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Mythologue ne prouve point fa conjecture, il vaut mieux
rapporter la réflexion de Strabon, qui dir qu'il ne fçait pas
pourquoi cette fontaine étoit en fi mauvaise réputation, puif-
que la moleffe vient moins de l'air ou de l'eau, que des richef-
fes & du luxe. Cette Fable eft écrite par notre Poëte d'une ma-
niere qui n'expose que trop clairement les effets de la volupté,

liv. 4.

A ces métamorphofes le même Poëte joint celle deCelme, Celme. lequel, dit-on, (1), fidele à Jupiter pendant fon enfance, de- (1) Metam. vint à la fin fi indifcret, qu'il mérita d'être changé en diamant. Pline qui a regardé cette Fable comme un trait d'Hiftoire, dit que Calme étoit un jeune homme fort moderé & fort lage, & fur lequel les paffions ne faifoient aucune impreffion; & que c'eft pour cela qu'on l'a changé en diamant. Il y a des Anciens qui prétendent que Celme, pour avoir revelé que Jupiter dont il étoit le pere nourriffier, étoit mortel, fut enfer-.. mé dans une tour impénétrable, & que pour cela il fut appellé le Diamant. D'autres enfin prétendent qu'il fut toujours fidele à Jupiter, & que ce Dieu, pour le récompenfer, le combla de biens & de richeffes.

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Hiftoire des Pygmées, & de Pygas, leur Reine; de leurs
combats avec les Grues & les Perdrix; & où l'on exa-
les Pygmées dont parle le Pro-

mine ce que

c'étoient

phete Ezechiel.

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que

L y a peu de Fables dans l'Antiquité, plus célebre que Les Pygcelle des Pygmées. Homere, le premier qui en ait parlé, mées. n'employe cette fiction que dans une comparaifon; mais cette comparaison - là même en renferme la partie la plus confidérable. « Lorfque, dit-il, toutes ces nations différentes furent > en bataille, les Troyens s'armerent avec un bruit confus & des cris perçans, comme des oifeaux, tels que les Grues fous la voûte du Ciel, lorfque fuyant l'hyver & les pluyes du Sep

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& Faft. 1. 6.

Sylv. 6.

tentrion, elles vont avec de grands cris vers le rivage de l'Ocean, & portent la terreur & la mort aux Pygmées, fur lefquels elles fondent du milieu des airs ».

Plufieurs Poëtes qui font venus après lui (car nous n'avons plus parmi les Ouvrages d'Hefiode, ce que Strabon dit qu'il en racontoit) ont la plupart parlé des Pygmées fuivant la même idée. Nonnus s'eft fervi de la même comparaison, en parlant de l'armée de Bacchus : Ovide dans fes métamorpho(1) Met. 1.6. fes, & dans fes Faftes (1): Antoninus Liberalis, Juvenal, en (2) Liv. 1. un mot prefque tous les Poëtes, ont copié Homere: Stace (2) ajoute à cette tradition, que les Pygmées ont tout l'avantage dans le combat , que leur livrent les Grues. Claudien décrit le retour de ces oifeaux après s'être battus contre les Pygmées. Mais d'autres Auteurs plus hardis ont cherché à (4) Sat. 13. encherir fur les idées d'Homere. Juvenal (4) parlant de la taille des Pygmées, dit qu'elle n'avoit qu'un pied de hauteur. Selon d'autres c'étoient des avortons, qui montés fur des chêvres & fur des beliers d'une taille proportionnée à la leur, s'armoient de toutes pieces pour aller combattre des oiseaux qui venoient tous les ans de la Scythie les attaquer, ainfi que le rapporte Pline après Ariftote ou, qui faifoient tirer leurs chariots par des perdrix, au rapport de Bafilis dans Athenée (5). Selon d'autres, leurs femmes accouchoient à trois, ou à cinq ans, & étoient vieilles à huit, Leurs villes & leurs maifons, comme le dit Pline (6), n'étoient bâties que de coquilles d'oeufs, & ceux qui demeuroient à la campagne, fuivant Ariftote & Philoftrate, n'avoient pour retraite que des trous qu'ils pratiquoient dans la terre, d'où ils fortoient au temps de la moiffon, pour aller couper leurs bleds avec des coignées, comme s'il s'étoit agi d'abbattre une forêt. On (7) Met. 1. voit dans Ovide (7) & dans Elien (8), une Reine des Pyggmées qui fiere de fa beauté méprife Junon, qui la change en Grue; & dans Philoftrate, une armée de ces petits hommes, qui attaque Hercule endormi après la défaite d'Antée, & qui prend pour le vaincre les mêmes précautions qu'on prendroit pour former un fiége. Les deux ailes de cette pesite armée fondent fur la main droite de ce Heros, & pendant

(5) Liv. 9.

(6) Liv. 9.

(8) Hift.

Anim.

que le
corps de bataille s'attache à la gauche, & que les Ar-
chers tiennent fes pieds affiégés, le Roi, avec fes plus braves
fujets, livre un affaut à la tête. Hercule fe reveille, & riant
du projet de ces Myrmidons, les enveloppe dans la peau du
Lion de Nemée, & les porte à Euryfthée,

Ce qu'il y a de particulier dans cette Fable, c'eft que les Hiftoriens en parlent comme les Poëtes, fans adouciffement & fans restriction; & eux qui foulagent fi fouvent les Mythologues, quand il s'agit de ramener ces anciennes fictions à un fens raisonnable, ne fervent en cette occafion qu'à augmenter leur embarras. En effet, Ctelias, Nonnofus (1), Pline (2), Solin, Pomponius Mela (3), Bafilis dans Athenée (+), Onéficrite, Ariftée, & Egefias dans Aulugelle; les Peres même de l'Eglife, faint Auguftin (6), faint Jerôme (7) 5 tous font d'accord fur l'existence des Pygmées, fur leur pe- (6) DeCiv. tite taille, & fur leurs combats avec les Grues. Ariftote fur- Dei. tout, en paroît bien perfuadé: Ce qu'on raconte des Pygmées, (7) In Ezech. dit-il, n'eft point une fable, c'est une verité...

Il n'y a pas tant d'uniformité parmi les Hiftoriens, lorfqu'ils parlent du pays des Pygmées. Philoftrate & Pline les placent dans les Indes, vers les fources du Gange, & ce dernier qui compiloit differentes Relations, les fait habiter tantôt vers les extrémités feptentrionales de l'Europe, tantôt vers les bords du Strymon ou de l'Hebre. Etienne de Byfance leur donne une origine greque; mais les Auteurs plus anciens les placent dans l'Ethiopie; & c'eft-là veritablement qu'il faut les chercher, comme on le verra dans la fuite.

(1) Phot. Narr. 40. Loc. ci

(2) (3) Liv. 3. (4) 1. 9. c. 4. (5) Liv. 6.

Les Auteurs modernes fe trouvent encore plus partagés que les Anciens, au fujet de ce petit peuple & du pays qu'ils habitoient. Quelques-uns les font habiter dans la Laponie,d'autres dans la Thuringe, &c. mais je renvoye ceux qui vouE dront connoître plus en détail leurs opinions, à la Differtation que j'ai faite fur ce fujet, & qui eft imprimée dans les Mémoires de l'Académie des Belles - Lettres (8). Mais de toutes les opinions des Sçavants, la plus finguliere eft cel- pag. 101 le d'un Profeffeur d'Allemagne, nommmé Wonderart (a). 4) L'Ouvrage où cet Auteur avance cette opicion, porte pour titre : Hermanni.

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(8) Tom.

Selon cet Auteur, la Fable des Pygmées & des Grues renferine Hiftoire de deux peuples qui habitcient la Megaride, les Pagéens & les Geraniens. Après de longues guerres les Geramens demeurerent les maitres, & donnerent des loix aux Pagéens. Homere, ajoute-t-il, fondé fur la reffemblance des noms, fait allufion à cette Hiftoire, en la repréfentant fous le fymbole du combat des Grues & des Pygmées : c'eft - là tout le myftere, Les Poetes, pour donner le change à leurs Lecteurs, fe fervoient fouvent de femblables figures; & tout l'artifice de la Poëfie confiftoit à transporter l'Hiftoire des peu ples voifins & connus, dans des pays éloignés. Si Ovide & Antoninus Liberalis, dit cet Auteur, ont dit que les Pygmées furent gouvernés par une femme, c'est que les Pagéens tomberent fous la domination des Geraniens, qui leur avoient toujours été inférieurs ; & fi Elien avance que les Pygmées rendirent les honneurs divins à leur nouvelle Reine, c'eft que les Pagéens ramperent devant leurs nouveaux maîtres: & fi l'on a publié que cette mêmeReine fut changée enGrue,& qu'elle fut obligée de s'envoler pour éviter le reffentiment de fes sujets, c'eft qu'enfin les Pagéens fecouerent le joug, & forcerent les Geraniens à fe retirer dans les montagnes où leur ville étoit fituée.

Lorsqu'on eft une fois entré dans le pays des conjectures, les conquêtes n'y font pas bien difficiles. Dans le temps de leur profpérité, ajoute le Profeffeur Allemand, les Geraniens étoient devenus fi fiers qu'ils méprifoient leurs voifins les villes de Corinthe, d'Athenes, de Thermus, & d'Orope, leur parurent des rivales aufquelles ils pourroient difputer l'Empire des la Grece. Voilà ce qui fait dire à Elien, que Gerané avoit préferé fa beauté à celle de Junon, de Minerve, de Diane & de Venus, qui repréfentoient les quatre villes qu'on vient de nommer; & fi Óvide ajoute que Junon l'avoit changée en Grue, c'est que les Corinthiens, avec le secours des autres villes, ayant vaincu les Geraniens, compoferent contre eux une Satyre fanglante, dans laquelle CoVVonderart detecta Mythologia Græcorum, in decantato Pygmæorum, Gruum & Perdicum bello. Lipfia 1714.

Corinthe, ou Ephire, fut représentée fous le nom de Junon pa; Athenes fous celui de Minerve, Ann; Thermus fous celui de Diane, Aus; & Orope fous celui de Venus Aopodin. Les Pagéens & les Geraniens ne parurent dans cet ingénieux Ecrit, que comme des hommes méprifables, dont la vanité méritoit d'être le jouet de leurs voifins; & fuivant l'analogie de leurs noms, on les appella des Grues & des Pygmées.

Mais quelles preuves peut-on donner d'une opinion fi finguliere? On trouve bien à la verité dans la Grece les villes dont parle ce fçavant Profeffeur; mais il n'eft nulle part fait mention de leurs guerres, encore moins de cette Satyre Corinthienne, qui ne paffera jamais que pour une pure imagination de l'Auteur. Où voit-on Corinthe représentée fous le nom de Junon, Thermus fous celui de Diane, & Orope fous celui de Venus? Mais, dit-il, les Poëtes pour déguifer leurs fujets, en tranfportoient fouvent la fcene dans des pays éloignés. C'eft là fon grand principe, qu'il repéte à chaque page; cependant rien n'eft plus contraire à la verité. Homere a été fi exact à ne point changer les lieux que fes Heros avoient parcourus, qu'il a toujours été regardé comme un excellent Géographe, & Strabon fixe fouvent la position de ces lieux fur fes defcriptions; Virgile & les autres Poëtes ont fulvi la même méthode. Qu'on life les Métamorphofes d'Ovide, celles fur-tout qui ont un rapport marqué avec l'Histoire, on verra qu'il a fcrupuleufement confervé le nom des pays où les événemens qui y donnerent lieu, fe font paffés.

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Mais, fans m'arrêter à réfuter une opinion qui tombe d'elle-même, je demande s'il y auroit de la témérité à fuivre fur les Pygmées, une tradition qui fe trouve appuyée fur un fi grand nombre de témoignages? Ne pourroit-on pas, à l'abri de l'autorité de tant d'Auteurs, adopter tout ce qu'on a débité fur leur fujet? Peut être que dans un fiécle moins éclai ré, & où la critique prefcriroit des bornes moins féveres on pourroit fuivre une opinion qui paroît d'abord fi bien établie, mais le nombre des fuffrages n'eft pas toujours une preu ye de la verité: les Auteurs fe copient fouvent les uns les

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