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1.14.

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> eftiment que Neptune fait trembler la terre, & que les ous "vertures qui fe font ainsi, font les ouvrages des ce grand » Dieu, n'auront pas de peine à croire que Neptune a fait ce canal, quand ils le verront : c'eft-à-dire, que cette ouver ture parut fi furprenante, que felon l'ufage de ce temps-là, (1) Athenée. on l'attribua à Neptune. Sur quoi on remarque (1) que la fête des Pelories, fi célebre chez les Theffaliens, où l'on faifoit des banquets publics en faveur des étrangers, & des esclaves mêmes qui étoient fervis par leurs Maîtres, venoit de ce qu'un certain Pelorus fut le premier qui avertit Pelafgus, que par le moyen d'une ouverture dans la vallée de Tempé, les eaux s'étoient écoulées ; ce qui fit tant de plaifir à ce Prince, qu'il regala magnifiquement Pelorus, & voulut même le fervir à table.

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Lorfque les eaux fe furent ainfi écoulées, Deucalion alla, fuivant la Chronique de Paros, à Athenes, où pour remercier les Dieux de l'avoir préfervé de l'inondation générale de fon pays, il offrit à Jupiter des facrifices folemnels, dans un Temple qu'il fit bâtir à fon honneur, & qui fubfiftoit encore au temps de Pifistrate, qui le fit rétablir avec une dépense infinie.C'est ce fameuxTemple de Jupiter Olympien, commencé par ce Prince, & continué par fes enfans, par Seleucus, & par Antiochus Epiphanès, & qui ne fut fini que par Adrien, Les Atheniens facrifioient tous les ans dans ce Temple en memoire du Déluge, au premier du mois Anthifterion, un gâteau de farine & de miel.

L'Antiquité ne convient pas au fujet du Roi qui regnoit à Athenes au temps de cette retraite. Eufebe prétend que ce fut fous Cecrops, & felon les Marbres, c'étoit Granaus; & nous foufcrivons volontiers à ce qui eft contenu, fur cet ancien Monument, qui paroît avoir été fait par l'autorité publique, & avec tant de foin. Ainfi il faut fixer l'époque du Déluge, non à l'an 1557. avant Jefus-Chrift, comme le prétendent les Commentateurs de cette Chronique, mais 1380. ou 90. ans avant cette époque, pour les raifons qu'on a rapportées au commencement de cet article.

Il est bon de remarquer avant que de paffer outre, que la tradition du Déluge univerfel, qui a été portée jufqu'aux Peu

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ples les plus éloignés, a beaucoup fervi à embellir l'Hiftoire
de celui de Deucalion; & c'eft pour cela qu'Ovide, qui en
fait la description, dit expreffement qu'il avoit inondé toute
la terre, & que l'eau avoit couvert les plus hautes monta-
gnes:

Jamque mare & tellus nullum difcrimen habebant,
Omnia pontus erant, deerant quoque littora ponto (1),

Que de tous les habitans de la terre, il n'étoit refté qu'un
feul homme & une femme:

Et fupereffe videt de tot modò millibus unum, &c. (2).
Le Poëte Lucain, fans parler des autres, dit à peu près la
même chose (3), & Diodore affûre que le Déluge avoit
fait perir toutes les créatures vivantes qui étoient alors fur la
furface de la terre. Mais ce n'eft pas fur cette feule idée
que
les Poëtes & les Hiftoriens femblent fi conformes à Moyfe
dans l'Hiftoire du Déluge de Deucalion. On en apperçoit
tant d'autres en les lifant, fur-tout Ovide, qu'il falloit ou qu'il
eût lû la Genese, ou qu'une tradition, encore fort vive, lui
eût appris ce qu'il en dit. Il fait d'abord une belle defcription
des défordres dont l'Univers étoit rempli; il parle de l'ava-
rice, des parricides, de l'impureté, & des autres crimes qui
regnoient parmi les hommes; ajoutant que la pieté étoit im-
molée aux passions les plus infames.

Victa jacet pietas; &c.

(1) Met. I. 1.

(2) Id. ibid.

(3) Liv. 3.

Il parle de la guerre des Geants armés contre le Ciel; il fait
tenir confeil à Jupiter pour déclarer aux autres Dieux le def-
fein où il étoit de punir tous ces crimes, à peu près comme
Moyfe fait dire au Seigneur: Je détruirai toute chair (4). Il dit (4) Delebo
enfuite que le premier deffein de Jupiter avoit été de con- omnem carnem
fumer le monde par le feu, mais que s'étant reffouvenu que
le Deftin avoit marqué le temps de l'embrafement général
qui devoit faire perir l'Univers, il s'étoit contenté cette fois-
là de fubmerger la terre dans les eaux.

Jamque erat in totas fparfurus fulmina terras :

&c. Gen. c. 2.

Syria,

Sed timuit.

Effe quoque in fatis reminifcitur, affore tempus,
Quo mare, quo tellus, correptaque Regia Cali
Ardeat, & mundi moles operofa laboret.

Enfin ce Poëte fe fouvient de l'Arc-en-ciel; & pour tout di-
re en un mot, la maniere dont il raconte que fut reparé le
genre humain par deux perfonnes d'une pieté éminente, prou-
ve qu'il peint le Déluge de Deucalion fur les idées de celui
de Noé (a).

Tous les autres Poëtes, & plufieurs Hiftoriens en ont penfé de même, n'ayant fait que fubftituer le nom de Deucalion à (1) De Dea celui de Noé. Lucien (1) parlant de ces anciens Peuples de Syrie, parmi lesquels, felon eux', vivoit Deucalion, & qui racontoient l'Hiftoire du Déluge, dit: Les Grecs affûrent dans leurs fables, que les premiers hommes étant cruels & infolens, fans foi, fans hofpitalité, fans humanité, périrent tous par le Déluge; la terre ayant pouffé hors de fon fein quantité d'eaux, qui groffirent les fleuves, & firent déborder la mer à l'aide des pluyes, de forte que tout fut inondé. Il ne demeura que Deucalion, lequel fe fauva » dans une Arche avec fa famille, & un couple de bêtes de chaque efpece, tant fauvages que domeftiques, qui le fui» virent volontairement, fans s'entre-manger ni fe faire aucun » mal. Deucalion vogua ainfi jufqu'à ce que les eaux fe fuf» fent retirées, puis il repeupla le genre humain ».

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Stephanus, & l'Auteur de l'Etymologicon, difent que ce Vaiffeau s'arrêta fur une haute montagne. Berofe & Nicolas de Damas affûrent même que ce fut fur une des montagnes d'Armenie. Plutarque fait mention de la Colombe & Abydenus de certains Õiseaux fortis de l'Arche, & revenus deux fois, pour n'avoir point trouvé de lieu où ils puffent se repofer. Enfin pour dernier trait de reffemblance, les Anciens difent que Deucalion, homme pieux & vertueux, étant allé à Athenes,facrifia à Jupiter Confervateur, & lui bâtit un Temple. L'Ecriture-Sainte raconte de même que Noé au fortir

(a) Non illo melior quifquam vel amantior aqui,

Vir fuit, aut illa metuentior ulla Deorum. Id. ibid..

de

de l'Arche offrit des facrifices des animaux purs, pour remercier le Seigneur de l'avoir confervé lui & fa famille.

Jofeph (1) rapporte que l'Hiftoire du Déluge & de l'Ar- (1) Aut. 1. r. che avoit été écrite par Nicolas de Damas, par Berofe, Mnafeas & quelques autres; c'eft-là apparemment que les Grecs & les Romains prirent ce qu'ils ont répandu dans leurs Ouvrages. En un mot, c'eft. c'eft que le Déluge n'étoit pas un fait particulier à Moyfe; c'étoit une hiftoire du genre humain, qu'il étoit difficile d'oublier.

Je dois, avant que de finir ce qui regarde l'inondation arrivée fous le regne de Deucalion, faire encore quelques Remarques. La premiere, qu'on trouve dans le Cabinet du Roi, une Medaille des habitans d'Apamée, qui représente cet événement; & ce qu'il y a de fingulier fur cette Medaille, c'eft que les trois dernieres lettres de la Legende, APAMEON étant renversées, au lieu de EON, on lit NOE', & ces trois lettres fe trouvant placées plus près de l'Arche qui y eft repréfentée, il fembleroit qu'on y auroit voulu faire mention du Déluge univerfel; ce qui toutefois n'eft qu'une faute du Monetaire. La feconde,que les Marbres de Paros,qui fixent l'époque du Déluge de Deucalion, n'en parlent que comme d'une pluie abondante qui inonda le pays. La troifiéme, que l'Auteur, Livre des Méteores, attribue cette inondation, non au débordement des fleuves de Theffalie, mais à celui de l'Achelous (2). Cependant la tradition la plus générale, eft qu'elle ̧ (2) Meteor inonda la plaine de Lycorée aux environs du Parnaffe, pays affez éloigné de l'Acarnanie & de l'Etolie, où coule ce Åleuve. La quatriéme, quoique les Poëtes & les Hiftoriens qui ont parlé de ce Déluge, difent qu'il ne refta fur la terre que Deucalion & Pyrrha, cependant les habitans de Megare avoient une ancienne tradition, qui leur apprenoit que Megarus fils de Jupiter & d'une Nymphe, s'étoit fauvé de ce Déluge, en gagnant le fommet du mont Geranim, qui alors avoit un autre nom. Car felon cette tradition, ce Megarus guidé par le cri d'une bande de Grues qui voloient de ce côté là, nagea jufqu'au haut de cette montagne, qui depuis cet événement s'eft appellée le mont Geranim, à cause Tome III.

G

1. 1. c. ult.

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in Att.

(1) Paufan. des Grues, en grec, pavo(1). La cinquiéme, Paufanias nous apprend que dans l'enceinte du Jupiter Olympien à Athenes on montroit une ouverture large d'environ une coudée, par où, difoient les Atheniens, les eaux s'étoient écoulées après le Déluge de Deucalion; & il ajoute que tous les ans on jettoit dans ce gouffre une efpece de pâte faite avec de la farine de froment & du miel. Ce Temple de Jupiter Olympien, felon le même Auteur, étoit très-ancien, & on prétendoit que c'étoit Deucalion qui l'avoit fait bâtir; & pour prouver que Deucalion mourut à Athenes, on montroit fon tombeau affez près de ce Temple. Il eft bon de remarquer en paffant, que Paufanias fe trompe en difant que le Temple élevé par les foins de Deucalion avoit été confacré à Jupiter Olympien. Ce fut Pififtrate, qui en le rétablissant, le dédia à Jupiter fous ce nom; au lieu que Deucalion l'avoit confacré à Jupiter Phryxius, comme qui diroit, Jupiter par le fecours duquel il s'étoit fauve du Déluge. Ce Prince, outre le Temple dont on vient de parler, établit auffi une Fête en l'honneur de ceux qui avoient peri dans l'inondation; & cette Fête nommée popofía, dura jufqu'au temps de Sylla, comme on le (2) In Sylla. voit dans Plutarque (2).

(3) C'eft l'Hercule Phenicien.

Cedrene & Jean d'Antioche Malala, comme nous l'avons dit dans l'Hiftoire d'Ogygès, ont avancé ont avancé que Deucalion avoit laiffé dans l'Attique, l'Hiftoire du Déluge qui l'avoit obligé à y chercher une retraite. mais comme on ne croit pas que de fon temps les Grecs euffent l'ufage des lettres, il vaut mieux dire qu'il leur en laiffa une Hiftoire vivante, par le Temple & la fête qu'il établit en mémoire de cet évé

nement.

Enfin la fixiéme remarque eft que Xenophon compte cinq Déluges: le premier arriva fous un ancien Ogygès, & dura trois mois. Le fecond du temps d'Hercule (3) & de Prome thée, & ne dura qu'un mois. Le troifiéme fous un autre Ogygès, & celui-ci ravagea l'Attique. Le quatriéme fous Deucalion, qui inonda la Theffalie pendant l'efpace de trois mois. Le cinquième enfin, arriva au temps de Protée & pendant la Guerre de Troye; c'eft celui qu'on appelle Pharonien,

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