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Ses parens l'envoyerent enfin à Paris pour étudier en Droit. Il l'étudia par obéillance, & les Mathematiques par inclination. Son Droit fini, dont il ne pretendoit faire nul ufage, il s'enferma dans une chambre du College de Dormans pour se dévoüer à fon étude cherie. Là avec de bons Li vres, & moins de deux cens frans de revenu il vivoit content. Il étoit à propos que dans une pareille fortune la pieté, & la plus rigide vint au fecours de la Philofophie. Il ne fortoit de fa retraite que pour aller au College Royal entendre ou M. de la Hire, ou M. Sauveur. fous lef quels il profita comme un homme, qui avoit moins befoin de leçons, que de quelques avis qui lui épargnaffent du temps. M. Sauveur, qui ne pouvoit manquer de le bien connoître, m'a dit que c'étoit veritablement un genie rare, un Aigle, & cela en mettant à fon Eloge quelques reftrictions que nous ne déguiferons pas.

Quand il fe fentit affés fort fur les Mathematiques, il prit des Ecoliers, & comme les Fortifications étoient ce qu'il enfeignoit le plus, parce que la Guerre ne mettoit que trop cette Science à la mode, il vint à fe faire un fcrupule d'enseigner ce qu'il n'avoit jamais vu que par la force de fon imagination. M. Sauveur à qui il confia cette délicateffe, le donna à M. le Marquis d'Alegre qui heureusement en ce temps-là vouloit avoir un Mathematicien auprès de lui. Il fit avec ce Marquis deux campagnes, où il s'inftruifit à fond par la A 2

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vûë des Places, & leva quantité de Plans, quoiqu'il n'eût jamais appris le Deffein. Après cela fa vie n'a plus d'évenemens & n'en a peut-être été que plus heureufe. Ce n'eft qu'une application continuelle à l'étude, où plûtôt à toutes les études, qui regardent les Sciences naturelles, à toutes les parties des Mathematiques, foit fpeculatives, foit pratiques, à l'Anatomie, à la Botanique, à la Chimie, au détail des Arts les plus curieux. Il avoit un feu d'efprit qui dévoroit tout, & ce qu'il y a de plus rare, cette ardeur fi active n'étoit pas volage, ni aisée à laffer, mais conftante & infatigable.

M. des Billetes étant entré dans l'Academie en 1699. avec le titre de Mechanicien, nomma pour fon Eleve M. Parent qui excelloit principalement en Mechanique. On s'aperçut biên-tôt dans la Compagnie que toutes les differentes matieres qui s'y traitent l'intereffoient, qu'il étoit au fait de toutes, & qu'on auroit pu le choisir pour l'Eleve univerfel. Mais cette grande étenduë de connoiffances, jointe à fon impetuofité naturelle, le portoit auffi à contredire affés fouvent fur tout, quelquefois avec précipitation, fouvent avec peu de menagemens." La recherche de la Vérité demande dans PAcademie la liberté de la contradiction mais toute Societé demande dans la contradiction de certains égards, & il ne fe fouvenoit pas alles que l'Academie eft une Societé. On ne laiffoit pas de bien fentir fon merite au travers de fes manieres

mais il faloit quelque petit effort d'équité, qu'il vaut toûjours mieux épargner aux hommes.

Perfonne n'a tant fourni que lui à nos Affemblées; & quoiqu'on traitât quelquefois avec affés de feverité ce qu'il apportoit, il n'en paroiffoit pas bleffé, fon peu de fenfibilité à cet égard lui perfuadoit peut-être que les autres lui reffembloient, & le rendoit plus hardi à s'élever contre eux. Un Critique eft juftifié autant qu'il peut l'être, quand il fouffre patiemment d'être

imité.

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On lui a reproché d'être obfcur dans fes Ecrits car nous ne diffimulons rien nous fuivons en quelque forte une Loi de F'ancienne Egypte, où l'on difcutoit devant des Juges les actions & le caractere des Morts, pour regler ce qu'on devoit à leur memoire. Cette obfcurité qui tient affez naturellement au grand favoir, pouvoit venir auffi de l'ardeur d'un genic vif & bouillant. Quelquefois à la faveur de ce préjugé établi contre lui, on fe difpenfoit un peu facilement de chercher à l'entendre & je fai par experience que fans être fort habile on y parvenoit, quand on vouloit s'en donner la peine. Ici je ne puis m'empêcher de rapporter à fon honneur que dans une Lettre écrite à fon meillour ami deux jours avant fa mort, il me remercie de l'avoir, à ce qu'il difoit, é elairci. C'étoit convenir bien fincerement du defaut dont on l'accufoit, & pouffer bien A 3 loin

loin la reconnoiffance pour un foin médiocre que je lui devois.

On a vu dans les Volumes de l'Academie quantité de Memoires de lui imprimés, & choifis affez fcrupuleusement fur an nombre beaucoup plus grand. de Pieces qu'il avoit apportées. Il eut raifon de ne vouloir pas perdre celles qui lui demeuroient, il les fit entrer dans une espece de Journal qu'il commença à donner en 1704. intitulé Recherche de Mathematique ou de Phyfique, & qui reparut fort augmenté en 1713. Le deffein étoit d'y raffembler, outre ce que nous venons de dire, tout ce qu'il y a de plus important dans tous les autres Journaux fur les Mathematiques, & la Phyfique, avec des reflexion; & des remarques auffi ingenuës qu'il les favoit faire; & d'y donner des Abreges & des Critiques détaillés des Auteurs les plus fimeux. Il commençoit par Defcartes, &: avec juftice, puifque la Philofophie a com mencé par lui.

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La feconde Edition des Recherches de M. Parent eft en trois in 12. fort épais. Cet Ouvrage eft plein de bonnes chofes, & n'a pas eu cependant un fort grand cours. La prévention où l'on étoit fur le peu de clarté de l'Auteur. le peu: de faveur qu'il s'attiroit par la liberté de critiquer, le peu d'ordre des matieres, ou l'ordre peu agréa ble, la forme incommode des Volumes car la bagatelle a fon poids, tout cela quoiqu'étranger, a pu diminuer le fuccès. Il

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n'y

n'y en a guere de fi bien merité où iln'enFn'entre encore du bonheur.

M. Parent étoit fi abondant que, quoiqu'il eût ce Journal à lui, il ne laifloit pas de fe répandre encore dans les autres, dans celui des Savans, dans celui de Trevoux, dans le Mercure. Il ne pouvoit fe contenir dans fes rives. A la fin d'une Arithmetique Theoripratique qu'il publia en 1714. il a donné un Catalogue de ces fortes d'Ouvrages extravafés, pour ainfi dire; & il y a lieu d'être furpris & du nombre & de la diverfité. Ce grand nombre & cette grande diverfité doivent toûjours faire à l'Auteur un merite & dans le befoin une excufe.

A mourut de la petite verole le 26. Septembre 1716. àgé feulement de 50. ans, & fa mort fut celle d'un parfait Philofophe Chrêtien. Parmi fes papiers, qui font en affez grande quantité, & dont plufieurs font: des Traités complets, on en a trouvé d'u ne efpece rare dans de pareils inventaires des Ecrits de devotion; la Vie de ce grand Oncle à qui il devoit tant; les Preuves de la Divinité de J. C. en quatre parties. I a laiffé M. de la Faye, Capitaine aux Gardes, & Academicien, fon Executeur teftamentaire, c'est-à-dire, maître de ses papiers.

Il avoit un grand fond de bonté, fans en avoir l'agréable fuperficie. Ce fond étoit encore cultivé par une pieté folide & auftere, conforme ou à l'efprit géometrique ou au fien. Dans une fortune très-étroite

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