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Arrivée de Lelex dans la Grece.

E n'ai lû que dans Paufanias (1) l'hiftoire de l'arrivée de (1) In Att. ce Lelex dans la Grece, encore ne dit-il pas s'il y conduifit une Colonie, où s'il y arriva seul. Cependant comme il devint Roi de Megare, où apparemment il fut affez puissant pour former un parti, & qu'il eut quelques fucceffeurs; qu'il fit porter ter fon nom aux Mégaréens, & que fon Hiftoire regarde. les temps fabuleux, j'ai crû qu'elle devoit entrer dans celle que j'écris.

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& y avoit

« Les Mégaréens, felon l'Auteur que je viens de citer, difoient que douze générations après Carès fils de Phoronée, Lelex étoit venu d'Egypte dans leur pays, & regné ; que de fon temps ils prirent le nom de Leleges, " que ce Lelex fut pere de Clefon qui eut pour fils Pylas, « dont nâquit Scyron, lequel Scyron époufa une fille de Pan» dion. Ils ajoutent qu'après cette alliance il difputa le Royau» me de Mégare à Nifus qui étoit fils de Pandion, & que » l'un & l'autre prirent pour Juge de leur differend Eacus, qui adjugea le Royaume à Nifus & à fes defcendans ; mais à » condition que Scyron auroit le commandement des trou>pes; enfin qu'après la mort de Nifus, Megareus fils de Nep» tune, ayant époufé Iphinoé fille de ce Prince, fucceda à fon beau-pere. Voilà tout ce qu'on fçait de ce Lelex; mais ce récit demande quelques réflexions.

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La premiere, qu'on voit aifément le temps auquel Lelex arriva dans la Megaride, c'eft-à-dire, cinq ou fix générations, ou environ deux cent ans avant la prife de Troye, puifque fon arriere-petit-fils, qui étoit dans la troifiéme génération d'après lui, étoit contemporain d'Eacus qui vivoit deux générations avant le même Ere. On fçait auffi le temps où vivoit Nifus fon competiteur, puifqu'il étoit contemporain de

Minos fecond, qui lui fit la guerre, comme nous le dirons dans l'Hiftoire de ce Roi de Crete.

La feconde, qu'il paroît que la domination des defcendans de Lelex finit à Scyron, & quoiqu'il dût avoir, fuivant l'arbitrage d'Eacus, le commandement des troupes, cependant on n'en entend plus parler depuis.

La troifiéme, qu'il faut diftinguer ce Lelex Egyptien d'un autre Lelex premier Roi du pays qui fut appellé depuis la (1) In Lac. Laconie, qui de lui avoit pris celui de Lélégie (1). Celuici étoit Grec d'origine.

La quatrième, qu'il faut encore moins confondre ces Le(2) II. L.21. leges de la Grece avec ceux de l'Ionie, qui felon Homere (2) (3) L. 13. & Strabon (3), habitoient dans cette partie de l'Afie qui étoit fur les bords du Satnion, & fur lefquels Alcés regnoit du temps de la Guerre de Troye, & habitoit à Pedasce, capitale de fes Etats.

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CHAPITRE VI I.

Colonie de Cadmus établie dans la Grece.

'ENLEVEMENT d'Europe, la fuite de Cadmus, fon établiffement dans la Béotie, les malheurs de fa famille, les victoires de Bacchus fon petit-fils, & fon Apothéose, font une partie considérable de l'hiftoire des temps héroï

ques.

La quatrième année du regne d'Hellen, fils de Deucalion, 200. ans ou environ avant la prife de Troye, & 1350. ou 60. avant l'Ere chrétienne, Cadmus vint par mer des côtes de la Phenicie, & des environs de Tyr & de Sidon, , pour chercher un établissement dans la Grece. Il fe faifit d'une partie de la Béotie, bâtit la citadelle qui de fon nom fut nommée Cadmée, & y établit le fiége de fa domination. Ce ne fut pas, au refte, fans trouver beaucoup de résistance de la part des anciens habitans de ce canton, que Cadmus forma fon nou

vel établiffement. Les Hyantes fur- tout s'y oppoferenr avec courage; mais un combat décifif les obligea d'abandonner le pays, & d'aller chercher une retraite ailleurs. Les Aoniens devenus fages aux dépens de leurs voisins, se soumirent volontairement au vainqueur, qui les reçut au nombre de fes fujets, & qui leur laiffant leurs villages, ils ne firent plus qu'un peuple avec les Pheniciens.

Telle eft en abregé l'hiftoire de cette Colonie ; mais comme les Grecs mêloient fans ceffe dans leurs Antiquités une infinité de fictions, il faut prendre cette Hiftoire dans fon origine, & l'expliquer par les monumens les plus certains que l'Antiquité nous ait laiffés.

Jupiter, comme le difent Ovide & Hygin, devenu amoureux d'Europe, fille d'Agenor Roi de Phenicie, ordonna à Mercure de la conduire fur le bord de la mer, où ce Dieu s'étant métamorphofé en Taureau, la mit fur fon dos, & la tranfporta dans l'Ile de Crete (a).

(1) Liv.des

Palephate (1) croit que ce qui a donné lieu à cette Fable, c'eft qu'un Capitaine Candiot nommé Taurus, enleva cette chofes inPrinceffe, après avoir pris fur Agenor la ville de Tyr: mais croyables. Echemenide qui avoit écrit l'hiftoire de Crete, dit avec plus de vraisemblance, que quelques Marchands de cette Isle étant allés fur les côtes de Phenicie, & ayant vû la jeune Europe, dont la beauté les frappa, l'enleverent pour leur Roi Afterius; & comme leur Vaiffeau portoit fur fa proue un Taureau blanc, que le Roi de Crete fe faifoit appeller Jupiter, on publia que ce Dieu s'étoit changé en Taureau pour enlever cette Princeffe.

&

Herodote au commencement de fon Hiftoire, convient avec Echémenide, que ce furent des Crétois qui enleverent la fille d'Agenor, mais il ajoute en même-temps que c'étoit par droit de repréfailles, les Pheniciens ayant auparavant enlevé Io fille d'Inachus. Ces témoignages font pofitifs, & je

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ne fçais pourquoi Bochart, peu content des deux explications que je viens de rapporter, & croyant avoir droit de chercher dans les équivoques de la langue des Pheniciens le dénouement d'une fable Phenicienne, dit après Fullerus que ce qui a donné lieu à celle-ci, est la double signification du mot alpha ou ilpha, qui veut dire également un Taureau ou un Navire. Il ajoute que les Grecs qui n'entendoient pas affez cette langue, ayant trouvé cette expreffion ambigue dans leurs Annales; au lieu de dire qu'Afterius avoit fait enlever Europe fur un Vaiffeau, ils publierent que Jupiter (1) Bochart l'avoit tranfportée dans l'Ile de Crete (1).

Can.l.1.c.28. & 1. 2. c. 11.

(2) Cette Medaille eft dans le Cabinet de Roi.

Quoiqu'il en foit, il eft sûr, par le témoignage detoute l'Antiquité, qu'Europe paffa de Phenicie dans l'Ile de Crete, où elle arriva par l'emboucure de la Riviere Lethé qui paffoit à Gortyne, comme le dit Solin (a). Les Grecs qui pouffoient le fabuleux jusqu'à l'excès, voyant fur cette Riviere des Platanes toujours verds, publierent que ce fut fous un de ces arbres que fe pafferent les premieres amours de Jupiter avec Europe; ce qui donna lieu aux habitans de Gorty ne de frapper une Medaille, où l'on voit d'un côté Europe, affez trifte, affife fous un arbre moitié Platane & moitié Palmier, au pied duquel eft un Aigle à qui elle tourne le dos. La même Princeffe eft représentée de l'autre côté, aflise sur un Taureau, entouré d'une bordure de feuilles de lauriers avec la Legende гOPTINION (2).

On n'eft pas d'accord fur le nom du Prince qui la fit enlever. Quelques-uns l'appellent Taurus, comme nous venons de le dire, Saint Auguftin le nomme Xantus, & ce Pere ajoute qu'on lui donnoit encore plusieurs autres noms (b). Mais l'opinion la plus commune eft qu'il s'appelloit Afterius, comme Apollodore, Diodore, Eufebe, & plufieurs autres nous l'apprennent ; avec cette différence que Diodore croit que ce Prince étant trop jeune lorfqu'Europe arriva dans l'Ile de

(a) Gortynam Lethæus Amnis præterfluitĮ quo Europam Tauri dorfo Gortynii ferunt vectitatam.

(b) Per eos annos à Rege Xanto Cretenfuum, cujus apud alios aliud nomen inve

nimus, rapta perhibetur Europa, & inde geniti Rhadamanthus, Minos, & Sarpedon, quos magis ex eadem muliere filios Jovis effe vulgatum effe. Auguft. de Čivit. Dei. 1. 18. c, 12,

Crete,

Crete; elle eut de Taurus, Minos, Sarpedon & Rhadamanthe; & qu'Afterius l'ayant épousée dans la fuite, & n'en pouvant avoir d'enfans, les avoit adoptés: au lieu que les autres foutiennent qu'ils étoient fes propres enfans.

Afterius, fi nous en croyons le même Diodore, n'étoit pas originaire de Crete, & fes parens venoient de la Grece. Teuctane fils de Dorus, ayant épousé la fille de Créthée, prit avec lui quelques Pelafgiens & quelques Eoliens, fujets de fon beau-pere, & étant paffé avec eux dans l'Ifle de Crete, il fut le premier qui y regna. Après fa mort Afterius fon fils monta fur le trône, & fe fit nommer Jupiter.

Apollodore nous apprend qui étoient les parens d'Europe. Libye eut deux enfans de Neptune, Belus & Agenor; celui-ci étant paffé en Europe, époufa Telephaffa, dont il eut trois fils, Cadmus, Phenix, & Cilix, & une fille nommée Europe; quoiqu'il y ait des Hiftoriens, felon le même Auteur, qui affûrent que cette Princeffe étoit fille de Phenix & petite fille d'Agenor.

Europe devenue mere des trois Princes que je viens de nommer, s'attira l'eftime & la confideration de tous les Crétois, qui l'honorerent après fa mort comme une Divinité. Ils inftituerent même une fête en fon honneur, qu'Hefychius après quelques anciens Auteurs, nomme Hellotia ; & comme les Grecs changeoient les noms de ceux qu'on mettoit au nombre des Dieux, on appella Europe Hellotes, nom que l'Auteur de l'Etymologicon traduit par celui de Vierge; ce qui a embarraffé Bochart: car quelle apparence, dit-il, qu'on ait donné ce nom à la mere des trois Princes? C'eft ce qui le porte à croire que ce mot vient du Phenicien Hallots, qui veut dire louange, épithalame, & qu'on a voulu marquer parlà, qu'on avoit célebré l'arrivée d'Europe & fon mariage par des vers & des chanfons ; ce qui apparemment fe renouvelloit tous les ans pendant fa vie, & fut continué après fa mort dans la fête qu'on inftitua en fon honneur, & qui conferva le même nom d'Hellotie, ou de l'Epithalame, ainsi que la ville de Gortys où elle étoit célebrée: Itaque Hallots, vel Hellots Hellotia dici potucre à Cretenfibus Europe fefta epithalaTome III. I

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