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apprend Quintus Smyrneus (1) lorfque parlant de l'arrivée (1) Liv. a d'Eurypile au fiége de Troye, il dit qu'il étoit fuivi des belli- v. 121. queux Cétéens qui habitoient fur les rivages du Caique; ou, pour parler plus jufte, fur les bords du Cetius, autre fleuve voisin du Caïque, ainfi que le prouve une Médaille rapportée par Spanheim, & frappée à Pergame, du temps de l'Empereur Adrien. Que fi on demande pourquoi les Pergameniens firent cette Médaille, c'eft, comme le dit ce fçavant Antiquaire, après Ariftide, parce que ce peuple mettoit au nombre de fes fondateurs Telephe pere d'Eurypile. Les Pergameniens, pour flatter Adrien, avoient représenté fur cette Médaille ce Heros fous la reffemblance, & avec les mêmes traits qu'Antinoüs.

Nous apprenons encore du paffage d'Homere qu'Eurypile étoit venu au fiége de Troye dans l'efpérance de devenir gendre de fon oncle Priam, qui lui avoit promis fa fille Caffandre en mariage. Enfin, que les Cétéens fes fujets, qui se firent tous tuer autour de leur Roi, avoient été attirés au même fiége dans l'efpérance d'époufer des femmes Troyennes; car c'eft ainfi que s'exprime Madame Dacier, quoique le texte d'Homere porte feulement : Ses compagnons Cétéens Se firent tuer antour de lui, pour des prefens de femmes.

Strabon qui a rapporté dans fa Géographie ce paffage d'Homere, en parle ainfi : Homere nous propose plûtôt ici une Enigme, qu'il ne nous expose un point d'histoire clair & net. Car nous ne fçavions ni quels peuples c'étoient que ces Cétéens, ni ce qu'il faut entendre par ces prefens de femmes, & les Grammairiens en nous débitant leurs fables, nous débitent leurs imaginations bien plus qu'ils ne tranchent la difficulé. Il y a donc là deux énigmes au fieu d'une. La premiere confifte à fçavoir qui étoient ces Cétéens qu'avoit emmenés Eurypile au fiége de Troye. La feconde, ce qu'on doit entendre par ces prefens de femmes. Mais la premiere n'eft plus un énigme on fçait, & je l'ai déja prouvé par l'autorité de Quintus Smyrneus, auquel on peut ajouter Hefychius, que c'étoient des peuples de la Myfie qui habitoient aux environs du Caïque, & que c'étoit-là que Telephe pere d'Eurypile s'étoit établi. Strabon en con

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P. 379,

vient, & dit que c'eft le fentiment d'Homere. Ce même Auteur auffi convient qu'un torrent qu'on nommoit le Cétée, se jettoit dans le Caique, pourquoi donc n'a-t'il pas voulu comprendre que les peuples qui habitoient aux environs, pouvoient s'appeller les Cétéens? Madame Dacier dans fes No(1)Tom. II. tes fur l'Odyssée (1), a tâché d'expliquer la feconde difficulté; mais pour ne rien diffimuler, elle n'a pour fon opinion que Dictys de Crete, dont l'autorité n'eft pas généralement reconnue. Cet Auteur croyoit qu'il s'agiffoit dans le paffage d'Homere des prefens que Priam avoit envoyés à sa sœur Aftioche, pour l'engager à faire venir fon fils à fon fecours, en promettant de plus à fon neveu de lui faire époufer fa fille. On met parmi ces prefens une vigne d'or, qu'on dit que Jupiter avoit donnée autrefois à Tros. Quoiqu'il en foit, il paroît que Priam_preffé par fes ennemis, avoit attiré à fon fecours plufieurs Princes en leur promettant fa fille Caffan(2) En. 1. 2, dre. Virgile (2) nous apprend que Corebe y étoit venu dans çe deffein, & Homere dit la même chose du Thrace Othrionée.

CHAPITRE IX.

Hiftoire de Laocoon.

AOCOON par fa naiffance, par Lear , par fa dignité, autant que LA par la trifte avanture qui termina fes jours, avanture que Virgile décrit fi bien dans le Livre II. de l'Eneïde, & qui eft représentée fur un des plus beaux monumens qui nous reftent de l'Antiquité, merite bien un Article feparé. Les Anciens qui ne s'accordent pas au fujer de la famille dont il tiroit fon origine, conviennent tous cependant qu'elle étoit illuftre. (3) Fab. 135. Hygin (3) dit qu'il étoit fils d'Acœtès, & frere d'Anchise. Les Commentateurs de ce Mythologue ont cru, avec rai fon, qu'il y avoit faute en cet endroit, & que fi Laocoon étoit frere d'Anchife, il falloit fubftituer au lieu d'Acotès,

Capys, qui de l'aveu de tout le monde, étoit pere de ce Prince Troyen. Prêtre d'Apollon, le fort lui avoit déferé ce même honneur pour Neptune, comme nous l'apprenons de Virgile (a), & c'étoit en qualité de Prêtre de ce Dieu qu'il immoloit un Taureau fur le bord de la mer, le jour qui préce da la prife de Troye. Pendant que les Troyens étoient attentifs à confiderer le cheval de bois que les Grecs avoient laiffé dans leur Camp, Laocoon fortit de Troye, & après avoir vainement tenté de leur perfuader de fe défier d'un pareil prefent, qu'ils ne devoient regarder que comme une machine dont le vafte flanc cachoit leurs ennemis, ou qui ferviroit à battre leurs murailles, il lui lança fon javelot, qui la fit retentir d'un bruit confus.

Cette action fut regardée de tout le monde comme une impieté, & on en fut encore bien plus perfuadé, lorfque dans le temps même que ce Prêtre offroit le facrifice dont je viens de parler, deux affreux Serpens for tis de l'Isle de Tenedos, felon Virgile, ou de celle de Calydne, fi nous nous en rapportons à Bacchilidès cité par Servius ; après avoir traversé le bras de mer qui fepare ces Ifles de la Troade, allerent droit à l'Autel où facrifioit Laocoon, fe jetterent fur fes deux fils, qu'Hygin nomme Antiphate & Tymbræus (b) & après les avoir déchirés impitoyablement, faifirent Laocoon lui-même qui venoit à leur fecours, & le firent périr miferablement (c).

C'eft cetre avanture qui a donné lieu au chef-d'œuvre de Sculpture qui la repréfente. Cet admirable Grouppe, ouvrage, felon Pline de trois célebres Sculpteurs de l'Ile de Rhodes, Agefander,, Polydore, & Athenodore, fait d'un feul bloc de marbre, étoit du temps de cet Auteur dans le Palais de l'Empereur Tite, & eft aujourd'hui dans les Jardins du Belveder (d).

(a) Laocoon ductus Neptuno forte Sacerdos. En. lib. 2.

(b) Theffander dans Servius les appelle Melanthus & Ethrone.

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par-là de ce que Laocoon s'étoit marié, contre la défenfe expreffequ'il lui en avoit faite.

(d) Laocoon qui eft in Titi Imperatoris domo, opus omnibus & pictura & ftatua

(c) Hygin attribue cette trifte cataftrophe à la colere d'Apollon, qui fe vengearia artis præferendum. Ex uno lapide, eum

Il n'eft pas difficile à ceux qui en ont vû l'original, ou la belle copie, qui eft en bronze à Trianon, de s'appercevoir que ce groupe eft fait fur la defcription de Virgile, dont il rend parfaitement l'efprit & l'expreffion. Mais je dois observer que les Traducteurs de ce Poëte, le dernier même qui eft fi élegant, n'ont pas rendu de même toute fa penfée, s'étant contentés de dire que les deux Serpens par leurs replis tortueux, avoient embraffé deux fois le corps de Laocoon, & deux fois fon col, & ont laiffé ce qu'il ajoute, & ce qui en même temps met le dernier trait à ce beau Tableau, superant capite & cevicibus altis, il falloit donc dire que malgré ces differens replis, ils s'élevoient encore au-dessus de Laocoon de toute la tête, &de toute la partie fuperieure de leur corps.

&liberos, draconumque mirabiles nexus

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de confilii sententia fecere summi artifices de ander Polydoras & Athenodorus Rho

dii. Plin. lib. 36. c. S.

CHAPITRE X.

Hiftoire de Paris, d'Helene, de Menelas, & d'Oenone.

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ECUBE étant groffe, eut un fonge funefte: il lui fembloit qu'elle portoit dans fon fein un flambeau qui devoit embrafer un jour l'Empire des Troyens. Les Devins confultés fur ce rêve, dirent que le fils que cette Princesse mettroit au monde, feroit la caufe de la défolation du Royaume de Priam. Ainfi la Reine étant accouchée, on le fit expofer fur le mont Ida, où quelques Bergers le nourrirent. Alexandre (c'eft le nom qu'il porta d'abord (a)) devenu grand, se rendit fameux parmi fes compagnons, & devint amoureux d'une belle Bergere nommée Enone, fille du fleuve Cedrene; c'est-à-dire d'un petit Roi de cette Contrée, qui donna fon nom à ce fleuve, & en eut un fils d'une extrême beauté,

(a) Ce nom qui eft dérivé d'un mot Grec qui veut dire, défendre, fecourir, lui fut donné par les Bergers du mont Ida, à caufe du courage qu'il avoit fait paroître à défendre les troupeaux. On croit qu'il avoit porté auparavant celui d'Efacus.

nommé

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nommé Corythe. Enone jaloufe de Paris qui avoit enlevé
Helene , comme je le dirai dans un moment, l'envoya à
Troye, lui recommandant de voir affidument fa rivale; & le
jeune homme s'acquitta fi bien de cette commiffion, que Pa-
ris en prit de l'ombrage; & étant entré un jour dans l'appar-
tement de fa femme, & le trouvant affis auprès d'elle, le tua
dans un transport de colere. Enone outrée de ce nouvel at-
tentat, fit mille imprécations contre fon amant ; & comme elle
pénétroit dans l'avenir, & qu'elle avoit quelque connoiffance
des plantes, & de l'ufage qu'on en peut faire dans la Medecine,
prefens qu'on difoit qu'elle avoit reçus d'Apollon qui en avoit
été amoureux, elle prédit que l'infidele Paris feroit bleffé un
jour; mais que vainement il auroit recours à elle, comme
je le dis ailleurs (a).

ayant

Fab. 91.

Pendant ce temps-là il arriva une avanture qui fit connoître Alexandre: un des fils de Priam lui enlevé un taureau, pour le donner à celui qui remporteroit le prix dans les Jeux funebres qu'on devoit célebrer à Troye, il y alla lui-même, combattit contre fes freres, & les vainquit (1). (1) Hygia, Déiphobe, ou felon d'autres, Hector voulut le tuer; mais Alexandre ayant montré les langes avec lefquels il avoit été expofé (2), fut reconnu par Priam qui le reçut avec beaucoup (2) Servius de joye; & croyant que l'Oracle qui avoit prédit que fon fils fur le cinquiécauferoit la perte de fon Royaume, avant qu'il eût l'âge de de. trente ans, étoit faux, puifqu'il les avoit accomplis, il fut conduit au Palais, & on lui donna le nom de Paris.

Quelque temps après, fon pere l'ayant envoyé en Grece, fous pretexte de facrifier à Apollon Daphnéen, mais en effet pour recueillir la fucceffion de fa tante Hefione, il devint amoureux d'Helene, l'enleva, & attira fur fa patrie cette fanglante guerre dont nous venons de parler, dans laquelle il perdit la vie. On dit qu'Enone lui avoit prédit toutes les circonftances de fa vie, & qu'il viendroit mourir un jour entre fes bras; ce qui arriva car fe voyant bleffé, il se fit porter (a) Conon, narr. 23. raconte ainfi la mort du jeune Corythe, & il n'eft pas le feul des Anciens qui parle de ce fils de Paris & d'Oenone. Parthenias, qui cite à ce fujet Les Troiques d'Hellanicus, Lycophron & fon Commentateur, Tzetzès en font auff mention.

Tome III.

Ttt

me de l'Enei

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