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que la

nément, mais en Egypte, où il engagea Protée de la garder
jufqu'à fon retour,& que cePrince la donna dans la fuite à Me-
nelas qui alla la lui demander; enfin
guerre de Troye,
dont je viens de parler,ne fut pas entreprise à l'occafion d'He-
lene, mais à caufe de l'ancienne querelle entre Hercule &
Laomedon, & de l'enlevement d'Hefione que Priam vouloit
ravoir. En effet, difoit au milieu de Troye même Dion Chry-
foftome, dans la Harangue dont j'ai déja parlé, fi les Grecs
avoient pris & faccagé la ville de Troye, comment auroit-il
pû arriver que revenant chez eux vainqueurs & triomphans
ils euffent été fi mal reçûs, qu'il y en eut qui furent affaffinés,
pendant que la plupart des autres, chaffés honteufement, fu-
rent obligés d'aller chercher des établiffemens dans des
éloignés? Comment feroit-il arrivé encore que les Troyens
vaincus & fubjugués, au lieu de fe retirer dans les differen-
tes contrées de l'Afie, où ils avoient des amis & des alliés,
euffent traversé les mers & paffé près des côtes de la Grece,
pour aller fonder des villes & des Royaumes dans l'Italie, &
dont quelques-uns même d'eux, comme Helenus, s'établit au
milieu de la Grece? Il n'y a là nulle vraisemblance; & il faut
abandonner la tradition commune.

pays

P

CHAPITRE X I.

Hiftoire de Protefilas, de Calchas, & de Philocetufe.

ROTESILAS merite une des premieres places parmi les Heros de ce temps-là, pour s'être dévoué à une mort certaine, en faveur des Grecs, & avoir abandonné le lendemain de fes noces, une épouse aimable & qu'il aimoit tendrement. Hygin dit (1) qu'il s'appelloit Iolaus (a), & qu'ayant (1) Fab. 103 quitté fon époufe dès les premiers jours de fon mariage, pour se joindre aux autres Grecs, quoiqu'un Oracle eût

(a) Cette action fit changer fon nom en celui de Protefilas,

(1) Liv. 9.

(2) Nar, 13.

annoncé que celui qui defcendroit le premier fur le rivage ennemi perdroit la vie, voyant que les autres n'ofoient le faire, il facrifia fa vie pour le falut de fes Compagnons, & étant def cendu de fon Vaiffeau, il fut tué par Hector (a). Sa femme Laodamie, fille d'Acafte, pour fe confoler de cette perte, fit faire une Statue qui reffembloit à fon mari, & la tenoit toujours auprès d'elle. Un valet l'ayant vûe dans le lit de Laodamie, alla dire à Acafte que fa fille étoit couchée avec un homme; il y accourut, & n'ayant trouvé que cette Statue, il la fit brûler pour ôter ce trifte fpectacle à fà fille; mais Laodamie s'étant approchée du feu, fe jetta dedans, & y perdit la vie; & c'eft ce qui a donné occafion aux Poëtes de dire les Dieux avoient rendu la vie à Protefilas pour trois heu res, & que fe voyant obligé après ce temps-là de rentrer dans le Royaume de Pluton, il avoit perfuadé à sa femme de le fuivre.

que

Strabon (1), qui parle en trois ou quatre en trois ou quatre endroits de fa géo graphie, de Protefilas, dit que fes Etats étoient dans la Theffalie, s'étendoient depuis la Phtiotide où regnoit Pelée, jufqu'à la mer, & que fes villes principales étoient Antrone, Phyla, &c. & cela conformément à Homere, qui dans le fecond Livre de l'Iliade, dit qu'il avoit emmené avec lui fur quarante Vaiffeaux ceux qui habitoient Philucé, Pyrrhese, Icone, Antrone & Pholée.

Je ne fçais, au refte, fi ce que rapporte Conon (2) de Pro tefilas, regarde un autre Prince de même nom, ou s'il a abandonné, comme il lui arrive affez fouvent, la tradition fuivie par Homere & par tous les Anciens, puifqu'il dit qu'il furvécut à la prife de Troye, & qu'ayant été arrêté par une tempête, entre Mendès & Scione, Etilla fille de Laomedon, & fœur de Priam, qui étoit au nombre de ses esclaves, perfuada à fes compagnes de mettre le feu à fes Vaisseaux, afin qu'elles ne fuffent pas conduites dans la Grece: ce qui ayant été executé, il fut obligé de s'arrêter à Scione, où il bâtit une ville de même nom.

(a) Homere, liv. 2. dit feulement qu'il fut tué par un Dardanien.

Comme

Comme dans toutes leurs expéditions les Anciens mêloient Calchas. toujours la Religion, ils n'en entreprenoient aucune fans emmener des Prêtres & des Devins ; & on offroit les facrifices & les autres vœux publics dans un camp, auffi régulierement que dans la ville la plus policée. Telles furent les fonctions de Calchas pendant la durée du fiége de Troye. On le confultoit comme Devin, & il offroit comme grand-Prêtre, les facrifices & les offrandes. Homere qui en parle en differens endroits de l'Iliade, nous laiffe entrevoir partout qu'on avoit pour lui une grande confidération. Ce fut lui qui ordonna le facrifice d'Iphigenie, pour obtenir un vent favorable; & qui par l'augure tiré d'un Serpent qui avoit dévoré un oiseau avec fes neuf petits, prédit que la ville de Troye ne feroit prise qu'après dix ans de fiége.

Lorfque l'Armée fut attaquée de la pefte, on confulta Calchas, qui fans ménager les interêts du Général qui avoit enlevé Chryféis, décida qu'il devoit la rendre à fon pere (1). Avant que d'allumer le bûcher pour faire brûler le corps d'Ajax qui venoit de fe tuer à caufe du refus qu'on lui avoit fait des armes d'Achille, Calchas dont on demanda l'avis pour fçavoir fi ce Heros méritoit cet honneur, décida qu'il ne devoit point le recevoir. Dans le pillage général de la ville de Troye, ce même grand-Prêtre défend qu'on touche à la maifon d'Enée, & on lui obéit. Eft-il question d'immofer Poli xene aux mânes irrités d'Achille, on confulte Calchas, & il fe trouve present au facrifice barbare qu'on fait de cette Princesse qu'on immole au reffentiment dePyrrhus; & s'il ne fui porte pas le coup mortel, c'eft qu'elle le prévînt, comme le raconte fi élegamment Ovide dans le quatorziéme Livre de fes Métamorpholes. En un mot, il ne fe paffoit rien de confidérable dans l'Armée, qu'on ne le confultât auparavant. Il étoit fils de Theftor, & eft fouvent appellé par les Poëtes Theflorides.

Après la prife de Troye n'ayant pas voulu s'embarquer avec tes chefs des Grecs, il s'en alla par terre accompagné d'Amphiloque fils d'Amphiaraus, à Colophon, ville d'Ionie, où fe trouvant un jour dans un bois facré d'Apollon, il y renconra Mopfus, autre Devin célebre de ce temps-là, lequel luiTome III. Vuu

(1) Iliad.1.1: Voyez la Ta

ble Iliaque.

ayant propofé de lui dire combien une truye pleine qui paffoit par-là, portoit de petits dans fon ventre, & n'ayant pû le de (1)Pherecide. viner (1), & Mopfus ne s'y étant point mépris, il en mourut de chagrin. C'est ainfi que Pherecide racontoit le fujet de la mort de ce Devin. Hefiode dit que Mopfus l'avoit défié de deviner combien un figuier qu'il lui montra, avoit de figues, & raconte de même le reste de l'avanture; mais Sopocle,tant il y a d'incertitude fur ces fortes d'hiftoires, avoit fuivi une tradition tout-à-fait (2) Apud differente de ces deux-là. Ce fut felon lui,non à Colophon dans Phot.Narr. 6. l'Ionie, mais dans la Cilicie que mourut Calchas. Enfin Conon (2) qui convient avec Pherécide du lieu où ce Devin cessa de vivre, rapporte une caufe bien differente de fa mort. Amphimaque Roi de Colophon méditoit une expédition dans le temps que Calchas arriva à fa cour, où Mopfus s'étoit diftingué dès long-temps non-feulement par le talent qu'il poffedoit de connoître l'avenir, mais auffi par fon courage & par fa valeur. Le Roi les confula l'un & l'autre. Calchas lui prédit une victoire fignalée, pendant que Mopfus ne lui annonça que des malheurs Le Roi ayant fuivi le conseil du premier, fut entierement défait, & le Prophete en mourut de chagrin.

Philo&tete.

Philoctete fut un des Heros des plus célebres de ce tempslà. Il étoit fils de Paan, & Compagnon d'Hercule, qui en mourant lui laiffa fes fléches, dont l'une dans la fuite lui devint fatale. Car après s'être engagé par ferment de ne point revéler le lieu où il dépofoit le corps de ce Heros, & les Grecs dans la fuite prêts à partir pour Troye, ayant appris de l'Oracle de Delphes que pour fe rendre maîtres de cette ville, il falloit qu'ils fuffent en poffeffion des fleches d'Hercule, envoyerent des Députés à Philoctete, pour apprendre en quel lieu elles étoient cachées. Philoctete qui ne vouloit ni violer fon ferment, ni priver les Grecs de l'avantage devoient leur procurer ces fléches, après quelque réfiftance, montra avec le pied le lieu où il avoit inhumé Hercule, & avoua qu'il avoit fes fléches en fon pouvoir. Cette indifcretion lui coûta cher dans la fuite; car dans le temps

que

qu'on l'emmenoit à Troye, une de ces fléches étant tombée fur le même pied avec lequel il avoit montré le lieu de la fepulture d'Hercule, il s'y forma un ulcere qui jettoit une fi grande puanteur, qu'à la follicitation d'Ulyffe on le laissa dans I'Ile de Lemnos, où il fouffrit pendant dix ans tous ces maux & toutes ces douleurs, que l'illuftre Auteur du Telemaque décrit fi éloquemment d'après Euripide (1) & Ovide (2). ̧(1) In PhiCependant après la mort d'Achille les Grecs voyant qu'il (2) Met. 1.14. étoit impoffible de prendre la ville fans les fléches qu'il avoit emportées avec lui à Lemnos, Ulyffe quoiqu'ennemi mortel de Philoctete, fe chargea de l'aller chercher & de le ramener, ce qu'il executa en effet. C'eft ce voyage & cette négociation, pour le dire en paffant, qui font le fujet d'une des plus plus belles Tragédies que l'Antiquité nous ait tranf

mifes.

loft.

Philoctete ne fut pas plutôt arrivé dans le camp des Grecs, que Paris lui fit offrir un combat fingulier; mais le Heros Grec l'ayant bleffé mortellement d'une de fes fléches, il alla mourir entre les bras de fa chere none. Comme fon ulcere n'étoit point encore guéri, n'ofant après la prife de Troye retourner dans fon pays, il alla dans la Calabre, où il bâtit la ville de Petilie, & fut enfin guéri par les foins de Machaon, comme nous l'apprenons de Properce (3) & d'Ovi- _(3) Liv. 2 de (a). Eleg. 2.

Philoctete avoit été un des plus célebres Argonautes,ainsi que je l'ai dit dans leur Hiftoire ; & comme il furvécut long-temps à la prife de Troye, c'eft une nouvelle preuve de la proximi té de ces deux événemens.

(a) Tarda Philocleta fanavis crura Machaon,

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