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pendant fon absence le Royaume de fon pere, qui étoit la Theffalie, ou du moins une belle partie de cette contrée, il

se retira en Epire (1), conquit une grande partie de ce pays, (1) Justin, & y établit fa domination. Ses defcendans y regnerent après 1.17. lui, le pays même fut appellé Pyrrhide, & enfuite Epirote. Pindare dit que ce Prince ne regna pas long-temps parmi les Moloffes, mais que fa pofterité s'y établit pour toujours; ce que Thetis, dans la Tragedie d'Andromaque d'Euripide, lui prédit. La Moloffie étoit une partie de l'Epire. Le Scholiafte remarque pourtant que ce Poëte n'a parlé de la Moloffie que par anticipation, puifqu'elle ne prit ce nom que du fils que ce Prince eut d'Andromaque.

Quelques Anciens rapportent qu'Helenus, fils de Priam; lui avoit dit de s'établir dans le lieu où il trouveroit des maifons, dont les fondemens feroient de bois, les bâtimens auffi de bois, & les toits de plumes; & que ce Prince ayant remarqué fur fa route, des lances fichées en terre, fur lesquelles étoient les habits de quelques foldats; il ne lui en fallut pas d'avantage pour fe perfuader que c'étoit-là le lieu qui lui étoit prefcrit, & que l'Oracle étoit accompli.

Homere plus croyable & plus ancien, a fuivi une autre tradition, lorfque parlant du mariage de Neoptoleme, à l'occafion de Telemaque arrivé chez Menelas, il dit que ce Prince lui avoit donné fa fille ; & en disant cela, il suppose qu'il regnoit alors à Phtie, capitale du Royaume de fon pere & de fon ayeul; mais il pourroit bien avoir regné fur les deux Royaumes; fur l'un par fucceffion, fur l'autre par conquête.

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CHAPITRE III:

Hiftoire des deux Ajax.

ARMI les plus fameux Capitaines des Grecs, étoient encore les deux Ajax ; l'un fils d'Oilée, l'autre de Telamon & d'Hefione. Le premier qui étoit fort puiffant, équip

Tome III.

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Iliad. 1. 2.

(1) Homere, pa quarante Vaiffeaux (1) qu'il conduifit au fiége de Troye C'étoit un Prince brave & intrepide, fier & brutal. L'injure qu'il fit à Caffandre revolta contre lui les hommes & les (2) Liv. 10. Dieux. Ulyffe, felon le témoignage de Paufanias (2), vouloit

qu'on le lapidât, & véritablement on l'auroit fait, s'il n'avoit (3) Idem ib. Offert de s'en purger par ferment (3). Il infinua même qu'Agamemnon ne faifoit courir ce mauvais bruit, que pour ravir Caffandre, dont il étoit effectivement amoureux. Ajax fit naufrage à fon retour avec une partie des Grecs, auprès des rochers Cheredins vers l'Ile d'Eubée; Nauplius qui en étoit Roi, ayant fait allumer la nuit un fanal dans le deffein d'attiter la flotte des Grecs parmi les rochers, ce qui lui réussit ; & il vengea ainfi la mort de fon pere Palamede, qu'Ulysse & & les autres Capitaines Grecs avoient fait mourir. Les Poëtes lui ont fait l'honneur de le juftifier en attribuant cet événement à la colere de Minerve, qui vengea ainfi la profanation de fon Temple. On débita à ce fujet plufieurs autres Fables On difoit qu'Ajax s'étant fauvé du naufrage, s'étoit arrêté sur un rocher que Neptune avoit fendu d'un coup de trident; & que la portion fur laquelle il étoit affis, étoit tombée dans la mer avec lui. D'autres difent que Minerve elle-même l'avoit frappé d'un coup de foudre (a). Enfin (4), quelques Anciens affurent que s'étant fauvé de la tempête fur un rocher où il bravoit les Dieux par mille blafphémes, Minerve avoit imploré le fecours de Neptune, qui l'accabla fous la chute (5)Dans fa de ce même rocher. Lycophron (5) femble dire que fon corps porté par les flots dans l'Ile de Delos, y fut enterré par les foins de Tethys: autre Fable; ainsi que ce qu'ont avancé quelques Auteurs, que ce Heros avoit trois mains, ce que Ser(6) In I. Æn. vius (6) explique en difant qu'il étoit fi agile, & qu'il remuoit les mains avec tant de dexterités qu'il paroiffoit en avoir trois.

(4) Quint. Calab. 1.14.

Seneque.

Caffand. v.

400.

Quoiqu'Homere, Virgile, Horace, Seneque & plufieurs autres Anciens ayent dit qu'Ajax fut puni de la maniere que nous l'avons rapporté, cependant Timée qui étoit du pays même de ce Heros, affure dans fon hiftoire qu'il ne périt point (a) Illum expirantem tranfixo pectore flammas

Turbine corripuit, fcopuloque affixit acuto. Virg.

dans le naufrage dont je viens de parler, & qu'il retourna dan's fes Etats. Cet Auteur mérite fans doute plus de foi que le's Poëtes, qui ont mêlé dans le récit de fa mort la colère de Minerve, & d'autres circonstances merveilleuses. Les Locriens repréfentoient Ajax fur leurs médailles, ainsi qu'on peut le voir dans Goltzius.

Quelque temps après fa mort, la pefte ravagea fon Royaume; l'Oracle ayant été confulté, on apprit que pour appaiser la Déesse irritée de l'impieté du Roy, il falloit envoyer tous les ans dans le Temple qu'elle avoit à Troye, deux jeunes filles pour lui fervir de Prêtreffes ; ce qu'ils exécuterent avec la derniere exactitude: tant la Religion, & en particulier la foi aux Oracles, avoit dans ce temps-là d'empire fur l'efprit des hommes nouvelle preuve en même temps que Troye ne fut pas entierement ruinée par les Grecs, & qu'elle fubfifta toujours, mais avec moins d'éclat qu'auparavant, comme Plutarque & après lui S. Jerôme nous l'apprennent. La conduite des Troyens à l'égard de ces jeunes Prêtreffes devoit bien avoir rebuté les Locriens, cependant ils demeurerent fidéles à la décision de l'Oracle. Ces Troyens, du moins dans les premiers temps, fe cachoient fur la route que devoient tenir ces victimes infortunées de leur Déeffe, & après les avoir maffacrées, ils les faifoient brûler, & jettoient leurs cendres dans la mer. Il y en eut pourtant quelques-unes qui ayant pris des chemins dérobés, arriverent dans le Temple, où elles trouverent un afyle affûré contre la cruauté de leurs ennemis. Cette coutume qui avoit commencé trois ans après la prife de Troye, dura jufqu'en l'année de Rome 564. c'est-à-dire plus de mille ans (1).

(1)Plutarq.de Jera num.vin

Hiftoire d'A

Narr 17.

Les Locriens d'Opunte, dont Ajax avoit été Roi, avoient di une fi haute opinion de fa valeur, que même après la mort jax fils de Teils laiffoient dans leur ordre de bataille une place vuide, com- lamon. me fi ce Prince devoit la remplir (2). Dans le combat qu'ils (2) Conon, eurent à foutenir contre les Crotoniates, Autoleon voyant dans l'armée ennemie un endroit dégarni, voulut l'attaquer par-là; mais il fut bleffé à la cuiffe par un fpectre ; & comme playe ne guériffoit point, l'Oracle qu'il confulta, répondit.

Iliad. 1. 2.

que le feul reméde qui lui reftoit, étoit d'appaifer les Mânes d'Ajax. Autoleon alla pour cela dans l'Ifle Leucé, où parmi les ombres de plufieurs autres Heros de l'ancien temps, il vit celle de ce Prince, l'appaifa, & fut auffi-tôt guéri (a).

Ajax, fils de Telamon, étoit après Achille le plus vaillant (1) Homere des Grecs (1): il étoit comme lui fier, brutal & emporté. Sophocle le représente comme un impie qui répondit à son pere qui l'exhortoit à attendre la victoire des Dieux, que les lâches mêmes font victorieux avec un tel fecours; mais que pour lui il étoit bien affuré de vaincre fans cela. Ce Prince fit mille belles actions au fiége de Troye, comme on le peut voir dans Homere. La difpute qu'il eut avec Ulyffe au fujet (2) Homere, des armes d'Achille (2) lui fut fatale. Devenu furieux par la Ody. 1. 13. préference donnée à fon compétiteur, il fe jetta fur quelques troupeaux, penfant tuer fes ennemis ; & s'étant apperçû de fa méprise il se tua de défefpoir, la derniere année du fiége de (3) Homere, Troye (3). Mais je dois ajouter que fur cet article, comme fur tous les autres, il fe trouve beaucoup de diverfité d'opinions dans les Anciens. En effet Suidas, après Dictys, dit que ces deux Heros difputerent, non les armes d'Achille, mais le Palladium. Ces Auteurs ajoutent qu'Agamemnon l'ayant adjugé à Ulysse, Ajax menaça de s'en venger ; & que ce Prince, de concert avec les autres Chefs qui le craignoient, le fit affaffiner dans fa tente; qu'Ulyffe, qui en fut foupçonné, fut obligé de partir incognito, & que l'armée en conferva beaude reffentiment contre Agamemnon. coup

loc. cit. Sophoc. Ovide, &c.

(4) Odys. 1. 8.

Homere (4) fait chanter à Demodocus, pendant le festin qu'Alcinous donne à Ulyffe, la difpute d'Ajax & d'Ulysse, qui en vinrent aux groffes paroles; ce qui réjouit fort Agamemnon, parce que c'étoit l'accompliffement d'un Oracle qu'il avoit reçû à Pytho (b), où il avoit confulté la Prêtreffe d'Apollon. Mais ce Poëte ne s'explique pas fur le fujet de cette difpute. Didyme & Euftathe, qui nous en ont confervé la

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tradition, affurent que c'étoit pour fçavoir fi on prendroit
Troye pat la force ou par la rufe (a). Quoiqu'il en foit, Cal-
chas qui fut confulté pour fçavoir si on brûleroit le corps d'A-
jax, décida qu'étant mort comme un impie, il ne méritoit pas
les honneurs du bûcher, & qu'il falloit feulement l'enterrer,
ainfi
que nous l'apprenons de Sophocle & du jeune Philo-
(1) In Heroic.
ftrate (1). Cependant Quintus Smyrneus dit que fon cada-c.
vre fut brûlé; Strabon (2), & d'autres Anciens encore parlent (2) Liv. 13.
de fon tombeau qui étoit près du Promontoire de Rethée.

Quoiqu'il en foit, les Grecs lui drefferent un fuperbe tom-
beau fur ce même promontoire ; & quand Horace dit (3) (3) Sat. l. 3.
que ce Heros demeura fans fepulture, il s'éloigne de la ve-
riré pour faire allusion à cet incident de la Tragédie d'Ajax,
où Sophocle feint qu'Agamemnon ne vouloit point qu'on lui
déférât les honneurs de la fépulture, mais que cependant il
céda aux inftances de Teucer.

On a mêlé au refte quelques fables dans cette Hiftoire : la premiere, qu'Ajax étoit invulnerable, & voici la raifon qu'Apollodore rend de cette fable. Telamon fe plaignant de ce qu'il n'avoit point d'enfans, Hercule fon ami pria Jupiter de lui donner un fils qui eût la peau auffi dure que celle du Lion de Nemée, qu'Iris avoit rendu invulnerable (4). On (4) Apoll. z. ajoute qu'Ajax étant né, ce Heros l'avoit couvert de la Pind. Ifth.Od peau 6. de ce Lion (5), qui l'avoit rendu invulnerable, excepté dans (5) Le Schol l'endroit qui fe trouva fous le trou de cette peau, à la place de Sophoc.in de la bleffure qu'Hercule avoit faite au Lion (b).

Quelque bizarre que foit cette fiction, je crois qu'on peut l'expliquer, en difant que peut-être Hercule qui étoit ami de Telamon, ayant vû Ajax dans fa jeunesse, lui mit la peau de lion qu'il portoit, comme un préfage de sa valeur.

Ajac. Suidas

&c.

La feconde fable eft jointe à la premiere ; car on dit qu'Ajax fut ainfi appellé (6), parce qu'Hercule, dans le temps qu'il (6) En grec,

(a) Homere, Odyff. 1. tr. dit que ce | fut Thetis mere d'Achille qui propofa la difpute pour les armes de fon fils.

Les Capitaines Grecs fort embarraffes fur le Jugement qu'ils devoient porter, fireat venir devant eux des prifonniers

Troyens, leur demanderent lequel des
deux Concurrens leur avoit fait plus de
mal, & qu'ayant répondu que c'étoit
Ulyffe, ils lui adjugerent les armes.

(b) Quelques Auteurs difent que c'étoit
au col, d'autres au cóté.

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Α ́ έτος.

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