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EN SYRIE

ET

EN ÉGYPTE,

PENDANT LES ANNÉES

1783, 1784 ET 1785,

Avec deux Cartes géographiques.

PAR M. C-F VOLNEY.

NOUVELLE ÉDITION.

J'ai pensé que le genre des voyages appartenoit à l'Hiftoire, & non aux
Romans. Préface, page .

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O&obre 1786.

Il y a cinq ans qu'étant affez jeune encore, l'événement d'une petite fucceffion me rendit mattre d'une fomme d'argent: l'embarras fut de l'employer. Parmi mes amis, les uns vouloient que je jouiffe du fonds; les autres me confeilloient de m'en faire des rentes. Je fis mes réflexions, & je jugeai cette fomme trop foible pour ajouter fenfible ment à mon revenu, & trop forte pour être diffipée en dépenfes frivoles. Des circonftances heureufes avoient habitué ma jeunesse à l'étude, j'avois pris le goût, la paffion même de l'inftruction; mon fonds me parut un moyen nouveau de fatisfaire ce goût, & d'ouvrir une plus grande carriere à mon éducation. J'avois lu & entendu répéter que de tous les moyens d'orner l'efprit & de former le jugement, le plus efficace étoit de voyager: j'arrêtai le plan d'un voyage. Le théâtre me reftoit à choisir : je le voulois nouveau ou du moins brillant. Mon pays & les Etats voisins me parurent trop connus, ou trop faciles à connoître : l'Amérique naiffante & les Sauvages me tentoient; d'autres idées me déciderent pour l'Afie; la Syrie fur-tout & l'Egypte, fous le double rapport de ce qu'elles furent jadis, & de ce qu'elles font aujourd'hui, me parurent un champ propre aux obfervations politiques & morales dont je voulois m'occuper. » C'eft en ces con»trées, me dis-je, que font nées la plupart des opinions qui nous gouvernent; c'eft de là que font forties ces " idées religieufes qui ont influé fi puiffamment fur notre » morale publique & particuliere, fur nos loix, fur tout »notre état focial. Il est donc intéreffant de connoître les » lieux où ces idées prirent naissance, les ufages & les » mœurs dont elles fe compoferent, l'efprit & le carac» tere des Nations qui les ont confacrées. Il est intéressant » d'examiner jufqu'à quel point cet efprit, ces mœurs »ces ufages, fe font altérés ou confervés ; de rechercher » quelles ont pu être les influences du climat, les effets du ‚» gouvernement, les caufes des habitudes; en un mot, » de juger par l'état préfent, quel fut l'état des tems pallés. n

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D'autre part, confidérant les circonftances politiques. où l'Empire Turk fe trouve depuis vingt ans, & méditant fur les conféquences qu'elles peuvent avoir, ce me parut un objet piquant de curiofité, de prendre des notions exactes de fon régime intérieur, pour en déduire fes forces & fes refources. C'eft dans ces vues que je partis, vers la fin de 1782, pour me rendre en Egypte. Après un féjour de fept mois au Kaire, trouvant trop d'obftacles à parcourir l'intérieur du pays, & trop peu de fecours pour apprendre la langue arabe, je réfolus de paffer en Syrie. L'état moins orageux de cette province a mieux répondu à mes intentions: huit mois de réfidence chez les Druzes, dans un couvent Arabe, m'ont rendu la langue familiere; j'en ai retiré l'avantage de parcourir librement la Syrie dans toute fa longueur pendant une année entiere. De retour en France après une abfence totale de près de trois ans, j'ai cru que mes recherches pouvoient avoir quelqu'utilité, & je me fuis décidé à publier des obfervations fur l'état préfent de la Syrie & de l'Egypte; je m'y fuis enhardi fur-tout par la raifon que des voyages en ces contrées étant difficiles, l'on n'en a que des relations rares, & des notions imparfaites. La plupart des Voyageurs fe font occupés de recherches d'antiquités, plutôt que de l'état moderne; prefque tous, parcourant le pays à la hate, ont manqué de deux grands moyens de le connoître, le tems & l'ufage de la langue! Sans la langue, l'on ne fauroit apprécier le génie & le caractere d'une nation: la traduction des interpretes n'a jamais l'effet d'un entretien direct. Sans le tems, l'on ne peut juger sainement; car le premier aspect des objets nouveaux nous étonne, & jette le défordre dans notre efprit; il faut attendre que le premier tumulte foit calmé,& il faut revenir plus d'une fois à l'observation, pour s'affurer de fa jufteffe. Bien voir eft un art qui veut plus d'exercice que l'on ne penfe.

A mon retour en France, j'ai trouvé qu'un Voyageur récent m'avoit prévenu fur l'Egypte, par un premier volume de Lettres; depuis ce tems, il en a publié deux autres: mais comme le champ eft vafte & riche, il reste encore des parties neuves où l'on peut moiffonner; & peutêtre fur les objets déjà connus, ne fera-t-on pas faché d'entendre deux témoins.

La Syrie, fans être moins intéressante que l'Egypte, eft un fujet plus neuf à traiter. Ce qu'en ont écrit quelques Voyageurs, a vieilli, & n'eft qu'incomplet. Je m'étois d'abord preferit de ne parler que de ce que j'y ai vu par moi-même; mais defirant, pour la fatisfaction des lecteurs, compléter le tableau de cette province, je n'ai pas cru devoir me priver d'obfervations étrangeres, lorfque j'ai pu, par analogie, compter fur leur véracité.

Dans ma relation, j'ai tâché de conferver l'efprit que j'ai porté dans l'examen des faits; c'eft à-dire, un amour impartial de la vérité. Je me fuis interdit tout tableau d'imagination, quoique je n'ignore pas les avantages de l'illufion auprès de la plupart des lecteurs ; mais j'ai pensé que le genre des Voyages appartenoit à l'Histoire, & non aux Romans. Je n'ai donc point repréfenté les pays plus beaux qu'ils ne m'ont paru: je n'ai peint les hommes meilleurs ou plus méchans que je ne les aivus; & j'ai peut-être été propre à les voir tels qu'ils font, puifque je n'ai reçu d'eux ni bienfaits ni outrages.

Quant à la forme de cet Ouvrage, je n'ai point fuivi la méthode ordinaire des relations, quoique peut être la plus fimple. J'ai rejetté, comme trop longs, l'ordre & les détails itinéraires, ainsi que les aventures perfonnelles ; je n'ai traité que par tableaux généraux, parce qu'ils raffemblent plus de faits & d'idées, & que dans la foule des livres qui fe fuccedent, il me paroît important d'économifer le tems des lecteurs. Pour rendre plus clair ce que je dis du local de l'Egypte & de la Syrie, j'y ai joint les Cartes géographiques de ces deux Provinces. Celle de l'Egypte pour le Delta & le Défert du Sinaï, a été dreffée fur les obfervations aftronomiques de M. Niebuhr, Voyageur du Roi de Danemarck en 1761 ce font les plus récentes & les plus exactes que l'on ait publiées. Ce même Voyageur m'a fourni des fecours pour la carte de Syrie, que j'ai complettée fur celle de Danville, & fur mon Itinéraire. La Table qui fuit va rendre compte du plan & des matieres de cet Ouvrage.

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