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Liv. III.

CH. VII.

CHAPITRE

VII.

Examen de divers autres points de la difcipline des Orientaux touchant la
Pénitence.

Etat de la CE qui a été rapporté jufqu'ici donne une idée générale de la difci

puis le

douzieme fiecle.

difcipline pline que les Orientaux observoient jufqu'au douzieme fiecle, & aux pénitentielle de plus prochains pour la Pénitence. On reconnoît que dès le temps de la féparation des deux principales fectes, & encore plus depuis le Mahométifme, la 'Confeffion s'eft faite exactement, & qu'elle a été jugée néceffaire que la fatisfaction a été reconnue comme une partie effentielle du Sacrement, fans que perfonne en ait absolument été difpenfé: que, fuivant la conduite de l'ancienne Eglife, les Evêques & les Prêtres avoient le pouvoir d'abréger & de modérer les peines canoniques: que durant un espace de temps plus ou moins confidérable, felon les circonftances, les pénitents ne pouvoient approcher de la fainte Table, & qu'ils n'acquéroient ce droit qu'ils avoient perdu par leurs péchés, que par l'absolution que leur donnoit le Prêtre dans la forme de l'Eglife. Le changement qui arriva vers le douzieme fiecle, & qui donna occafion à Denys Barfalibi de faire un nouveau recueil de Canons Pénitentiaux, ne confifta que dans la modération des pénitences, laquelle étant faite felon les regles qu'il prefcrit, conferve encore l'efprit de l'ancienne Eglife; & fi les Prêtres & Evêques Orientaux les avoient obfervées, il n'y auroit eu rien à blâmer dans leur doctrine ni dans leur conduite. C'eft donc fur ces regles que ceux qui ont écrit des Religions de Levant pour l'inftruction des Miffionnaires, auroient dû former l'idée qu'ils en vouJoient donner, non pas fur des bruits incertains, ni fur des récits de Voyageurs ignorants ou mal informés. Les raifonnements théologiques fur quelques points de difcipline orientale que plufieurs n'ont pas entendue, ne fervent qu'à obfcurcir la matiere au lieu de l'éclaircir; ce qui ne fe peut faire que par des preuves pofitives, telles que font celles qui ont été tirées de leurs Théologiens, de leurs Canoniftes, & des Pénitentiaux. Il paroît affez par celles qui ont été rapportées que les regles font conformes à l'efprit de l'Eglife; & par conféquent que la doctrine de ceux qui les donnent comme celles fur lefquelles les Prêtres doivent fe conduire à l'égard des pénitents, eft conforme à la créance & à la Tradition de l'Eglife Catholique, qui eft la principale chofe que nous avions à prouver, & qui fait voir que fur cet article, auffi - bien que fur tous les autres que les Proteftants ont pris pour prétexte de leur fépara

tion, ils ne font pas moins condamnés par la Tradition des Eglifes Orien- Liv. III. tales, que par les anathêmes de l'Eglife Romaine. Il nous refte à exa- CH. VII. miner divers articles moins effentiels, & qui ne regardent pas tant la foi que la difcipline.

nitence

pas connu

Un des premiers eft celui de la Pénitence publique, fur laquelle il eft De la Péà propos de faire quelques remarques. On a déja dit que pour ce qui re- publique. gardoit la difcipline des premiers fiecles par rapport aux différents degrés Les Orien marqués dans les Canons des Conciles, & dans les Epîtres Canoniques taux n'ont de S. Bafile & des autres Peres, les Orientaux n'en ont aucune con- fur ce fu noiffance; puifqu'il paroît que ceux qui ont traduit ces monuments véné- jet la pratique de rables d'Antiquité Eccléfiaftique, n'ont pas entendu les termes de pleurs, l'ancienne d'audition, de profternement & de confiftance, finon dans un fens très- Eglife. général, & qui ne donnoit pas une idée plus diftincte de ces états, que celle qu'en peut former un homme qui n'a aucune connoiffance de l'ancienne difcipline. Cette ignorance étoit d'autant plus excufable, que la pratique ne fubfiftoit plus lorsque les Neftoriens & les Jacobites se séparerent de l'Eglife, & que les Mahométans envahirent les principales Provinces de l'Orient; ce qui diminuoit l'autorité des Evêques à l'égard des pécheurs scandaleux & impénitents, qui trouvoient fouvent protection auprès des infideles, ou qui par défefpoir renonçoient à la foi chrétienne.

nitence

R. Colb.

Ainfi la Pénitence publique devint très - rare; mais elle ne fut pas Veftiges néanmoins entiérement abolie. Car on trouve dans les Canons Péniten- de la Pétiaux de ces Collections plus anciennes, quelques grands crimes pour publique lefquels elle étoit encore prefcrite. Dans le premier Canon d'une de ces en Orient. Collections, il eft dit que celui qui aura tué un Chrétien, outre les autres Can. MSS. pénitences, ne pourra durant la premiere année entrer dans l'Eglife, mais Arab. Bib. qu'il pleurera fes péchés; profterné à terre. Dans le cinquieme, la même Seguier. peine eft ordonnée pour les parricides; qui pendant un an demeureront à la porte de l'Eglife, & qui n'y entreront enfuite que par la porte de derriere. Un autre Canon étend jufqu'à fix ans cette pénitence pour l'homicide volontaire. Il fe trouve plufieurs exemples de cette févérité dans Coll. Can. les Canons de Barfalibi, entre autres dans le quarante - quatrieme pour Syr. Barf. ceux qui ont renié la foi. Ils doivent, dit-il, demeurer quarante jours à la porte de l'Eglife, pleurant leurs péchés, & fe recommandant aux prieres de ceux qui entrent ou qui fortent, & durant le fervice, ils tiendront dans la main un cierge allumé.

férente de

celle des

Mais cela n'avoit aucun rapport à l'ancien usage de tenir les pénitents Mais difhors de l'Eglife, & de ne les y admettre que pendant la lecture de la Sainte Ecriture & pendant les prieres, en les excluant de l'aflistance à la premiers Liturgie. On reconnoît encore dans les Offices Neftoriens & Jacobites, fiecles.

Syr. MS.

MS. Syr.

Nemocan.

Liv. III. l'ancienne formule qui fe prononçoit à haute voix par le Diacre: Abité CH. VII auditores in pace; & elle s'eft confervée dans les exemplaires anciens de Lit. Jacob. la Liturgie fyriaque de S. Jacques. Denys Barfalibi en fon Commentaire Com. in fyriaque fur cet endroit, dit que l'ufage de l'Eglife étoit autrefois d'en faire Lit. Jac. fortir alors les pénitents; ce qui eft confirmé par Jacques d'Edeffe, & par Abulfarage dans fon Nomocanon. Mais ils ajoutent que cette coutu me, les autres qui s'y rapportent étoient entiérement abolies. C'est pourquoi on a tout fujet de conjecturer, conformément à plufieurs autres preuves, qu'à l'exception de ces cas particuliers des crimes énormes & scandaleux, il ne refte aucun veftige de ce qui fe pratiquoit autrefois envers ceux qui étoient en pénitence, en les faifant paroître au milieu de l'Eglife dans un rang féparé, pour y recevoir l'impofition des mains avec diverfes prieres qui les difpofoient à la réconciliation entiere, qu'ils recevoient par la derniere abfolution.

AIS. c. 4.

Prieres fur

tents, ne

quement

dans l'Eglife.

Il est vrai qu'il y a dans les Pénitentiaux plufieurs prieres qui doivent les péni- être dites fur les pénitents, & la plupart font deftinées pour de certains fe difoient péchés. Mais il ne s'enfuit pas qu'elles ferviffent dans la Liturgie ordinaire, pas publioù il y auroit eu un grand nombre de pécheurs coupables de différents crimes. On s'en fervoit en particulier, & c'étoit lorfque durant le cours de la pénitence celui qui y étoit foumis fe préfentoit devant le Prêtre auquel il avoit fait fa Confeffion, pour recevoir fa bénédiction & l'impofition des mains, en même temps qu'il prononçoit fur lui ces oraisons. Elles pouvoient auffi avoir lieu dans les Liturgies dont il a été parlé ci - devant, & que le pénitent étoit obligé de faire dire, & il affiftoit à quelques-unes. Car quoique les meffes privées ne foient pas en ufage parmi les Orientaux, ainfi qu'elles font parmi nous, parce que le chant, les encenfements & le miniftere du Diacre y font obfervés toujours, il y a néanmoins une diftinction entre les Meffes folemnelles & les particulietelles que paroiffent avoir été celles qu'on célébroit pour les pénitents. Les premieres étoient les ordinaires, auxquelles le Clergé & le peuple affiftoient, & où on recevoit les offrandes & les aumônes de ceux qui avoient droit d'offrir, & par conféquent de participer à la Communion, dont ceux qui étoient en pénitence actuelle fe trouvoient exclus. Les autres, autant que nous en pouvons juger, fe célébroient en particulier avec peu de témoins, & le pénitent pouvoit y affifter; mais fon offrande n'étoit pas reçue, & fon nom n'étoit pas prononcé dans les Diptyques, finon lorfqu'étant réconcilié, il y pouvoit communier. C'étoit donc en même temps que le Prêtre célébroit ces Liturgies particulieres, qu'il pouvoit, devant ou après, dire fur fon pénitent les oraifons marquées dans les Rituels, & non pas dans les Offices publics. Car on ne remarque, ni

res,

dans les autres livres, ni dans ceux qui traitent particuliérement des cé- Liv. III. rémonies, aucun endroit de la Liturgie où les pénitents fe préfentaffent CH. VII. afin qu'on priât fur eux.

néan

tence pu

quefois

1. 1. c. 7.

P. 52.

On ne prétend pas néanmoins décider dans une matiere auffi obscure, On peut que ce qui fe pratiquoit autrefois ordinairement n'ait jamais eu lieu dans juger les Eglifes d'Orient, dont toute la difcipline eft fondée fur celle de l'E- moins que glife Grecque. Au contraire, on peut juger que dans les premiers temps. la péniles pénitents y ont paru publiquement, puifque Jacques d'Edeffe, Barfa- blique a libi & Abulfarage, rendant témoignage que cela ne fe pratiquoit plus de été quelleur temps, donnent à entendre qu'autrefois la difcipline étoit différente. pratiquée Il fe trouve fi peu d'exemples dans leurs hiftoires de pénitences célebres, en Orient. qu'on n'en peut tirer aucune lumiere pour établir avec quelque certitude ce qu'on en dit par conjecture. Il y en a un affez fingulier dans l'Hiftoire Hift. Neft. des Neftoriens, dans la Vie du Catholique Timothée, qui mourut vers l'an MS. Arab. de Jefus Chrift 815. Son élection avoit été fort contestée, & ceux qui s'y oppofoient avoient à leur tête Ephrem Métropolitain de Jondifapour, au- Perp. T. 4. quel, par le privilege de fa Métropole qui eft la premiere de l'Eglife Neftorienne, il appartenoit de l'ordonner. La conteftation alla fi loin, qu'Ephrem avec treize Evêques fes Suffragants, prononça que l'élection étoit nulle, dépofa Timothée & l'excommunia: celui-ci l'excommunia de fon côté. Enfin pour le bien de la paix, ils convinrent que l'Ordination de Timothée feroit réitérée, & l'hiftorien marque qu'Ephrem pour l'infulter, au lieu de dire l'oraifon ordinaire qui fe prononce avec l'impofition des mains fur le nouveau Catholique, prononça celle qui fe dit pour abfoudre un pénitent. Ce que nous tirons de ce fait eft, que dans le neuvieme fiecle ces prieres & ces cérémonies pour abfoudre les pénitents étoient encore en ufage parmi les Neftoriens, & même long-temps auparavant. Car Hebedjefu dans fon Catalogue des Auteurs Syriens, c'eft-à-dire, p. 65. Ed Neftoriens pour la plupart, dit, que Jechuaiahab, qui eft leur trente-cinquieme Catholique, compofa & mit en ordre les livres d'Eglife, & entre autres l'Office pour la réconciliation des pénitents, que nous avons trouvé fous ce titre dans des manufcrits fort anciens; & il vivoit plus de cent ans avant Timothée.

Rom.

Ce qu'il y a de plus fingulier, & qu'il faut éclaircir, eft la pénitence De laPénides Renégats, qui ont été foumis aux mêmes peines que ceux qui avoient tence de ceux qui autrefois adoré les Idoles du temps des Empereurs Payens, & dans la avoient fuite ils furent encore punis plus févérement. On regarda la profeffion du renié la Mahométifme comme une espece d'idolâtrie; & c'eft fur ce principe qu'ont été réglées les pénitences ordonnées pour ce crime. Dans une des Collections de Canons Pénitentiaux plus ancienne que celle de Barfalibi, on

foi

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Liv. III. trouve celui-ci. Quiconque s'eft fait Mahométan, mais par force, fera péCH. VII. nitence durant trois ans, qu'il jeùnera; mais il pourra cependant entrer dans

Variation fur ce point de difcipline.

Exemples de l'Hift. Orientale.

Sozom.

1. 2. c. 8.

l'Eglife en tout temps pour y faire fes prieres. Après cela, s'il n'a pas été baptisé, il recevra le Baptême; s'il l'a été, on l'aspergera d'eau bénite, & on lui fera l'onction avec l'huile fainte, enfin on lui donnera l'Euchariftie. Ces paroles doivent s'entendre de ceux qui, ayant été enlevés par les Mahométans dès leur enfance, & réduits en fervitude, avoient renoncé à la foi, dont ils avoient peu ou point de connoiffance à caufe de leur bas âge, & qui méritoient un moindre châtiment. S'il a librement & fans aucune contrainte renié la foi, il jeûnera fix ans, s'abftenant même de l'huile & du vin, & il pourra entrer dans l'Eglife. S. Bafile, ajoutent les Auteurs de cette Collection, a jugé qu'un homme qui avoit renié la foi pour embrasser la Religion Mabométane, doit aller dans le lieu même renoncer à cette Religion, s'il le veut néanmoins.

On doit pardonner à des Orientaux, qui manquant des fecours que nous avons pour étudier l'Antiquité, ont fait une faute aufli groffiere que de citer S. Bafile fur le Mahométifme. Quelque Canon qui regardoit les Apoftats fouillés d'idolâtrie ayant été tiré des autres de ce Saint, a pu induire en erreur les Traducteurs, ou ceux qui ont recueilli les Canons; en forte qu'après les anciens de S. Bafile qui regardoient l'idolâtrie, ils y aient joint celui-là, fondé fur un ufage particulier, & qui ne paroît pas avoir été généralement reçu. Car Barfalibi ne parle point de cette loi fi rigoureuse, & qui n'a aucune conformité à la difcipline de l'ancienne Eglife. Il paroît par fon Canon XLIV que de fon temps la pénitence de celui qui avoit renié la foi étoit comme publique, parce que plufieurs Prêtres célébroient fur lui l'Office de la pénitence; c'est-à-dire, qu'elle lui étoit impofée avec plus de folemnité, & comme en face de l'Eglife. Il demeuroit quarante jours à la porte, fe recommandant aux prieres de ceux qui entroient ou qui fortoient, & pendant le fervice il tenoit un cierge allumé. Durant ce temps - là il jeûnoit au pain & à l'eau, fans manger de poiffon, ni d'huile, & fans boire de vin. Après cela il avoit la liberté d'entrer dans l'Eglife, où il témoignoit publiquement fa repentance par fes larmes & par fes gémiffements. On lui prescrivoit enfuite l'abstinence qu'il devoit pratiquer durant fept ans, pendant lefquels il ne pouvoit approcher de la Communion. Il devoit faire par jour cent génuflexions, donner dix pieces d'or aux pauvres, ou racheter un captif, faire dire cent Hymnes, & faire célébrer cent Meffes; après quoi il étoit reçu.

Le plus ancien exemple qui foit dans l'Histoire Orientale eft, celui que rapportent les Neftoriens dans la Vie de Siméon Archevêque de Séleucie & de Ctéfiphonte, capitales de Perfe, dont parle Sozomene, & qui fouffrit le

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