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8 ELOGE DE M. PARENT. il faifoit beaucoup de charités. Quoiqu'il eût un extrême befoin de fon temps, il le facrifioit genereufement à ceux de fes Ecoliers qui fouhaitoient qu'il les promenât dans Paris pour voir des curiofités de Sciences, fur tout aux Etrangers, parce qu'il s'intereffoit à la gloire de fon Païs, Quelques Maîtres de Mathematiques venoient prendre de lui des leçons dont ils trafiquoient auffi-tôt. Un jour, & un feul jour de fa vie il a fait cette confidence à une perfonne, à qui il ne cachoit rien, mais il ne nomma pas ces prétendus Maitres. Il n'eft forti du rang d'Eleve qu'il avoit dans cette Academie que par le nouveau Reglement de 1716. qui a aboli un titre trop inégal. Comme ces differents titres ne donnent pas ici beaucoup de diftinction, & qu'apparemment il faifoit peu de cas de ces diftinctions, quelles qu'elles puiffent être, il ne parut jamais touché de Ambition de monter à une autre place & il confentit fans peine que l'Academie jouït long-temps de l'honneur d'avoir un. pareil Eleve.

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VUN

ELOGE

DE MONSIEUR

LEIBNIZ.

GODEFROY GUILLAUME LEIBNIZ

nâquit à Leipfic en Saxe le 23. Juin 1646. de Frederic Leibniz, Profeffeur de Moralé & Greffier de l'Univerfité de Léipfic, & de Catherine Schmuck, fa troifiéme femme, fille d'un Docteur & Profelfeur en Droit. Paul Leibniz fon grand Oncle avoit été Capitaine en Hongrie, & ennobli pour fes fervices en 1600. par l'Empepereur Rodolphe II. qui lui donna des armes que M. Leibniz portoit.

Il perdit fon pere à l'âge de fix ans ; & fa Mere, qui étoit une fenme de merite, eut foin de fon éducation. Il ne marqua aucune inclination particuliere pour ún genre d'étude plûtôt que pour un autre. Il fe porta à tout avec une égale vivacité; & comme fon Pere lui avoit laiffé une affez ample Bibliotheque de Livres bien. choifis, il entreprit, dès qu'il fut affez de hatin & de Grec, de les lire tous avec or

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dre, Poëtes, Orateurs, Hiftoriens, Jurif confultes, Philofophes, Mathematiciens, Théologiens. Il fentit bien-tôt qu'il avoit befoin de fecours, il en alla chercher chez tous les habiles gens de fon temps, & même quand il le fallut, affez loin.de: Leipfic.

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Cette lecture univerfelle, & très-affiduejointe à un grand genie naturel, le fit de-venir tout ce qu'il avoit lû; pareil en quelque forte aux Anciens qui avoient l'adreffe de mener jufqu'à huit Chevaux attelés de front, il mena de front toutes les Scien-ces. Ainfi nous fommes obligés de le partager ici; &, pour parler philofophiquement de le. decompofer. De plufieurs Hercules l'Antiquité n'en a fait qu'un, & du feul M. Leibniz nous ferons plufieurs.. Savans. Encore une raifon qui nous détermine à ne pas fuivre comme de coutume l'ordre Chronologique, c'eft que dans les mêmes années il paroiffoit de lui des Ecrits fur differentes matieres, & ce mélange: prefque perpetuel qui ne produifoit nulle confufion dans fes idées, ces paffages brufques & frequents d'un fujet à un autre tout oppofé qui ne l'embaraffoient pas,

mettroient de la confufion & de l'embarras dans cette Hiftoire.

M. Leibniz avoit du goût & du talent pour la Poëfie. Il favoit, les bons Poëtes par cœur, & dans fa vieilleffe même il auroit encore recité Virgile prefque tout entier mot pour mot. Il avoit une fois compofé n un jour un ouvrage de trois cens

Vers Latins fans fe permettre une feule élifion; jeu d'efprit, mais jeu difficile. Lorfqu'en 1679. il perdit le Duc Jean Frederic de Brunfvic fon Protecteur il fit fur fa mort un Poëme Latin, qui eft fon Chefd'œuvre, & qui merite d'être compté parmi les plus beaux d'entre les Modernes. Il ne croyoit pas, comme la plupart de ceux qui ont travaillé dans ce genre, qu'à caufe qu'on fait des Vers en Latin, on eft en droit de ne point penfer & de ne rien dire, fi ce n'eft peut-être ce que les Anciens ont dit; fa Poëfie eft pleine de chofes, ce qu'il dit, lui appartient, il a la for ce de Lucain, mais de Lucain qui ne fait pas trop d'effort. Un morceau remarquable de ce Poëme eft celui où il parle du Phosphore dont Brandt étoit l'inventeur. Le Duc de Brunfvic excité par M. Leibniz avoit fait venir Brandt à fa Cour pour jouïr du Phofphore, & le Poëte chante cette merveille jufque-là inouïe, Ce feu inconuu à la Nature même, qu'un nouveau Vulcain avoit allumé dans un Antre favant, que l'eau confervoit & empéchoit de se réjoindre à la fphere du feu, ja Patrie, qui enfeveli fous Beau, diffimuloit fon étre, & fortoit lumineux & brillant de ce tombeau, image de l'Ame immortelle & beureufe, &c. Tout ce que la Fable, tout ce que l'Hiftoire fainte ou profane, peuvent fournir qui ait rapport au Phosphore tout eft employé, le farcin de Promethée, la Robe de Medée, le vifage lumineux de Moyfe le feu que Jeremie enfouit quand les Juifs furent emA 6

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menes en captivité, les Veftales, les Lam-pes fepulcrafes, le combat des Prêtres Egyptiens, & Perfes ; & quoiqu'il femble qu'en voilà beaucoup, tout cela n'eft point entaffe, un ordre fin & adroit donne à chaque chofe une place qu'on ne lui fauroit ôter, & les differentes idées qui fe fuccedent rapidement ne fe fuccedent qu'à: propos. M. Leibniz faifoit même des Vers François, mais il ne réüffiffoit pas dans la Poefie Allemande: Notre préjugé pour notre Langue, & l'eftime qui eft due à ce Poëte, nous pourroient faire croire que ce n'étoit pas tout-à-fait fa faute.

Il étoit très-profond dans l'Hiftoire, & dans les Interéts des Princes, qui en font le refultat politique. Après que Jean Cafimir Roi de Pologne cut abdiqué la Cou ronne en 1668. Philippe Guillaume de Neu-bourg Comte Palatin, fut un des préten dans, & M. Leibniz fit un Traité fous le nom fuppofé de George Ulicovius, pour prouver que la Republique ne pouvoit faire un meilleur choix. Cet ouvrage eut beaucoup d'éclat, l'Auteur avoit 22. ans..

Quand on commença à traiter de la paix de Nimegue, il y eut des difficultés fur le Ceremonial à l'égard des Princes libres de l'Empire qui n'étoient pas Electeurs: on ne vouloit pas accorder à leurs Miniftres les mêmes titres ; & les mêmes traite mens, qu'à ceux des Princes d'Italie, tels que font les Ducs de Modene ou de Mantoue. H. Leibniz publia en leur faveur un Livre intitulé Cefarini Furftenerii De Jure

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