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fouvent ils n'avoient ni la volonté, ni le pouvoir de confulter d'autres Ouvrages.

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Hiftoire de Terée, de Pandion, de Progné, de Philomele, des filles de Pandarée, & de celles d'Erechthée.

VIDE (I) & Hygin (2) racontent fort au long, quoiqu'avec quelque difference, cette Hiftoire: je l'appelle ainfi parce que Strabon, Paufanias, & plufieurs autres Anciens, conviennent que l'évenement qui donna lieu aux fictions dont on l'a ornée, eft véritable.

Pandion, fecond du nom, Roi d'Athenes, avoit deux filles extrémement belles, nommées Philomele & Progné. Comme il n'avoit point d'enfans mâles, il chercha un gendre qui füt puiffant, & voifin de fes Etats. Terée, Roi d'un petit Royaume peu éloigné de l'Attique, fut celui qu'il choisit, & il lui fit époufer Progné, efperant d'en tirer quelque fecours dans la guerre qu'il avoit contre les Thebains: mais la brutalité de fon gendre lui caufa dans la fuite tant de chagrin, qu'il en mourut. En effet, quelques années après fon mariage, foit que Progné füt morte, comme le veut Hygin; ou que ce fût à la follicitation de cette Princeffe qui defiroit de voir sa sœur, comme le raconte Ovide, Terée alla à Athenes la demander à fon pere, dans le deffein de l'emmener en Thrace, où sa foeur l'attendoit avec impatience.Pandion refufa long-temps de répondre à l'empreffement de fon gendre, comme fi veritablement il eût prévu que ce voyage devoit être funeste à sa fille; mais enfin il la lui accorda, en donnant des Gardes à la jeune Princeffe pour veiller à fa conduite. Auffi-tôt que Terée fe vit en poffeffion de cette beauté, qu'il aimoit éperduement, il ne fongea plus qu'à fatisfaire fa paffion; & dès qu'il put prendre terre, il fit mourir les Gardes que Pandion avoit fait embarquer avec lui, & ayant conduit Philomele, ou fur une monTome III. Xxx

(1) Liv. 6.

(2) Fab.45.

tagne, comme le dit Hygin, ou dans un vieux Château qui lui appartenoit, ainfi que le prétend Ovide, il lui fit violence; & defefperé des reproches fanglants qu'elle lui fit, il lui coupa la langue & la laiffa enfermée dans le Château fous la garde de quelques perfonnes affidées.

Cependant Philomele par le moyen d'un morceau de point d'éguille qu'elle traça, fit connoître à sa four le malheur qui lui étoit arrivé, laquelle profitant d'une des Fêtes de Bacchus, pendant laquelle il étoit permis aux femmes de courir à travers les champs, elle alla au Château où étoit fa fœur, l'emmena avec elle, l'enferma fecretement dans le Palais, tua fon fils Itys (a), le mit en pieces, & l'ayant fait cuire, le fit fervir dans le feftin qu'elle donnoit à fon mari à l'occasion de la Fête dont on vient de parler. Philomele paroiffant à la fin repas, jetta fur la table la tête de cet enfant. Le Roi outré de rage & de fureur, mit l'épée à la main pour tuer fa femme & fa belle four; mais ces deux Princeffes étant montées fur un vaiffeau qu'elles avoient fait préparer à ce deffein, arriverent à Athenes avant qu'il eût pu les atteindre.

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Jufques-là tout eft naturel; mais les Poëtes ne manquent gueres d'ajouter à de pareils évenemens l'intervention des Dieux: on publia que Progné avoit été changée en Hirondelle, Philomele en Roffignol, Itys en Faifan ou en Chardonneret, & Terée en Hupe. Les Mythologues trouvent des raisons convenables à ces métamorphofes : on a voulu, difentils, par ces changemens fymboliques peindre le caractere de ces différentes perfonnes. Comme la Hupe eft un oiseau qui aime le fumier & l'ordure, ona prétendu nous marquer par-là les mœurs impures de Terée; & parce que le vol de cet oifeau eft fort lent, on fait voir en même temps, qu'il ne put point attraper les Princeffes, fon vaiffeau étant moins bon voilier que le leur. Un vers d'Ariftophane, dans le premier Acte de fa Comédie des Oifeaux, où Terée pour diminuer l'étonnement d'Eulpis, furpris de voir ce Prince fous une figure fi hideufe, nous donne affez à entendre que c'étoient les

(a) Paufanias met ce meurtre fur le compte des femmes de Thrace, ce qui eft plus vraisemblable.

Poëtes Tragiques qui fouvent avoient inventé, ou du moins donné cours aux anciennes fictions, & nommément à celleci, puifque Terée dit: ainfi a-t'il plu à Sophocle de me défigurer de la forte (a). Le Roffignol qui fe cache dans les bois & les broffailles, femble vouloir cacher fa honte & fes malheurs ; & l'hirondelle, qui fréquente les maifons, marque l'inquiétude de Progné qui cherche vainement fon fils qu'elle a inhumainement massacré.

Tout cela eft fort ingénieux, mais malheureusement d'autres Auteurs très-anciens ont détruit toutes ces belles réfléxions. En effet Anacreon, & après lui Apollodore, difent que Philomele fut changée en Hirondelle, & Progné en Roffignol. Quoiqu'il en foit, on prétend que cet évenement étoit arrivé à Daulis, ville de Phocide, ou Terée étoit venu demeurer ; ce qui peut-être vrai, en difant que ce Prince voulant fecourir Pandion fon beau-pere, qui étoit en guerre avec les Thébains, étoit venu avec fa Cour dans la Phocide, pour être plus en état de le fecourir.

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On peut fixer l'époque de cet évenement vers l'an 1440. avant l'Ere chrétienne, fous le regne de Pandion II. Roi d'Athenes. Eufebe le fait remonter un peu plus haut, puifqu'il croit que Progné & Philomele étoient filles de Pandion mier du nom, qui fucceda à Erichtonius. Au refte il y a apparence que Terée périt en poursuivant fa femme & fa foeur, puifque Paufanias (1)nous apprend qu'on voyoit fon tombeau à Mégare.

(1) In Attic.

Homere (2), dont l'autorité eft d'un fi grand poids dans ces (2) Ody. matieres, a fuivi une autre tradition. En effet dans l'endroit lib. 19. où il parle des fujets de chagrin de Penelope; « Cette Prin

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ceffe, dit-il, faifoit entendre fes regrets, comme la plaintive Philomele, fille de Pandarée, toujours cachée entre les » branches & les feuilles des arbres, dès que le Printemps est venu, fait entendre fa voix & pleure fon cher Itys, qu'elle a »tué par une cruelle méprife, & dans fes plaintes continuelles, elle varie fes triftes accens. » Il paroît par cette compa

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(4) Nous n'avons plus cette Tragédie de Sophocle.

raifon, qu'Homere n'a connu ni Progné ni Terée, & qu'il a fuivi la Tradition que je vais rapporter.

Pandaré, fils de Merops, avoit trois filles, Merope; Cleothere, & Ædo; celle-ci, qui étoit l'aînée, fut mariée à Zethus frere d'Amphion, dont elle n'eut qu'un fils, nommé Ityle. Jaloufe de la nombreuse famille de Niobé fa belle fœur, elle réfolut de tuer l'aîné de fes neveux; & comme fon fils étoit élevé avec fon coufin, & qu'il couchoit avec lui, elle l'avertit de charger de place la nuit qu'elle vouloit commettre ce crime. Le jeune Ityle oublia cet ordre, & fa mere le tua (1) Odyf. au lieu de fon neveu. Homere dans le Livre fuivant (1), revient à la même Hiftoire, & ajoute qu'après que les Dieux eurent rendu orphelines les deux fours d'Edon, Merope & Cleothere, en faisant mourir leur pere & leur mere, elles furent enlevées par les Harpyes, qui les livrerent aux Furies dans le temps qu'elles alloient être mariées.

lib. 20.

Pour répondre d'avance à quelques difficultés que pourroit faire naître l'Hiftoire qu'on vient de lire, il eft nécessaire de (2) Liv. . diftinguer avec Thucydide (2), la Thrace où Terée habitoit, de la Thrace proprement dite. Cette derniere étoit fort éloignée de la Grece, par rapport à la premiere, qui confinoit à la Theffalie. La Capitale où habitoit Terée, s'appelloit Daulis; c'eft véritablement dans ce canton, ajoute ce judicieux Ecrivain, & non dans la Thrace proprement dite, qu'arriva là funefte avanture du jeune Itys, maffacré par fa mere & par fa tante; & il eft vrai-femblable, dit-il encore, que le Roi d'Athenes avoit donné fa fille à un Prince voifin, dans l'efpérance d'en tirer de prompts fecours contre fes ennemis. Une preuve, conclut le même Auteur, qui affûre que c'étoit à Daulis que s'étoit paffée l'avanture, c'eft que les Poëtes donnent ordinairement au Roffignol, ou à Philomele, l'épithete de Daulias.

Antoninus Liberalis, fur l'autorité de Nicandre dans fon Ornithologie, raconte une avanture affez femblable à celle qu'on vient de lire. Pandarée d'Ephefe, dit-il, avoit deux filles, l'une nommée Ædon, qu'il maria à Polytechne, de la ville de Colophon dans la Lydie, l'autre appellée Chelidonie.

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Les nouveaux Epoux furent heureux tandis qu'ils honorerent les Dieux; mais s'étant vantés un jour qu'ils s'aimoient plus que Jupiter & Junon, cette Déeffe offenfée de ce difcours leur envoya la Discorde qui les eut bientôt brouillés enfemble. Polytechne étoit allé chez fon beau-pere lui demander fa fille Chelidonie, que fa foeur avoit envie de voir, & l'ayant conduite dans un bois, il lui fit violence. Celle-ci pour fe venger apprit à Ædon l'infulte qui lui avoit été faite, & l'une & l'autre réfolurent de faire manger au mari Itys fon fils unique. Polytechne informé de cet attentat, poursuivit fa femme & fa belle-foeur jufque chez Pandarée leur pere, où elles s'étoient retirées, & l'ayant chargé de chaînes, & lui ayant fait frotter tout le corps de miel, il le fit jetter au milieu des champs. Adon s'étant tranfportée dans le lieu où étoit fon pere, tâcha d'éloigner les mouches & les autres infectes qui le dévoroient; & une action fi louable ayant été regardée comme un crime, on alloit la faire mourir, lorfque Jupiter touché des malheurs de cette famille, les changea tous en oifeaux de même efpece que ceux dont nous avons parlé.

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Enfin il se trouve encore une autre fable à expliquer dans la même famille de Pandion. Erechthée fon fils avoit quatre filles (1) qui, je ne fçais par quelle bizarrerie, s'obligerent par fer- (1) Hygin ment de ne pas furvivre les unes aux autres ; & que fi l'une ve

noit à mourir, les autres s'ôteroient la vie. Dans ces entrefaites Eumolpe déclara la guerre aux Atheniens, prétendant que l'Attique appartenoit à fon pere; mais il fut vaincu dans le combat qui le donna à cette occafion. Neptune fon pere, pour ôter à Erechthée tout fujet de joye pour cette victoire, demanda qu'Othonée, la fille de ce Prince, lui fût immolée, ce qui fut executé: Ses foeurs fe donnerent la mort, & Erechthée fut tué d'un coup de foudre que lui lança Jupiter à la priere du même Neptune.

Fab. 146.

Xxx iij

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