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pousser au désespoir en aigrissant la cruauté de l'empereur, Galérius fit deux fois mettre le feu au palais de Nicomédie, où était alors Dioclétien ; il les accusa d'être les auteurs de l'incendie, et se sauva lui-même en Syrie, pour éviter, disait-il, d'être brûlé vif par cette race ennemie des dieux et de ses princes.

L'effroi de ces embrasements produisit pour les chrétiens et pour l'empereur même des effets funestes. Dioclétien résolut d'exterminer le christianisme, et fit couler des flots de sang: mais son esprit commença dès lors à s'affaiblir; et étant allé à Rome, où il entra en triomphe avec Maximien, il n'y put soutenir les railleries du peuple qui se moquait de l'esprit d'économie qu'il fit paraître dans l'appareil de cette fète : il en sortit au mois de décembre, pour aller, contre l'usage, célébrer à Ravenne la cérémonie de son entrée dans le consulat. Le froid et les pluies qu'il essuya pendant ce voyage altérèrent sa santé. Il passa dans un état de langueur toute l'année suivante, renfermé dans son palais, soit à Ravenne, soit à Nicomédie, où il arriva à la fin de l'été. Le 13 décembre on le crut mort, et il ne revint de cette léthargie, que pour tomber de temps en temps. dans des accès de démence qui durèrent jusqu'à la fin de sa vie.

Il n'était pas difficile à Galérius de subjuguer un vieillard réduit à cet état de faiblesse. Bien assuré d'y réussir, il courut d'abord en Italie pour engager Maximien à quitter volontairement la couronne, plutôt que de se la voir arracher par

une guerre civile. Après l'avoir épouvanté par les plus terribles menaces, il revient à Nicomédie : il représente d'abord avec douceur à Dioclétien son âge, ses infirmités, le besoin qu'il avait de repos après des travaux si glorieux, mais si pénibles: et comme Dioclétien ne paraissait pas assez sentir la force de ces raisons, il hausse le ton, et lui déclare nettement qu'il s'ennuie de se voir depuis treize ans relégué sur les bords du Danube, occupé sans cesse à lutter avec des nations barbares, tandis que ses collègues jouissaient tranquillement des plus belles provinces de l'empire; et que si l'on s'obstine à ne pas lui céder enfin la première place, il saura bien s'en emparer.

Le faible vieillard, intimidé d'ailleurs par les lettres de Maximien qui lui avait communiqué sa terreur, et par les préparatifs de guerre qu'il savait que faisait Galérius, versa des larmes, et se rendit enfin. Pour remplacer les deux Césars qui allaient devenir Augustes, il proposa Maxence, fils de Maximien, et Constantin, fils de Constance. Mais Galérius les rejeta tous deux : le premier, qui était pourtant son gendre, parce qu'il n'était pas digne de la couronne; l'autre, parce qu'il en était trop digne, et qu'il ne serait pas assez souple et assez soumis à ses volontés. Il mit sur les rangs en leur place deux hommes sans nom et sans honmais dont il s'attendait bien d'être le maître: l'un s'appelait Sévère, né en Illyrie, d'une famille obscure, sans mœurs et sans autre talent que celui d'être infatigable dans la débauche, et de passer les nuits à danser et boire: ce mérite le faisait

neur,

Tome I.

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estimer de Galérius, qui, sans attendre même le consentement de Dioclétien, l'avait déja envoyé à Maximien pour recevoir la pourpre. L'autre n'était connu que de Galérius seul, dont il était neveu, fils de sa soeur; il se nommait Daia ou Daza: il avait d'abord été berger comme son oncle, à qui il ressemblait assez pour les mœurs, mais non pas en courage ni en capacité pour le métier des armes. Galérius qui le crut propre à remplir ses vues, l'avait depuis peu ennobli en lui donnant le nom de Maximin, et le faisant rapidement passer par divers emplois de la milice jusqu'au tribunat. Dioclétien ne put entendre sans gémir un choix si indigne; mais comme Galérius y paraissait obstiné, il fallut y consentir.

Le premier jour de mai de l'année 305, Dioclétien ayant assemblé ses soldats près de Nicomédie, leur déclare en pleurant, que ses infirmités l'obligent à remettre le fardeau de l'empire à des princes plus capables de le soutenir : il nomme Augustes Constance et Galérius; et donne le titre de Césars à Sévère et à Maximin. On s'étonne qu'il préfère à Constantin, chéri et estimé des troupes, deux hommes inconnus; mais la surprise même d'une promotion si bizarre ferme la bouche à tous les assistants: aucun ne réclame : Dioclétien quitte son manteau de pourpre, le jette sur les épaules de Maximin qui était présent; et cet empereur dépouillé, traversant dans son char Nicomédie, prend le chemin de Salone sa patrie, où malgré son affaiblissement, il trouva encore dans son esprit assez de force pour étouffer, pendant plus de huit

ans, des regrets qui n'éclatèrent que dans les derniers moments de sa vie.

Maximien fit le même jour à Milan la même cérémonie en faveur de Sévère, mais moins capable que Dioclétien de se contraindre, ne perdant jamais de vue la puissance souveraine, dont l'éclat l'avait ébloui, il alla gémir de son abdication forcée, dans les lieux les plus agréables de la Lucanie.

Constance empereur se contenta des provinces dont il avait pris soin en qualité de César : il laissa à Sévère le commandement de tous les pays que Maximien avait gouvernés. Mais l'ambitieux Galérius mit l'Asie dans son département, et ne donna à Maximin que l'Orient. C'est ainsi qu'on appelait alors toute l'étendue des provinces depuis le mont Amanus jusqu'à l'Égypte, qui y était même quelquefois comprise, et qui fut aussi dans le partage de Maximin.

Galérius se regardait comme le maître absolu de l'empire les Césars étaient ses créatures; il comptait pour rien Constance Chlore, à cause de son humeur douce et pacifique. D'ailleurs il croyait voir dans la mauvaise santé de ce prince les annonces d'une mort prochaine; et si la nature tardait trop à servir ses désirs, il était sûr de trouver dans son audace et dans celle de ses deux amis assez de ressources, pour se défaire d'un collègue qu'il haïssait comme un rival.

Il n'eut pas besoin d'avoir recours au crime. Constance Chlore mourut bientôt, mais il vécut assez pour faire connaître que l'autorité absolue ne l'avait pas changé. N'étant que César il avait osé

être vertueux, et courir le risque de paraître cen surer par sa vie celle des empereurs, à qui il avait intérêt de plaire: devenu Auguste, il n'eut pas de peine à sauver sa vertu de la séduction du pouvoir suprême. Également affable, tempéré, modeste et encore plus libéral, il se souciait peu d'enrichir son épargne; il regardait le cœur de ses peuples comme son véritable trésor. Ce n'est pas qu'il fût ennemi de la magnificence; il aimait à donner des fêtes publiques: mais la sage économie dont il usait dans sa dépense ordinaire, le mettait en état, sans charger ses sujets, de représenter avec dignité, et de soutenir la majesté de l'empire.

Il voulut l'étendre par de nouvelles conquêtes. La Grande-Bretagne appartenait aux Romains jusqu'au mur bâti par Sévère entre les deux golfes de la Clyde et de Forth: mais ce qu'on nomme aujourd'hui l'Écosse septentrionale servait de retraite aux Pictes, anciens habitants du pays, dont les Calédoniens faisaient partie. Constance résolut de les réduire et d'achever la conquête de l'île. Sa flotte sortait à pleines voiles du port de Boulogne (Bononia), lorsque son fils Constantin, qu'il souhaitait ardemment de revoir, s'étant échappé des mains de Galérius, comme je le raconterai dans la suite, parut sur le rivage et s'embarqua avec son père, pour l'accompagner dans cette expédition périlleuse. Les Pictes furent défaits; mais Constance ne survéquit que peu de jours à sa victoire : il termina sa vie à York (Eboracum), un an et près de trois mois après avoir été déclaré Auguste. Je vais entrer dans mon ouvrage par l'histoire de son suc

cesseur.

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