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qu'avant Pfammeticus, les Grecs ne connoiffoient gueres bien l'Egypte, croyant que ce Royaume ne s'étendoit gueres au-delà du Delta, prenant tout le refte, fur-tout la Thebaïde,pour l'Ethiopie, comme le remarque Strabon (a). L'Auteur dont je parle ici, a répandu beaucoup d'érudition fur cet article, ainsi que fur la Statue de Memnon; mais pour le concilier avec les autres Grecs, on peut dire qu'il y a eu plufieurs Princes du même nom, & que l'Hiftoire d'Amenophis a peut-être fervi à embellir celle de Memnon. M. le Clerc a un sentiment bien plus fingulier au fujet de ce Prince il croit que c'étoit Hammon,ou Cham fils de Noé ; &Vossius (b) affûre qu'il étoit le même que Baaltis, Divinité mâle & femelle des Syriens, appellée par les Grecs Aphrodité, & repréfentée fous la forme d'une pierre: auf Philoftrate, comme le remarque 'ce fçavant Auteur, dit que Memnon fut changé en pierre noire, ou plutôt en une Statue de pierre noire, dans le goût des anciennes, dont les yeux étoient fermés, les bras & les jambes jointes, & fort femblables à des pierres brutes. C'est l'idée qu'en donne cet Auteur dans la vię d'Apollonius de Thiane, quoique tous les autres parlent de la Statue de Memnon, qui étoit à Thebes en Egypte, comme d'une figure Coloffale, ayant la bouche ouverte, & femblable à un homme qui veut parler.

Pour terminer cette Hiftoire, je dois ajouter que nous n'avons rien de plus pofitif fur fon fujet, que ce qu'en rapporte Diodore de Sicile : fçavoir, que ce Prince fils de Tithon conduifit à Troye les troupes Affyriennes, fous le regne de Teutame, qui étoit le vingtiéme Roi depuis Ninus & Semiramis, les Allyriens poffedant alors, depuis plus de mille ans,l'Empire de l' Afie; Priam qui étoit tributaire du Royaume de Teutame, lui ayant demandé du fecours dans le preffant befoin où il étoit, & lui ayant envoyé fous la conduite de Memnon, dix mille Affyriens & dix mille Perfans; avec deux cens chariots, comme nous l'avons déja dit. D'où il faut conclure que les Perfans dont parle ici

(a) Liv. I. Homere a confondu ces deux Pays dans fon Odyffée, liv. 4. Voyez Marsham, Sæculo 15.

(6) Obfervat. fur Pomponius Mela.

Diodore,

Diodore, étant de la Sufiane, cette partie de la Perfe, nommée la Sufiane, étoit alors foumise aux Affyriens, & que ces Ethiopiens étoient des Ethiopiens Orientaux, bien diftingués dans les Anciens, des Ethiopiens qui font au midi de l'Egypte.Tel fut le pays deMemnon,& celui du fecours qu'il conduifit à Troye. Ceux qui font ce Prince originaire de Phrygie, donnent lieu à croire que ce peut-être la raifon pourquoi Teutame le choifit pour commander les troupes qu'il envoyoit à Priam. Que le Royaume de Troye ait été tributaire de l'ancien Empire des Affyriens, outre ce qu'on vient de rapporter de Diodore de Sicile, Platon le dit formellement (1) mais voici un paffage tiré du Traité de M. Huet (1) De Legib. fur la fituation du Paradis terreftre (2), qui éclaircit mieux Liv. 3. l'Hiftoire de Memnon, que tout ce qu'on en a dit avant lui. (2) Ch. 1 Memnon, dit ce fçavant Prelat, étoit fils de Tithon & de l'Aurore. Tithon étoit frere de Priam Roi de Troye, & on » lui a quelquefois attribué la fondation de la ville de Suse, capitale de la Sufiane. Du nom de Memnon fon fils, la citadelle a été nommée Memnonium, le Palais & les murs, Memnoniens, & Sufe même, la ville de Memnon, pour » la vénération qu'on y avoit pour lui; & l'on bâtit en fon honneur un Temple, où les Affyriens l'alloient pleurer, ce » qu'il faut entendre des peuples de la Sufiane. C'est ce Memnon qui vint au fecours des Troyens, dont il tiroit fon origine, & qui fut tué par Achille. Quand les Grecs ont feint qu'il étoit fils de l'Aurore, ils ont voulu faire entendre qu'il venoit de l'Orient..... Je fçais que l'Hiftoire de Memnon eft fort embrouillée, & rapportée fort diverfement. La plupart des anciens Auteurs ont dit qu'il étoit Ethiopien : » leur erreur eft une fuite de celle qui a fait confondre Chus, qui fignifie la Sufiane, avec Chus qui fignifie les pays

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» tués fur les bords du golfe Arabique, je veux dire l'Ethiopie
& l'Arabie..... Ce qu'on doit raifonnablement penfer tou-
chant l'expédition de Memnon, fe peut recueillir de Dio-
dore, & de quelques autres. Le Royaume de la Troade
étoit de la dépendance de l'Empire d'Affyrie. Tithon frere
de Priam qui poffedoit ce Royaume, alla à la Cour du
Tome III,
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Roi d'Affyrie, qui lui donna le gouvernement de la Sufia » ne. Il s'y maria étant déja vieux; & parce que fa femme étoit d'un pays situé à l'orient de la Grece & de la Troade, » les Grecs qui tournoient toute l'Hiftoire en fictions, dirent qu'il avoit époufé l'Aurore. Memnon & Emathion fortirent » de ce mariage: la guerre étant enfuite furvenue, Priam de> manda du fecours à Teutame, ou du moins à quelque autre Roi d'Affyrie, qui lui accorda vingt mille hommes, » & deux cens chariots de guerre. Diodore dit que ce fe> cours éroit compofé de dix mille Ethiopiens, & de dix mille » Sufiens, revenant à l'erreur vulgaire, & confondant le Chus > d'Ethiopie avec le Chus de la Sufiane. Pour rendre ce fe> cours plus utile, Teutame en donna le commandement à . Memnon, jeune Prince de race Troyenne, & qui par cette » raifon s'intereffoit à la conservation de Troye. Il retint Ti, thon auprès de lui, à cause de fa prudence qui le lui rendoit néceffaire dans fes confeils, & à caufe de fon âge trop avancé pour cette expédition. Memnon trouva de la réfif»tance dans fa route. Les Solymes, qui depuis ont été nom» més les Pifidiens, voulurent lui difputer le paffage, mais il les défit, & tout ce qui s'oppofa à lui. Il nettoya les paffa»ges, & repara les chemins, & merita par cette longue & dangereuse marche, que ce chemin portât fon nom, & fut » appellé Memnonien. Il foutint devant Troye les efforts des Grecs avec beaucoup de valeur; mais enfin il fut tué par A>chille. On parle diversement du lieu de fa fépulture : car fans > rien dire de Philoftrate, qui veut qu'il n'ait point eu de fepulcre, & qu'il fut changé en cette pierre miraculeuse, la Troade, la Phenicie & la Sufiane fe le difputent, & fur» tout l'Ethiopie, quoiqu'elle n'ait point d'autre droit à fa fe» pulture, non plus qu'à fa naiffance, que celui que lui donne l'équivoque du mot Chus. Mais malgré l'obfcurité que cette équivoque a jettée dans cette Hiftoire, Philoftrate, Geor»ge Syncelle, c'est-à-dire, le Coadjuteur de l'Eglife de Conftantinople, & Suidas qui avoit lû & copié de bons Auteurs, quoique fouvent peu judicieufement, n'ont pas laiffé de rendre témoignage à la verité; le premier en difant que Memnon

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l'Ethiopien, c'eft-à-dire, Amenophis, n'est jamais venu à Troye, & qu'on l'a confondu mal à propos avec Memnon »le Troyen, ne comprenant pas comment Memnon auroit pu amener de fi loin du fecours aux Troyens, ni même par quelle avanture Tithon fe feroit allé établir en Ethiopie, & s'en feroit fait Roi: le fecond, en diftinguant exacte»ment Amenophis Roi de Thebes d'Egypte, qui eft auffi appellé Memnon, d'avec la pierre parlante de Memnon fils » de Tithon, qu'il met au nombre des Rois d'Affyrie : & Suidas, en affûrant que Memnon n'étoit point Ethiopien, mais Sufien. Paufanias, quoique d'un efprit fort pénétrant » n'a débrouillé qu'à demi cette confusion; difant que Mem» non l'Ethiopien ne vint pas d'Ethiopie à Troye, mais de → Suse. Euftathe & le Scholiafte de Pindare, qui porte le nom de Triclinius, écrivent que Memnon & Emathion fon frere >>étoient feuls blancs au milieu de ces Ethiopiens, quoique » Virgile & les autres faffent Memnon noir. Cette remarque » confirme ma pensée : car quoique les Poëtes & les Roman» ciers fe foient donné la liberté de feindre qu'Andromede & » Chariclée étoient nées blanches parmi les noirs, néanmoins cela eft fi fingulier dans le cours ordinaire de la nature, qu'il y a bien plus de raifon de croire que Memnon étoit blanc, parce qu'en effet il n'étoit point Éthiopien.

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CHAPITRE VIII.

Hiftoire d'Eurypile.

ARMI les Alliés des Troyens, Eurypile doit tenir un rang confiderable, autant par fa naiffance que par fes belles qualités, qui lui meriterent le nom de Heros de la part même des Grecs; car Ulyffe, qui vit fon Ombre lorsqu'il defcendit aux Enfers, lui donne cette qualité.

Il étoit fils de Telephe, & petit-fils d'Hercule; & du côté de fa mere Aftioche, foeur de Priam, il tiroit fon origine du fang des Rois de Troye.

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Ce Prince étoit un des plus beaux & des mieux faits de fon temps; mais ce n'étoit pas de ces beautés effeminées puifqu'aux qualités perfonnelles dont la nature l'avoit favorisé, il joignoit beaucoup de courage & de valeur. Nous apprenons en effet de Quintus Smyrneus, & on le voit fur la Ta ble Iliaque, qu'il ôta la vie à Nireus, fils du Roi Charofi, & d'Aglaia, qui avoit amené de Synna fes troupes fur trois 【1) II. liv. 2. Vaiffeaux, ainfi que le dit Homere (1), & après un rude combat, il tua auffi Machaon fils d'Efculape, qui vouloit venger la mort de Nireus.

(2) Ody liv. 11. V.570.

& fuivans.

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Comme il n'arriva au fiége de Troye qu'à la fin de la dixiéme année, il n'eft pas étonnant qu'Homere n'en ait point parlé dans fon Iliade; mais il ne l'a pas oublié dans l'Odysfée, comme je l'ai déja remarqué. Voici de quelle maniere parle Ulysse à Alcinous (2), à l'occasion de ce que fit Neop toleme lorfqu'il fut arrivé du fiége de Troye, après la mort de fon pere. Ne croyez pas qu'il fe tint au milieu des ba> taillons ou des efcadrons; il dévancoit toujours les troupes » & voloit le premier à l'ennemi.... Il a tué de fa propre » main une infinité de vaillans hommes dans la fanglante mêlée. Je ne fçaurois vous nommer ici tous ceux qui font tombés fous fes coups; je vous dirai feulement que c'est à lui que nous devons la défaite du Heros Eurypile, & de fes troupes qui fe firent toutes tuer autour de fon corps. Ces belliqueufes bandes de Cétéens étoient venues à cette guer »re, attirées par des prefens, & par l'efpérance d'époufer des femmes Troyennes ; leur Général devoit être gendre de » Priam. Je n'ai jamais vù un si beau Prince; il n'y avoit que » Memnon qui fût plus beau que lui.

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Cet endroit d'Homere nous apprend bien des circonftances de l'Hiftoire de ce Heros que nous ignorerions fans lui. Que ce Prince étoit un des plus beaux de fon temps; qu'il combatit vaillamment au fiége de Troye, qu'il fut tué par Pyrrhus ou Neoptoleme fils d'Achille; qu'il avoit conduit à ce fiége les Cétéens fur lefquels fans doute il regnoit. Les Cétéens, au refte, habitoient la Myfie, partie de l'Afie mineure qui étoit proche du fleuve Caïque. C'eft ce que nous

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