atrée & de Thyefte, venoit de ce que celui-ci avoit enlevé à fon frere un Bélier à la Toifon d'or, qu'il regardoit comme le bonheur de fa famille; & qu'il fit ce vol par l'entremise d'Erope fa belle-four qu'il avoir débauchée ; ce qui offença fi cruellement Atrée, qu'il égorgea les deux enfans que fon frere avoit eus d'Erope.

Pour ce qui eft d'Egifte & d'Agamemnon,dit Paufanías (1) (1) Loc. cit. je ne fçais pas bien qui des deux fe porta le premier à offenfer l'autre ; fi ce fut Egifte, ou s'il ne fit que fe venger du meurtre de Tantale fils de Thyefle, qui avoit époufe Clytemneftre fille de Tyndare. Il est bien vrai qu'Euripide, dans fon Iphigenie en Aulide, introduit Clytemneftre qui reproche à Agamemnon d'avoir fait mourir Tantale fils de Thyefte fon premier mari; mais Euftathe fur le onziéme Livre de l'Odyffée, traite de Fable ce premier mariage, par l'autorité d'Homere, qui parle d'Agamemnon comme ayant épousé une fille fi jeune, qu'il n'y avoit aucune apparence qu'elle eût déja eu un autre mari.

Pprefque tous les Anciens, fur- tout les Poëtes, ont cru ou voulu faire croire qu'Atrée avoit pour fe venger fait manger à fon frere fes propres enfans, & obligé le Soleil de fe cacher, & ce trait horrible de l'Hiftoire ancien

Iii iij

ne eft représenté fur un beau Grouppe du Palais Farnefe, On avoit toujours cru que la Statue de ce grouppe repréfentoit l'Empereur Commode, mais c'eft véritablement un Atrée, debout, tenant d'une main un poignard, & de l'autre un enfant qu'il vient d'immoler à fa vengeance; & c'est ainsi qu'en a jugé Gronovius, contre du Perrier & quelques autres (a).

Il eft bon cependant de dire que Strabon & Servius n'ont regardé ce prétendu fait que comme une allégorie, fondée fur ce qu'Atrée avoit le premier prédit les Eclipfes du Soleil, qui alors fe cache à nos yeux, comme si véritablement il reculoit jufques fous l'Horifon.

Quoiqu'il en foit, Agamemnon étant obligé environ ce temps-là de partir de fa Cour pour aller commander l'armée des Grecs, le réconcilia de bonne foi avec fon cousin Egifte, lui pardonna la mort de fon pere, & lui laissa même le foin de Clytemneftre fa femme & de fes trois enfans, Orefte (b), Iphigenie, & Electre, ordonnant toutefois à un certain Chanteur fon unique confident, de veiller fur leur conduite. Egifte s'étant fait aimer de Clytemneftre, trouva le moyen de fe défaire du trop vigilant gardien, & le fit périr à la chaffe. Après cela il ne garda plus aucune mefure, & fon commerce fut fi criant, qu'Agamemnon lui-même en apprit la trifte nouvelle fur la fin du fiége de Troye, & réfolut de de s'en venger dès qu'il feroit de retour; mais fa femme le prévint, & le fit tuer à fon arrivée avec fa rivale (c), com(1)Odysf. 1. 2. me le difent Homere (1), Euripide, Diodore de Sicile (2),, (2) Liv. 4. Lycophron (3), Virgile (4), & tous les autres Anciens. (3) In Caffan. (4) En. 1. 4. Au refte, on fçait de quelle maniere arriva ce funeste accident, & comment Clytemneftre ayant prié au milieu du feftin qu'elle lui donna à fon arrivée, ou au fortir du bain, fon mari de quitter un habit à la Phrygienne qu'il portoit depuis la prife de Troye, pour en prendre un qu'elle difoit

(a) Confultez Meziriac fur cet endroit.

(b) Orefte étoit le plus jeune, & n'étoit alors qu'un enfant.

(6) On dit qu'Ajax fils de Nauplius

pour venger la mort de fon oncle Palamede, étoit allé informer Clytemnestre, que fon mari étoit amoureux de Caffandre, qu'il menoit avec lui.

lui avoir tiffu pendant fon abfence, ce Prince voulut, le vétir; mais fes bras s'étant embarraffés dans les manches, dont elle avoit exprès fermé les iffues, les conjurés fe leverent de table & lui ôterent la vie.

L'infidelle Clytemneftre époufa enfuite Egifte, & lui mit la Couronne fur la tête, qu'il garda fept ans, comme nous l'apprenons de Valleius Paterculus d'après Homere (1). (1) Ody Le jeune Oreste auroit été auffi la victime de cette malheu- 13. reufe intrigue, fi fa foeur Electre ne l'eût fait fecretement retirer chez fon oncle Strophius Roi de Phocide, qui avoit époufé la foeur d'Agamemnon. Ce fut là qu'Orefte lia avec fon coufin Pylade, fils de Strophius, cette amitié qui les rendit pour jamais inféparables.

Paufanias dit (2) qu'on voyoit encore de fon temps à My- (2) In Cocenes, quoique détruite, les tombeaux d'Agamemnon, d'Eu- rinth. rymedon fon Ecuyer, & de tous ceux que ce Général avoit ramenés de Troye, & qu'Egifte fit périr dans le repas qu'il leur donna, proche de celui de Teledame & de Pelops, & des deux Jumeaux que Caffandre avoit eus d'Agamemnon, & qu'Egifthe avoit égorgés fans pitié pour leur enfance, après avoir trempé fes mains dans le fang du pere & de la

mere.

Orefte quelques années après forma le deffein de venger la mort de fon pere; & ayant pour cela levé quelques troupes, il fortit de la Cour de Strophius avec Pylade, entra fecretement dans Mycenes, & fe cacha chez fa fœur Electre (a), qu'Egifte avoit mariée à un homme de basse naissance, pour n'avoir rien à craindre de fon reffentiment. Elle fit d'abord courir dans Mycenes le faux bruit de la mort d'Orefte, dont Egifthe & Clytemneftre eurent tant de joye, qu'ils allerent incontinent dans le Temple d'Apollon pour rendre graces aux Dieux de cette agréable nouvelle. Oreste y étant entré avec fes foldats, & ayant fait arrêter les gardes, tua

(a) Homere, Liv. 9. nomme cette Prin- I y a même apparence qu'il ne lui fut donceffe Laodice; fur quoi les Commenta- né que long-temps après par les Poetes teurs remarquent que le furnom d'Elec- Tragiques, & qu'Homere ne l'a jamais tre ne lui fut donné que pour marquer qu'elle n'avoit été mariée que fort tard: il

connu.

de fa propre main fa mere & fon malheureux Amant, vengeant ainsi la mort de fon pere & celle de fon ayeul. On les enterra hors de la ville; auffi, comme le remarque Pausanias, n'étoient-ils pas dignes d'avoir leur fépulture au même lieu qu'Agamemnon & ceux qui avoient été tués avec lui.

Ce fut alors, dit-on, que les Furies commencerent à tourmenter Orefte, c'est-à-dire, que les remords de fa confcience l'agiterent fans relâche. Il alla d'abord à Athenes, où l'Areopage l'expia de ce crime: événement remarquable, dont l'époque fe trouve fur les Marbres de Paros, & qui tombe environ fur l'an 1093. ou 94. avant Jef. Christ, 7. ou 8. ans aprés la prise de Troye. On dit que les voix des Juges s'étant trouvées égales de part & d'autre, Minerve elle-même avoit donné la fienne en faveur de ce Prince infortuné; c'eft ce que nous apprennent Hefychius & Eschile. Mais la verité est que pour être abfous, il fuffifoit que les voix fuffent égales (a), comme fi en ce cas-là Minerve eût donné la fienne pour ôter l'équilibre. On ajoute que ce Prince en reconnoiffance, fit élever un Autel à cette Déeffe, fous le nom de Minerve Guerriere (b),

Orefte ne fe contenta pas d'être abfous par le Jugement de l'Areopage, il alla encore chez les Trezeniens pour fe foumettre à la céremonie de l'expiation ; & Paufanias nous ap(1) In Co- prend (1) que ce Prince fut obligé de loger dans un lieu ferinth. c. 31. paré, perfonne n'ofant le loger, & tout le monde le regardant comme une efpece d'excommunié. Il toucha à la fin de compaffion les Trezeniens qui l'expierent, & l'Auteur que je viens de nommer, remarque qu'il fortit un laurier du lieu où fe fit cette célebre expiation, parce qu'on y avoit repandu de l'eau de la fontaine Hippocrene. On voyoit encore de fon temps ce laurier près du lieu où ce Prince avoit logé. Les Trezeniens, au rapport du même Auteur, montroient encore de fon temps le lieu près du Temple d'Apol

(a) Pari Judicum fententiâ, reus abreus abfolvitur. Hefych.

Vincit Oreftes, fi quidem fuffragia judicata funt æqualia. Efchiles,

(b) Paufanias, in Attic. l'appelle plas A'Invas Baμis; ce qui faifoit auffi allufion à l'Areopage, dont le nom venoit d'Arès, ou Mars,

lon,

lon, où Orefte fut obligé de demeurer feul, jufqu'à ce que fon crime fût entierement expié, & même encore à prefent, continue cet Auteur, les defcendans de ceux qui furent commis à cette purification, mangent tous les ans à certain jour en ce lieu. Le même Peuple montroit auffi la pierre fur laquelle s'étoient affis les neuf Juges qui l'avoient expié, & ils la nommoient La pierre facrée.

C. 22.

Le même Auteur, dans un autre endroit (1), raconte qu'O- (1) In Lacos. refte toujours poursuivi par les Furies, s'étoit arrêté près de Gythée dans la Laconie, où il s'étoit affis fur une pierre toute brute, qu'on voyoit encore de fon temps; & que comme ce Prince y avoir trouvé du foulagement à fes fureurs, il donna à cette pierre le nom de Jupiter Cappautas, c'est-à-dire,. Jupiter qui foulage.

Après ces expiations Orefte fut retabli dans fon Royaume par Demophoon Roi d'Athenes, qui venoit de fucceder à Mnefthée, fous le regne duquel les Marbres d'Arondel rapportent(a) que fut faite par l'Areopage l'expiation dont nous venons de parler; ce qui, felon Velleius Paterculus, arriva fept ans après la prife de Troye; en quoi cet Auteur eft d'accord avec Homere, qui dit (2) qu'Egifte regna fept ans à My- (2) Odyfl.3. cenes après la mort d'Agamemnon.

Le Jugement de l'Areopage, ni celui des Trezeniens ne porterent pas le calme dans le cœur du malheureux Orefte; & les Furies ne ceffant point de le tourmenter, il alla enfin confulter l'Oracle d'Apollon, où il apprit que pour en être délivré, il devoit aller dans la Tauride (b) enlever la Statue de Diane, & délivrer fa four Iphigenie de la tyrannie de Thoas. Il y alla avec Pylade; mais ayant été pris & chargé de chaî nes, on fut fur le point de l'immoler à la Déeffe, fuivant la Coutume du pays, ainfi que le dit Diodore (3). Ce fut dans (3) Liv. 4. cette occafion qu'on vit ce genereux combat d'amitié dont

(a) Epoque 26. Selden, dans le Commentaire qu'il a fait fur cette époque, croit que ce Jugement fut porté la troifiéme année après la prife de Troye, malgré Tome III.

| les autorités que je viens de citer: con-
fultez cet endroit des Marbres d'Arondel.
(b) C'est la Tauride Cherfonefe, au
de-là du Pont-Euxin.

Kkk

« AnteriorContinuar »