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rent depuis le même nom, à moins qu'on ne veuille tirer cette origine de la langue Grecque, ce qui cependant n'est pas fi vraisemblable, & dire que ce nom venoit de ce que ce lac abondoit en coquilles, ce qui le fit ainfi nommer, auffi bien que le peuple & la ville voifine; E'uyλáva, ainfi Enchelavéens, quafi Anguillares (1).

(1) Voyez Grant-menil

Tout le monde ne convient pas que Cadmus fut fils d'A- dans fa Grece, genor; on prétend qu'il n'étoit qu'un de fes Officiers, & c. 25. p. 207. Hermione une Chanteufe qu'il avoit débauchée, & que ce n'est que pour lui faire honneur que les Grecs ont dit qu'il avoit ce Prince pour pere. Evhemere dit, au rapport d'Athe

née qui nous en a confervé le fragment (2), que Cadmus (2) Athén. étoit le cuifinier du Roy de Sidon, & qu'étant devenu amou- 948. reux d'Hermione, une des Muficiennes de ce Prince, l'avoit enlevée, & s'étoit retiré en Grece; circonftance qui ne faifoit guéres d'honneur à Bacchus fon petit-fils, que Grecs mirent au rang de leurs Dieux.

les

D'autres prétendent même que Cadmus n'eft pas un nom propre, mais un nom appellatif, qui fignifie Conducteur, parce qu'en effet il fortit de Phenicie, non pour aller chercher Europe, mais pour conduire une colonie d'Hevéens dans la Grece; & Bochart prétend qu'il n'a été appellé Cadmus, que parce qu'il fortit de l'Orient de Phénicie, Pays que l'Ecriture Sainte appelle Cadmonim, qui veut dire oriental, & du côté du mont Hermon, qui étoit la partie la plus orientale de la Phenicie, d'où vraisemblablement a été formé le nom d'Hermione, qu'on a donné à sa femme.

Suivant les Anciens, ce fut Cadmus qui apprit aux Grecs l'ufage des Lettres qu'ils ignoroient auparavant. Ces Lettres qu'Herodote nomme Cadméennes, ou Phéniciennes, furent appellées dans la fuite Ioniennes : ce qui doit être entendu de la maniere dont je vais l'expliquer. Il n'y a nulle apparence que l'usage des Lettres, qui eft vraisemblablement auffi ancien que le monde (a), ait été ignoré dans la Grece jusqu'au temps de Cadmus. Mais ce qui a donné lieu à cette opi

(a) Voyez le Pere Kirker dans fes Obelifques. Jofeph, liv. 1. Antiq. &c.

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nion, c'est qu'il porta dans ce pays un nouvel Alphabet dont les Grecs fe fervirent dans la fuite, à la place du Pelafgien qui y étoit en ufage long-temps auparavant. Il faut remar quer cependant que cet Alphabet n'avoit que feize Lettres ; (1) oxox Palamede y en ajouta quatre (1), & Simonide de Melos les (2) zн+ quatre autres (2): ainfi fut formé cet Alphabet dont les seize premieres Lettres étoient Phéniciennes ; ce qui eft fi certain, que les anciens caracteres Grecs font entierement femblables aux caracteres Phéniciens, comme tous les Sçavans en conviennent.

de.
(4) Liv. 7.

(5) Liv. 3.

Il eft für que les Lettres n'étoient pas ignorées dans la Grece avant Cadmus, comme je viens de le dire: les Pelafgiens, les plus anciens Peuples du pays, en avoient l'ufage. Mon garant eft Euftathe, qui expliquant l'épithete de (3) Sur le 6. divins, 9a's, qu'Homere donne aux Pelafgiens (3), dit: Liv. de l'Ilia- Homere les nomme divins, parce qu'ils furent les feuls qui après le Déluge de Deucalion conferverent l'ufage des Lettres. Pline (4) femble confirmer ce sentiment, en difant Pelafgos in Latium Litteras attuliffe. Il eft vrai que Diodore (5) prétend que les Pelafgiens furent les premiers qui changerent les caracteres Phéniciens de Cadmus, & que leurs Lettres furent à cause de cela appellées Pelafgiennes ; ce qui prouveroit que ces (6) Art.Gram. Peuples n'en avoient pas auparavant. Cependant Voffius (6) n'ex pas excufable d'avoir dit: Se non legisse ullas fuiffe in Gracia Litteras Cadmæis antiquiores, puifqu'il avoit lû Euftathe qui dit le contraire. M. de Grant-menil dans fa Grece (7) donne un bon fens au paffage de Diodore, en difant qu'il prétend que les Lettres Cadméennes étant reçûes dans la Grece, on appella l'ancienne écriture la Pelafgienne ; & s'il n'a pas voulu dire cela, il s'eft contredit, puifqu'il affure ailleurs (8) que les Grecs avoient l'ufage des Lettres avant Cadmus.

(7) Ch. 9.

(8) Liv. 5.

(9) Atl. T.1. C. 38.

Mais on ne s'étend pas davantage fur cet article, fur lequel on peut confulter la Paléographie de Dom Bernard de Montfaucon, & Olaüs Rudbeck (9).

Outre l'Alphabet dont nous venons de parler, Cadmus apporta dans la Grece le culte de la plupart des Divinités,

d'Egypte,

d'Egypte & de Phenicie, comme Diodore & les plus anciens Auteurs nous l'apprennent; mais fur-tout celui d'Ofi ris ou Bacchus. Ce Prince ayant fait un voyage dans la Samothrace, fe fit initier aux myfteres des Dieux Cabires & de la Mere des Dieux; dont le culte étoit alors fameux dans ce Pays; & Diodore de Sicile (1) nous apprend que (1) Liv. • lorfqu'il s'arrêta dans l'Ifle de Rhodes, il y fit bâtir un Temple à Neptune, pour se rendre ce Dieu favorable dans le refte de fa navigation. Il y a apparence, pour le dire en paffant, que les Rhodiens avoient reçû dès-lors le culte de Neptune par leur commerce avec les Libyens, lefquels,fe- (2) Liv. z. xxxlon Herodote, (2) l'honorerent de tout temps. Enfin on dit que Cadmus apprit aux Grecs l'art de fondre les Métaux, alors inconnu à la Grece, pour s'en fervir à plusieurs ufages; ce qui s'accorde avec ce que nous avons dit de ces javelots d'airain dont il étoit l'inventeur.

L'Hiftoire de la famille de Cadmus nous a été confervée par les Anciens, fur-tout par Apollodore (3), & on la trouve (3) Liv. 2. auffi conformément à cet Auteur fur un fragment de la Table Iliaque, conçue en ces termes : Cadmus eut d'Harmonie quatre filles, Ino, Agavé, Autonoé, Semelé, & un fils nommé Polydore. Ariftée & Autonoé eurent pour fils Acteon. Athamas & Ino eurent Learque & Mélicerte. Echion & Agavé Penthée. Jupiter ayant approché de Semelé, & l'ayant foudroyée, tira de fon fein Dionyfius ou Bacchus, & le tint dans fa cuiffe, d'où il le tira enfuite, & le donna à nourrir à Ino (a).

Comme toute cette famille fut extrêmement malheureuse, on publia pour foutenir la fable de l'enlevement d'Europe, que la jaloufe Junon avoit perfécuté fa rivale jusques dans les defcendans de Cadmus fon frere; ou bien que Vulcain, pour se venger de l'infidelité de fa femme Venus, donna à Hermione, qu'elle avoit eûe de Mars, un habit teint de toutes fortes de crimes, ce qui fit que les enfans de Cadmus furent tous des fcélerats. Quoiqu'il en foit, il est vrai que les crimes & les défaftres les plus grands furent le par

(a) C'eft M. Bianchini qui a fait graver le fragment où se trouve cette Génealogie, il n'avoit point été connu de Fabretti lorfqu'il donna en 1683. la Table Ifiaque. K

Tome III.

tage de cette famille: Ino, qui épousa Athamas, périt malheureusement avec fes enfans, comme on l'a dit dans l'hi(1) T. 2.1.2. ftoire des Dieux de la Mer (1). Agavé femme d'Echion, vit déchirer par les Bacchantes le malheureux Penthée son fils, pour avoir voulu s'oppofer aux infamies qui s'étoient mêlées dans les céremonies de Bacchus ; malheureux de n'avoir pas profité de l'exemple de Cadmus chaffé pour le même fujét (a). La maniere au refte dont Ovide décrit la fin tragique de ce Prince infortuné, n'eft que trop hiftorique; les Bacchantes ayant choisi un jour qu'elles célebroient la fête de Bacchus, dont une des principales cérémonies étoit de courir toutes échevelées, & comme des furieuses, elles allerent au Palais de Penthée, & le déchirerent impitoyablement. Ovide avoit tiré tout ce récit d'Euripide, qui l'avoit mis en action dans la Tragedie des Bacchantes; & il paroît évidemment que fous l'enveloppe de cette fiction on a voulu raconter l'hiftoire de l'introduction du culte de Bacchus dans la ville de Thebes, & nous apprendre que la refistance de Penthée, qui avoit fuccedé à fon grand-pere Cadmus après qu'il eût été exilé, lui coûta la vie.

Met. 1. 3.

Beot. c. I.

Autonoé, femme d'Ariftée, eut le malheur de voir le jeune Acteon fon fils changé en cerf, & dechiré par fes chiens, pour avoir vû Diane dans le bain, & quoique cette (2) Ovide, catastrophe foit exprimée d'une maniere poëtique (2), elle n'en eft pas moins réelle; foit que ce Prince eût été tué par ses chiens devenus enragés, comme le veulent quelques Au(3). Pauf. in teurs (3), ou qu'ayant marqué quelque mépris pour cette Déeffe, on l'eût regardé comme un impie, ainfi que nous l'apprend Diodore (4) après Euripide (5), qui ajoute qu'il avoit voulu manger des viandes qui lui avoient été offertes en facrifice, & par un orgueil infuportable s'étoit préferé à elle; ce qu'Ovide décrit fous la parabole d'une vaine curiofité. Le Poëte Stefichore, au rapport de Paufanias ajoutoit à cette trifte avanture, que Diane avoit elle-même couvert l'infortuné Acteon de la peau d'un cerf, ce qui avoit

(4) Liv. 4.

(5) In Bacchis.

(a) On doit le rappeller ici ce qui a été dit à ce sujet dans l'Hiftoire de Bacchus. Tom. 2. L. 1.

excité fes chiens à le poursuivre & à le dévorer, & cela pour le punir d'avoir voulu époufer Semelé; circonstance qu'Ovide ne rapporte pas, Enfin Semelé périt malheureusement, fi nous en croyons les Poëtes, pour avoir voulu voir Jupiter fon amant avec toute fa Majesté divine.

De tout ce que nous venons de dire, on peut tirer ces conféquences; 1o. Cadmus étoit un Prince étranger, originaire de Phenicie. 2°. Le pays qu'il habitoit avant fa retraite dans la Grece, étant à l'Orient du mont Hermon, les Hebreux donnerent à cette contrée le nom de Quadmi ou Quadmon. 3°. Les Peuples qu'il amena avec lui, étoient nommés Hevéens, d'où eft venue la Fable des ferpens ou des dragons, que Bochart a très-bien expliquée. 4°. Que les Grecs ont dit que Cadmus étoit fils du Roy de Sidon, quoiqu'il ne fût que Chef de fa cuisine. 5°. Que les Cadmonéens & les Hevéens n'étoient qu'un même Peuple, & que le premier de ces deux noms ne leur avoit été donné que parce qu'ils habitoient à l'Orient. On voit en effet dans Jofué & dans le Livre des Juges, que les Hevéens font furnommés Orientaux & Quadmonim. 6°. Que c'eft dumont Hermon que la femme de Cadmus fut nommée Hermone ou Hermione. 7°. Qu'on n'a dit qu'ils n'avoient l'un & l'autre été changés en ferpens, qu'à caufe du nom d'Hevéens qu'ils portoient. 8°. Que ce qui donna lieu à dire que les Soldats de Cadmus étoient au nombre de cinq, c'est l'équivoque du mot Camofch, qui veut dire cinq ou armé: on a préferé pour Fable la premiere fignification à la feconde. 9°. Qu'une pareille méprise a donné lieu aux Grecs, au rapport d'Hygin, de dire que ce Prince étoit l'inventeur des ufages qu'on fit dans la fuite de l'airain, & qu'il avoit trouvé la pierre qui fert à faire le cuivre, nommée par Pline Cadmia. 10°. Que ce Prince chaffé de Thebes par Amphion & Zethus, felon Eufebe, ou par le Peuple nommé Enchelée, fuivant Diodore de Sicile, conduifit une partie de fa colonie dans le lieu de fon exil. La onzième confequence eft qu'on peut, & qu'on le doit peut-être, détacher entiérement l'histoire de Cadmus, de celle de l'enlevement d'Eu

la

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