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avouat publiquement le mauvais fens que pouvoient avoir fes paroles.

La Societé établie Juge du Procès nomma des Commiffaires pour examiner toutes les anciennes Lettres de favans Mathematiciens que l'on pouvoit retrouver, & qui regardoient cette matiere. Il y en avoit des deux parties. Après cet examen, les Commiffaires trouverent qu'il ne paroiffoit pas que M. Leibniz eût rien connu du Calcul Differentiel ou des Infiniment petits, avant une Lettre de M. Newton écrite en 1672. qui lui avoit été envoyée à Paris, où la Methode des Fluxions étoit affés expliquée pour donner toutes les ouvertures neceffaires à un homme auffi intelligent; que même M. Newton avoit inventé fa Methode avant 1669. & par confequent 15. ans avant que M. Leibniz eût rien donné fur ce fujet dans les Actes de Leipfic; & de-là ils concluoient que M. Keill n'avoit nullement calomnié M. Leibniz.

&

La Societé a fait imprimer ce Jugement avec toutes les Pieces qui y appartenoient fous le titre de Commercium Epiftolicum de Analyfi promota, 1712. On l'a diftribué par toute l'Europe, & rien ne fait plus d'honneur au Syfteme des Infiniment-petits, que cette jaloufie de s'en affurer la découverte, dont toute une Nation fi favante eft poffedée; car encore une fois, M. Newton n'a point paru, foit qu'il fe foit repofé de fa gloire fur des Compatriotes affés vifs foit, comme on le peut croire d'un auffi grand B 5 Hom

Homme, qu'il foit fuperieur à cette gloire même.

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M. Leibniz ou fes amis n'ont pas pû avoir la même indifference; il étoit accufé d'un vol, & tout le Commercium Epiftolicum ou le dit netteinent ou l'infinue. Il eft vrai que ce vol ne peut avoir été que très-fubtil, & qu'il ne faudroit pas d'autre preuve d'un grand genie que de l'avoir fait, mais enfin il vaut mieux ne l'avoir pas fait, & par rapport au genie, & par rapport aux

mœurs.

Après que le Jugement d'Angleterre fut public, il parut un Ecrit d'une feule feuille volante du 19. Juillet 1713. il eft pour M. Leibniz qui étant alors à Vienne ignoroit ce qui fe paffoit. Il eft très-vif & foutient hardiment que le Calcul des Fluxions n'a point précédé celui des Differences & infinue même qu'il pourroit en être né..

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Le détail des preuves de part & d'autre feroit trop long, & ne pourroit même être entendu fans un Commentaire infiniment plus long, qui entreroit dans la plus profon de Géometrie.

M. Leibniz avoit commencé à travailler à un Commercium Mathematicum, qu'il devoit oppofer à celui d'Angleterre. Ainfi quoique la Societé Royale puiffe avoir bien jugé fur les Pieces qu'elle avoit, elle ne les. avoit donc pas toutes; & jufqu'à ce qu'on ait vu celles de M. Leibniz; l'équité veut que l'on fufpende fon Jugement:

En general il faut des preuves d'une ex

trê

trême évidence pour convaincre un homme tel que lui d'être Plagiaire le moins du monde, car c'eft-là toute la queftion. M. Newton eft certainement inventeur, & fa gloire eft en fureté.

Les gens riches ne dérobent pas, bien M. Leibniz l'étoit-il ?

& com

.

Il a blâmé Defcartes de n'avoir fait honneur ni à Kepler de la caufe de la Pefanteur tirée des forces centrifuges, & de la découverte de l'égalité des angles d'incidence & de réflexion, ni à Snellius du rapport conftant des finus des angles d'incidence & de réfraction: Petits artifices, dit-il, qui lui ont fait perdre beaucoup de veritable gloire auprès de ceux qui s'y connoiffent. Auroitil negligé cette gloire qu'il connoiffoit fi bien? Il n'avoit qu'à dire d'abord ce qu'il devoit à M. Newton, il lui en reftoit encore une fort grande fur le fond du fujet, & il y gagnoit de plus celle de l'aveu.

Ce que nous fuppofons qu'il eût fait dans cette occafion il l'a fait dans une autre. L'un de Meffieurs Bernoulli ayant voulu conjecturer quelle étoit l'Hiftoire de fes Meditations Mathematiques, il l'expofe naïvement dans le mois de Septembre 1691. des Actes de Leipfic. Il dit qu'il étoit encore entierement neuf dans la profonde Géometrie étant à Paris en 1672. qu'il y connut Villuftre M. Huygens qui étoit après Galilée & Descartes, celui à qui il devoit le plus en ces matieres que la lecture de fon Livre de Horologio ofcillatorio, jointe à celle

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des

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des Ouvrages de Pafcal, & de Gregoire de faint Vincent lui ouvrit tout d'un coup l'efprit, & lui donna des vûës qui l'étonnement lui-même, & tous ceux qui favoient combien il étoit encore neuf, qu'auffi-tót il s'offrit à lui un grand nombre de Theorêmes qui n'étoient que des Corollaires d'une Methode nouvelle, & dont il trouva depuis une partie dans les Ouvrages de Gregory, de Barrow, & de quelques autres; qu'enfin il avoit penetré jufqu'à des fources. plus éloignées & plus fecondes, & avoit foumis à l'Analyfe ce qui ne l'avoit jamais. été. C'eft fon Calcul dont il parle. Pourquoi dans cette Hiftoire qui paroit fi fince-re, & fi exempte de vanité, n'auroit-il pas donné place à M. Newton? Il eft plus naturel de croire que ce qu'il pouvoit avoir vu de lui en 1672. il ne l'avoit pas entendu auffi finement qu'il en eft accufé, puifqu'il n'étoit pas encore grand Géometre.

Dans la Theorie du Mouvement abftrait qu'il dédia à l'Academie en 1671. & avant que d'avoir encore rien vû de M. Newton il pofe deja des Infiniment-petits plus. grands les uns que les autres. C'est-là une des Clefs du Systéme, & ce principe ne pouvoit guere demeurer fterile entre fes mains.

Quand le Calcul de M. Leibniz parut en 1684. il ne fut point reclamé, M. Newton ne le revendiqua point dans fon beau Livre qui parut en 1687. il eft vrai qu'il à la generofite de ne le revendiquer pas non plus à prefent, mais fes amis pius zelés que lui.

pour

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pour fes interêts auroient pû agir en fa place, comme ils agîffent aujourd'hui. Dans tous les Actes de Leipfic M. Leibniz eft en une poffeffion gaifible & non interrompue de l'invention du Calcul Differentiel. Il y déclare même que Meffieurs Bernoulli l'avoient fi heureufement cultivé, qu'il leur appartenoit autant qu'à lui. C'eft là un acte de proprieté, & en quelque forte de fouve

raineté.

On ne fent aucune jaloufie dans M. Leib niz. Il excite tout le monde à travailler ; il fe fait des Concurrens, s'il peut; il ne donne point de ces loüanges baffement circonfpectes qui craignent d'en trop dire; il fe plait au merite d'autrui, tout cela n'eft pas d'un Plagiaire. H. n'a jamais été foupçonné de l'ètre en aucune autre occafion il fe feroit donc démenti cette feule fois & auroit imité le Heros de Machiavel, qui eft exactement vertueux jufqu'à ce qu'il s'agiffe d'une Couronne. La beauté du Syfte me des Infiniment-petits juftifie cette comparaison..

Enfin il s'en eff remis avec une grande. confiance au témoignage de M. Newton, & au jugement de la Societé Royale. L'au roit-il ofé?

Ce nefont-là que de fimples préfomptions, qui devront toûjours ceder à de veritables preuves. Il n'appartient pas à un Hiftorien de décider, & encore moins à moi. Atticus fe feroit bien gardé de prendre parti entre ce Cefar & ce Pompée.

Il ne faut pas diffimuler. ici une, chofe
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affés

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