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& en porte des jugemens dont il n'y a pas d'apparence que l'on appelle.

Il avoit fait fur l'Hiftoire de ce temps-là deux découvertes principales, oppofées à deux opinions fort établies.

On croit que de fimples Gouverneurs de plufieurs grandes Provinces du vafte Empire de Charlemagne étoient devenus dans la fuite des Princes hereditaires, mais M. Leibniz foûtient qu'ils l'avoient toujours été, & par-là ennoblit encore les origines des plus grandes Maifons. Il les enfonce davantage dans cet abîme du paffé, dont l'obfcurité leur eft fi précieufe.

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Le dix & le onzième fiecle paffent pour les plus barbares du Chriftianifme, mais il prétend que ce font le treize & le quator ze, & qu'en comparaifon de ceux-ci le dixiéme fut un fiecle d'or du moins pour l'Allemagne. Au milieu du douze on discernoit encore le vrai d'avec le faux, mais enfuite les fables renfermées auparavant dans les Ciottres dans les Legendes fe déborderent impetueusement, & inonderent tout. Ce font à peu près fes propres termes. Il attribue la principale caufe du mal à des gens qui étant pauvres par inftitut inventoient par neceffité. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'eft que les bons Livres n'étoient pas encore alors totalement inconnus. Gervais de Tilbury, que M. Leibniz donne pour un échantillon du treiziéme fiecle étoit affés verfé dans l'Antiquité foit profafoit Ecclefiaftique & n'en eft pas

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moins groffierement, ni moins hardiment Romanefque. Après les faits dont il a été temoin oculaire l'Auteur d'Amadis pouvoit foûtenir auffi que fon Livre étoit hi ftorique. Un homme de la trempe de M. Leibniz, qui eft dans l'étude de l'Hiftoire, en fait tirer de certaines reflexions genera les, élevées au deffus de l'Hiftoire même; & dans cet amas confus & immenfe de faits, il déméle un ordre, & des liaisons delicates, qui n'y font que pour lui. Ce qui l'intereffe le plus, ce font les Origines des Nations, de leurs Langues, de leurs Mœurs, de leurs Opinions, fur tout l'Hiftoire de l'Esprit humain, & une fucceffion de penfées qui naiffent dans les Peuples les unes après les autres ou plûtôt les unes des autres, & dont l'enchaînement bien obfervé pourroit donner lieu à des efpeces de propheties.

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En 1710. & 1711. parurent deux autres Volumes Scriptorum Brunfvicenfia Illuftran tium, & enfin devoit fuivre l'Hiftoire qui n'a point paru, & dont voici le plan.

I la faifoit préceder par une Differta tion fur l'état de l'Allemagne tel qu'il étoit avant toutes les Hiftoires, & qu'on le pouvoit conjecturer par les monumens natu, rels, qui en étoient reftés des Coquilla ges pétrifiés dans les Terres, des Pierres où fe trouvent des empreintes de Poiffons ou de Plantes, & même de Poiffons, & de Plantes, qui ne font point du Païs, Médailles inconteftables du Déluge. De-la il paffoit aux plus anciens Habitans dont

on.

on zit memoire, aux differens Peuples qui fe font fuccedés les uns aux autres dans ces Païs, & traitoit de leurs Langues, & du mélange de ces Langues autant qu'on en peut juger par les Etymologies, feuls monumens en ces matieres. Enfuite les Origines de Brunfvic commençoient à Charlemagne en 769. & fe continuoient par les Empereurs defcendus de lui, & par_cinq Empereurs de la Maifon de Brunfvic, Henri I. 'Oifeleur, les trois Othons, & Henri II. où elles finiffoient en 1025. Cet efpace de temps comprenoit les Antiquités de la Saxe par la Maifon de Witikind, celles de la haute Allemagne par la Maifon Guelfe, celles de la Lombardie par la Maifon des Ducs & Marquis de Tofcane & de Ligurie. De tous ces anciens Princes font fortis ceux de Brunfvic. Aprés ces Origines venoit la Genealogie de la Maifon Guelfe ou de Brunfvic avec une courte mais exacte Hiftoire jufqu'au temps prefent. Cette Genealogie étoit accompagnée de celles des autres grandes Maifons, de la Maifon Gibelline d'Autriche ancienne & nouvelle, de Baviere, &c. M. Leibniz avançoit, & il étoit trop favant pour être préfomptueux, que jufqu'à prefent on n'avoit rien vû de pareil fur l'Hiftoire du moyen âge, qu'il avoit porté une lamiere toute nouvelle dans ces Siecles couverts d'une obfcurité eifrayante, & réformé un grand nombre d'erreurs ou levé beaucoup d'incertitudes. Par exemple, cette Papeffe Jeanne établie d'abord par quelques

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uns,

uns, détruite par d'autres, il la détruifoit pour jamais, & il trouvoit que cette Fable ne pouvoit s'être foûtenuë qu'à la faveur des ténèbres de la Chronologie qu'il diffipoit.

Dans le cours de fes recherches il prétendit avoir découvert la veritable origine des François, & en publia une Differtation en 1716. L'illuftre Pere de Tournemine Jefuite attaqua fon sentiment & en foûtint un autre avec toute l'érudition qu'il faloit pour combattre un Adverfaire auffi favant, & avec toute cette hardieffe qu'un grand Adverfaire approuve. Nous n'entrerons point dans cette queftion, elle étoit même affés indifferente felon la reflexion polie du P. de Tournemine, puifque de quelque façon que ce fût, les François étoient compatriotes de M. Leibniz.

M. Leibniz étoit grand Jurifconfulte. Il étoit né dans le foin de la Jurifprudence & cette Science eft plus cultivée en Allemagne, qu'en aucun autre Païs. Ses premieres études furent principalement tournées de ce côté-là, la vigueur naiffante de fon efprit y fut employée. A l'âge de 20. ans il voulut fe faire paffer Docteur en Droit à Leipfic, mais le Doyen de la Faculté, pouffe par fa femme, le refufa fous prétexte de fa jeuneffe. Cette même jeunesse lui avoit peut-être attiré la mauvaise humeur de la femme du Doyen, Quoi qu'il en foit, il fut vangé de fa Patrie par l'applaudiffement general avec lequel il fut reçû Docteur la même année à Altorf dans

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le Territoire de Nuremberg. La Thefe qu'il foûtint étoit De Cafibus perplexis in Jure. Elle fut imprimée dans la fuite avec deux autres petits Traités de lui, Specimen Encyclopedia in Jure, feu Quæftiones Philofophiæ amaniores ex Jure collectæ & Specimen certitudinis feu demonftrationum in Jure exhibitum in doctrina conditionum. Il favoit déja reprocher les differentes Sciences, & tirer des lignes de communication des unes aux autres.

A l'âge de 22. ans, qui eft l'Epoque que nous avons déja marquée pour le Livre de George Ulicovius, il dédia à l'Electeur de Mayence Jean Philippe de Schomborn une nouvelle Methode d'apprendre & d'enfeigner la Jurifprudence. Il y ajoûtoit une Lifte de ce qui manque encore au Droit Catalogum defideratorum in Jure, & promettoit d'y fuppléer. Dans la même an née il donna fon projet pour reformer tout le Corps du Droit, Corporis Juris reconcinnandi ratio. Les differentes matieres du Droit font effectivement dans une grande confufion, mais fa Tête en les recevant les avoit arrangées, elles s'étoient refondues dans cet excellent Moule, & elles auroient beaucoup gagné à reparoître fous la forme qu'elles y avoient prife.

Quand il donna les deux Volumes de fon Codex Diplomaticus, il ne manqua pas de remonter aux premiers principes du Droit naturel & du Droit des Gens. Le point de vue où il fe plaçoit, étoit toûjours fort élevé, & de-là il découvroit toûjours un grand

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