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- comme les vitreffes, mais comme les quarrés des vitesses, car ces forces doivent être égales aux refiftances de l'eau, qui font comme ces quarrés, de forte qu'il en refulte au autre Parallelogramme, & une autre Diagonale. Et afin que l'idée de M. Renau fubfiftât, il falloit que quand un Corps pouffé par deux forces décrit la Diagonale d'un Parallelogramme, les deux forces fuffent non comme les côtés, mais comme leurs quarrés, ce qui étoit inouï en Mechanique.

Une preuve que cette matiere étoit affez délicate, & qu'il étoit permis de s'y tromper, c'eft que malgré l'autorité de M. Huygens qui devoit être d'un poids infini, & qui plus eft, malgré fes raifons, M. Renau eut fes partifans, & entre autres le P. Malebranche. Peutêtre l'amitié en gagnoit-elle quelques-uns, qui ne s'en appercevoient pas, peut-être la chaleur & l'affurance qu'il mettoit dans cette affaire en entratînoit-elle d'autres, mais enfin ils étoient tous Mathematiciens. M. le Marquis de l'Hôpital en écrivit à M. Jean Bernoulli alors Profeffeur à Groningue, & lui expofa la queftion de maniere, que celui-ci qui n'avoit pas vû le Livre de M. Renau fe declara pour lui, autorité d'un poids égal à celle de Huygens, & qui raffuroit bien l'Auteur de la Theorie, fans compter que l'expofition favorable de M. de l'Hôpital marquoit tout au moins une inclination fecrette pour ce fentiment. Enfin de quelque côté que la Verité pût être, puifque le Géometre naiffant avoit

par

partagé des Géometres fi confommés, fon honneur étoit à couvert. Ce fera un fujet de fcandale ou plûtôt de joye pour les profanes, que des Geometres fe partagent, mais ce n'eft pas fur la pure Géometrie, où il entre des idées de Phyfique, c'est sur une Geometrie mixte, & avec elles quelquefois une portion de l'incertitude qui leur eft naturelle. De plus après quelque difcuffion toute queftion de Géométrie fe décide & finit, au lieu que les plus anciennes queftion de Phyfiqué, comme celle du Plein & du Vuide, durent encore, & ont le malheureux privilege d'être éternelles.

En 1689. la France étant entrée dans une Guerre où elle alloit être attaquée par toute P'Europe, M. Renau entreprit de faire voir au Roi contre l'opinion generale, & fur tout contre celle de M. de Louvois, trèsredoutable Adverfaire, que la France étoit en état de tenir tête fur Mer à l'Angleterre & à la Hollande unies. Son courage pouvoit d'abord rendre fufpecte l'audace de fes idées, mais il les prouva fi bien que le Roi en fut convaincu, & fit changer tous les Vaiffeaux de 50. ou 60. Canons qui étoient fous les Chantiers, pour n'en faire que de grands, tels que M. Renau les demandoit. Il inventa en même temps ou expofa de nouvelles Evolutions navales, des Signaux, des Ordres de Bataille, & il en fit voir au Roi des representations très-exactes en petits Vaiffeaux de cuivre qui imitoient jufqu'aux differens mouvemens des Voiles.

Tant de vues nouvelles & importantes

qu'il |

S

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qu'il avoit données, celles que fon genie
promettoit encore, fes fervices continuels
relevés par des actions brillantes, détermi-
nerent le Roi à lui donner une commiffion
de Capitaine de Vaiffeaux, un Ordre pour
avoir entrée & voix déliberative dans les
Confeils des Generaux, ce qui étoit fingu-
lier, & pour comble d'honneur une In-
fpection generale fur la Marine, & l'autori-
té d'enseigner aux Officiers toutes les nou-
velles pratiques dont il étoit l'Inventeur; le
tout accompagné de 12000. livres de penfi-
on. La maladie de M. de Seignelai retarda
l'expedition des Brevets neceflaires, & M.
Renau peu impatient de jouir de fes récom-
penfes, ne chercha point à prendere adroi-
tement quelque moment pour en parler à
ce Miniftre, qui étoit en grand peril, &
dont la mort pouvoit tout renverfer. 11
mourut en effet, & M. de Pontchartrain.
alors Controlleur General, & depuis Chan-
celier de France eut la Marine. M. Re-
nau inconnu au nouveau Miniftre ne fe fit
point présenter à lui, il abandonna fans re-
gret ce qu'il tenoit déja prefque dans fa main,
& ce qu'il avoit fi bien merité, & ne fon-
gea qu'à retourner fervir avec M. de Vau-
ban, vers qui un charme particulier le rap-
peloit.

Quand les Officiers Generaux de Mer eu-
rent donné au Roi leurs Projets pour la
Campagne de 1691. il demanda à M. de
Pontchartrain où étoit celui de M. Renau.
Le Miniftre répondit qu'il n'en avoit point
reçû de lui, & qu'il ne l'avoit même pas
Tome II.
G

L

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vu. Le Roi lui ordonna de le faire chercher, & M. Renau s'excufa à M. de Pontchartin fur ce qu'il n'étoit pas du Corps de la Marine; qu'à la verité M. de Seignelai avoit eu orde de lui expedier une Commiffion de Capitaine de Vaiffeau avec d'autres Brevets fort avantageux, mais que n'en ayant eu de lui qu'une promeffe verbale, il n'avoit pas cru que ce fût un titre fuffifant auprès d'un nouveau Miniftre, qui n'étoit pas obligé de l'en croire fur fa porole. Comme il fe trouva par l'éclairciffement qu'il difoit vrai, il reçût de M. de Pontchartrain tout ce que lui avoit promis M. de Seignelai, & le Roi lui fit l'honneur de lui dire que quoi-qu'il eût voulu s'échaper de la Marine, fon intention étoit qu'il continuât d'y fervir, ce qui n'empêcheroit pas qu'il ne fervit auffi par terre. Sa Majesté eût alors la bonté de lui confier le fecret du Siége de Mons qu'Elle alloit faire en perfonne, & où Elle l'employa avec M. de Vauban. De là Elle l'envoya faire la Campagne fur l'Armée Navale, efpece d'Amphibie Guerrier, qui partageoit fa vie & fes fonctions entre l'un & l'autre Element.

Il vint à Brest, où il voulut ufer de fes droits, & enfeigner aux Officiers fes nouvelles pratiques. Ils fe crurent deshonorez s'ils fe laiffoient envoyer à l'Ecole, & réfoJurent unanimement d'écrire à la Cour, pour faire leurs remontrances. Deux d'entre eux, & d'ailleurs fort amis de M. Renau, M. le Chevalier des Andrets, & M. le Comte de Saint Pierre, aujourd'hui premier Ecuyer

de

de. Madame la Ducheffe d'Orleans, quoiqu'ils ne fuffent pas au fond plus coupables que tous les autres, en furent diftingués par de très-legers circonftances qui leur étoient particuliers, & elles leur attirerent une puntion qui ne pouvoit pas tomber fur tous. Ils furent un an prifonniers au Château de Breft, & enfuite caffés. M. Renau fe jetta aux pieds du Roi pour obtiner leur grace qui lui fut refufée. Il eût pû agir par politique, & quoique cette efpece de politique foit affez rare & qu'elle ait quelque air de vertu fon caractere prouve affez qu'il agiffoit par un principe infiniment plus noble. Il leur rendit dans la fuite tous les fervices dont il put trouver l'occafion, & eux de leur côté ils eurent la generofité de les recevoir. II eft vrai qu'il ne falloit que de l'équité de part & d'autre, mais la pratique de l'équité eft fi oppofée à la Nature humaine, qu'elle fait les plus grands Heros en Morale.

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Au Siége de Namur, que le Roi fit en perfonne, il fervit encore fous M. de Vauban. Le Roi lui parloit plus fur le Siége qu'à M. de Vauban même, qui étoit trop occupé, & cet avantage, qui fait la fouveraine felicité des Courtifans, flate toûjours beaucoup les gens les plus raifonnables. De Namur il courut fauver S. Malo, & trente Vaiffeaux qui s'y étoient retirés après le combat de la Hogue, fi glorieux, & fi malheureux tout enfemble pour la Nation. Les ordres qu'il mit par tout avec une prudence & une promtitude égales, rompirent G 2

l'en

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