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Liv. IV.

CH. VII.

CHAPITRE

VII.

Discipline

pour don

que.

G. 3.

472. Sym.

Que l'état de la vie monaftique, felon les Grecs, renferme les trois vœux de Religion pratiqués dans l'Eglife Latine.

ON

N ne peut mieux éclaircir cette matiere qu'en rapportant sommaides Grecs rement ce que les Grecs pratiquent lorsqu'ils reçoivent l'habit de Religion: ner l'habit car les questions & les réponses qui fe font en cette occasion mettent la monafti- chose dans une entiere évidence. Ce que nous appellons l'habit de Religion est appellé par les Grecs Exñμa, & ce mot eft en ufage dans toutes Hift. 1. 3. les langues orientales parmi les Chrétiens dans le même fens. M. Ludolf s'eft trompé lorfqu'il a dit qu'il fignifioit l'habit des Supérieurs; car il fignifie généralement celui que portent tous les Religieux, comprenant toutes les pieces qui le compofent. Les Grecs font une diftinction entre le petit habit, qu'ils appellent gov oxiμa, & le grand; le premier étant pour les Religieux qui ont fait leur premier Noviciat: & le fecond pour ceux qui, après les vœux folennels, ont paffé quelques années dans la Goar Eu- pratique de la vie religieufe. Les degrés de cet état font d'abord celui cholog. p. des Novices ou commençants, qui par cette raison sont appellés Agxágios: Theff. De le fecond eft de ceux qui portent le petit habit, & ceux-là font appellés Pœnit. ungooxna: le troisieme enfin eft des parfaits & du premier ordre, qu'on appelle μeyaλóxμa, Les premiers font précisément comme les Novices, & ils ne font pas engagés à l'état monastique, dans les pratiques duquel ils entrent pour s'éprouver. Ainfi il n'y a pas grande cérémonie pour mettre un homme dans le Noviciat : & cela fe fait par une fimple bénédiction du Supérieur après deux oraifons, par lefquelles on demande à Dieu qu'il accorde à celui qui fe préfente la grace néceffaire pour renoncer au monde, & pour s'acquitter des devoirs de la profeffion qu'il veut embraffer. On lui coupe les cheveux en forme de croix, & on lui donne la tunique ou χιτών, & 1e καμηλαύχιον, qui eft une efpece de bonnet ou de calote. Cette diftinction des différents degrés de la vie monaftique est conforme à l'Euchologe & aux meilleurs Auteurs; au lieu que celle de Chrift. Chriftophle Angelus eft entiérement arbitraire & de fon invention. Il les Ang. c.27. diftingue en ceux des Monafteres, les Anachoretes, & ceux qui vivent dans les Cellules. Cela ne fait aucune diftinction pour les obligations de cet état, car elles font toujours les mêmes.

C.265. & f.

& feq.

Maniere

Le petit habit se donne avec plus de cérémonie: car ceux qu'on apde donner pelle fimplement αρχάριοι ou commençants & ρασοφοροντες, parce qu'ils font vêtus d'une étoffe groffiere appellée parov dans la langue moderne,

le petit

habit.

ne font regardés que comme étant dans les préliminaires du Noviciat. Liv. IV. Les feconds ou μixgóxμa commencent à être Religieux. Après quel- CH. VII. ques prieres celui qui doit recevoir cet habit eft préfenté par l'Eccléfiarque, & il demeure quelque temps à la principale porte nuds pieds, nue tête & fans ceinture, ayant quitté fes habits ordinaires. Il fait trois génuflexions, & enfuite le Supérieur du Monaftere lui fait une courte exhortation, puis il lui demande pourquoi il est venu. L'autre répond que c'est dans le deffein d'embraffer la vie monaftique. Le Supérieur lui demande fi c'est de fa propre volonté, & fans aucune contrainte qu'il a pris cette réfolution. L'autre répond que c'est librement. Le Supérieur continuant, lui demande s'il demeurera dans le Monaftere & dans la pra tique de la vie religieufe jufqu'au dernier foupir. L'autre affure qu'oui, avec l'aide de Dieu. Vous conferverez-vous, pourfuit le Supérieur, dans la virginité, dans la tempérance & dans la piété? Oui, répond l'autre, avec l'aide de Dieu. Obferverez-vous, continue le Supérieur, jufqu'à la mort, l'obéissance à votre Supérieur & à vos freres en Jefus Chrift? L'autre répond de même. Enfin le Supérieur demande. Soutiendrez-vous pour le Royaume du ciel Paustérité de la vie monaftique? A quoi il répond comme aux questions précédentes, qu'il le fera avec l'aide de Dieu.

tion que fait le Su

Le Supérieur lui fait enfuite une exhortation, par laquelle il lui re- Exhorta commande de faire attention fur ce qu'il promet à Dieu, parce que les Anges invifiblement présents écrivent cette promeffe, dont on lui deman- périeur. dera compte dans le fecond avénement de Jefus Chrift. Qu'il faut donc pour fuivre cette vie très-parfaite, fe purifier avant toutes chofes de toute forte de fouillure de la chair & de l'efprit; renoncer au faste arrogant de la vie mondaine; obéir fans murmure à tout ce qui lui fera ordonné, per-> févérer dans la priere, dans les jeûnes & dans les veilles; réfifter aux tentations du démon lorfqu'il lui rappellera en mémoire les défordres de fa vie paffée, ou qu'il lui infpirera de l'averfion pour la voie qui conduit au Royaume des Cieux: qu'en commençant d'entrer dans cette voie il ne falloit pas regarder derriere foi; qu'il falloit renoncer à l'amour de pere, de mere, d'amis & à celui de foi-même pour n'aimer que Dieu; n'avoir aucun attachement aux grandeurs du monde, méprifer les honneurs & le repos de la vie, & ne pas fuir la pauvreté, l'austérité & le mépris de tous les hommes; éviter tout ce qui peut empêcher de courir après Jefus Chrift: ayant toujours en vue les biens que doivent espérer. ceux qui vivent felon Dieu, & fe fouvenir des peines & des travaux qu'ont fouffert les Saints & les Martyrs qui ont répandu leur fang pour les acquérir. Enfin il représente au Novice, que la vie qu'il embraffe l'oblige à renoncer à tout, à porter fa croix & à fuivre Jefus Chrift. It

Liv. IV. lui demande enfuite fi avec l'efpérance que Dieu lui en donnera la force; CH. VII. il promet d'accomplir toutes ces choses jufqu'à la fin de fa vie ; & le Novice répond que oui. Après cela le Supérieur prononce fur lui une priere,

par laquelle il demande à Dieu la grace de perfévérance pour le Novice, & lui donne l'habit, après avoir dit une autre priere.

Cérémo- . Le Supérieur avant que de lui couper les cheveux, ce qu'il fait après nie de avoir reçu les cifeaux de fa main, l'interroge encore pour favoir si c'est cheveux. de propos délibéré qu'il embraffe la vie monaftique ; & après que le Novice

couper les

Jugement

tants fur

à celui de

Eglifes

a répondu que oui, il lui coupe les cheveux, & il lui donne la tunique, la ceinture, le xaμnλaúx ou bonnet, le manteau & les fandales, le tout avec une bénédiction à chaque piece : & en ajoutant que c'est comme un gage du grand & angélique habit, qui ne differe que parce que ce dernier ne fe donne qu'après plufieurs années de profeffion. Enfuite outre les prieres particulieres qui ont été dites fur le Novice, toute l'affemblée en fait une publique pour demander à Dieu qu'il lui donne fa protection & fon fecours, afin qu'il puiffe exécuter fans obftacle & fans reproche le deffein de s'engager à la vie monastique, vivre dans la piété conforme à fon état, renoncer au vieil homme & fe revêtir du nouveau, pour demander auffi que Dieu lui remette fes péchés. On lit une Epître tirée de celle de S. Paul aux Ephéfiens. Fratres, confortamini in Domino, &c. puis l'Evangile felon S. Matthieu. Si quis diligit Patrem & Matrem plufquam me, &c. On lui donne une croix, en difant, le Seigneur a dit fi quelqu'un veut me fuivre, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte fa croix & qu'il me fuive. Puis on lui met en main un cierge allumé, & on lui dit: le Sei gneur a dit que votre lumiere luife devant les hommes, &c. Enfin celui qui a fait l'Office adreffe la parole aux affiftants, en faifant l'application de la parabole de l'enfant prodigue, à l'action de celui qui s'engage ainfi dans la profeffion de la vie religieuse.

Suivant le fyftême des Proteftants, toutes ces pratiques qui font en des Protef- ufage parmi les Grecs, font un ramas de fuperftitions groffieres contraires à la parole de Dieu, qu'il falloit promptement abolir, comme auffi ils ce fujet contraire ont fait dès le commencement de la Réforme, pour extirper les abus du toutes les Papifme. Mais ce que les Proteftants appellent abus, fuperftition, joug infupportable, les Grecs l'appellent la vie angélique, & l'état de perfecd'Orient, tion évangélique. C'eft porter fa croix, renoncer à foi-même & fuivre Jefus Chrift, & c'eft pratiquer non feulement les préceptes, mais les confeils de l'Evangile. En cela ils n'ont pas eu d'opinion particuliere, puifqu'ils ont formé les Regles de la vie religieufe fur la doctrine & fur les exemples des plus grands Saints, qui ont non feulement enfeigné, mais pratiqué toutes ces chofes, les croyant auffi conformes à 1 Evangile, que

ceux

ceux qui les ont abolies prétendent qu'elles en font éloignées. Les Grecs Liv. IV. & tous les Orientaux qui regardent ces Saints comme de grands fervi- CH. VII. teurs de Dieu, font perfuadés qu'il a parlé par leur bouche & par leurs exemples, & on ne leur fera jamais croire qu'il ait révélé à des Apoftats, ce qu'il avoit caché à ces hommes extraordinaires. Car il n'y a point de milieu fi S. Antoine, S. Pacome, S. Macaire, S. Martin, S. Benoît & tous ceux qui ont établi & pratiqué la vie monaftique, ont été animés de l'efprit de Dieu, ce que toute l'Eglise avoit cru jusqu'à la Réforme, ceux qui ont condamné cet état de vie ne pouvoient être animés que d'un efprit entiérement contraire, & l'efprit de vérité ne fe contredit point. La ferveur du premier inftitut diminue, mais la Regle subsiste : fi les Grecs fe font éloignés de celle que leur prescrivoient les Fondateurs de la vie monaftique, au moins ils ont confervé du respect pour eux, & pour ce qu'ils avoient ordonné.

n'ont fait

finon fur

cont. Hær.

P. 31.

L'averfion que le fchifme a infpiré contre les Latins n'a pas porté les Les Grecs Grecs à les attaquer fur ce qui regarde la vie monaftique dans fon prin- aucun recipe, comme mauvaise & comme contraire à la liberté des enfants de proche Dieu. Toutes leurs accufations fe font réduites à des reproches, & il faut aux Latins convenir qu'ils étoient fouvent bien fondés, fur ce que nos Religieux ne la vie dévivoient pas felon leur Inftitut; qu'ils n'étoient pas affez aufteres; qu'ils réglée de quelques mangeoient de la viande ; qu'ils fe mêloient des affaires de ce monde, Religieux. au lieu de demeurer dans leur retraite : fur-tout qu'ils portoient les armes, Sim. Thef. & qu'ils répandoient du fang, ce qui n'étoit que trop ordinaire durant les guerres d'outremer. Quelques uns entrent fur cela dans un grand Nectar. détail, jufqu'à reprocher aux Latins que leurs Religieux, même ceux qui prim. Pap. s'abstenoient de viande, ne faifoient aucun fcrupule d'en mêler le jus avec p. 193. les légumes. Ces reproches n'étoient que trop vrais, puifque ce relâchement de la Regle donna lieu à divers Canons, & enfuite à différentes réformes, nonobftant lefquelles il fubfifte encore en plufieurs endroits. Siméon de Theffalonique ne ménage pas les Latins fur ce fujet plus que fur les autres. Mais ni lui, ni Balzamon, ni Nectarius, n'ont blâmé pour cela l'état monaftique: au contraire ils l'ont relevé par les plus grands éloges, comme on verra dans la fuite.

·

contr.

On pourroit dire que ce qui a été rapporté ci-deffus, étant tiré de Objection fur le peu l'Euchologe, eft très-récent, & ne peut avoir toute l'autorité néceffaire d'antiqui pour prouver l'antiquité de la Tradition touchant la vie monaftique. Mais té des cette objection n'a aucune folidité, puifque les anciens Euchologes font prieres ti entiérement conformes aux nouveaux dans tous les points effentiels : & l'Eucholo. que ce qui eft contenu dans les uns & dans les autres touchant les trois ge. Perpétuité de la Foi. Tome V.

M m

rées de

Liv. IV. vœux de Religion, eft confirmé par un fi grand nombre de témoignages de CH. VII. tous les fiecles, qu'on ne le peut foupçonner de nouveauté. Il est facile de citer un nombre infini d'exemples de Religieux qui ont manqué au devoir de leur profeffion par des péchés contre la chafteté: & de reconnoître en même temps la pénitence rigoureuse qui a été imposée à ceux qui en étoient coupables, dont on trouve un fort grand détail dans le livre de S. Jean Climaque, qui est traduit en arabe il y a plufieurs fiecles, & qui n'a pas moins d'autorité parmi les fectes féparées que parmi les Orthodoxes. Les Canons pénitentiaux qui font rapportés en différentes Collections fyriaques & arabes, auffi-bien que dans les grecques, prescrivent des peines beaucoup plus longues & plus féveres pour les Religieux coupables de pareils péchés, que pour les Laïques. Les mariages par lesquels ils auroient voulu excufer leur intempérance, font déclarés profanes, nuls & de véritables facrileges, non feulement par ces mêmes Canons, mais par les loix civiles, contenues dans le corps de ceux qu'ils appellent Canons Impériaux, parce qu'ils font tirés en partie de celles du Code Théodofien, & d'autres Conftitutions Impériales.

Conc.

P. 345.

p. c. 12.

Il en eft de même de la pauvreté & de l'obéiffance religieufe dont il eft parlé dans les Conftitutions monaftiques, jointes aux Canons dont Eckellenfis a donné une partie avec ceux du Concile de Nicée traduits Tome 2: d'arabe, de même que dans celles des principaux Canoniftes que nous Echmim. avons cités, & qui n'en parlent pas avec moins de refpect que de toutes les autres qui concernent la difcipline eccléfiaftique. Ce n'eft pas feulep. 1. c. 9. ment parce qu'ils favent que ces Regles font établies par la Tradition non interrompue de plufieurs fiecles, & par le témoignage auffi-bien que par la pratique des plus grands Saints; mais auffi parce qu'ils les trouvent marquées dans les Conftitutions Apoftoliques, lefquelles, comme on a dit ailleurs, ont parmi eux une entiere autorité.

Ebnaff.

Les Protef

viennent

Grecs fur

Enfin il n'eft pas nécelfaire de s'étendre davantage fur cette matiere, tants con- puifque les Proteftants mêmes, entr'autres M. Smith, conviennent de des fenti- tout ce que nous avons rapporté touchant la vénération que les Grecs ments des ont pour l'état monaftique ; qu'ils l'appellent une maniere de vie parfaite, l'état mo- angélique & felon Dieu, & l'imitation de la vie de Jefus Chrift: que les naftique. Religieux qui font dans toute la Grece s'engagent par vou à la Regle de Gr. Statu S. Bafile: qu'il y en a un très grand nombre dans le Mont Athos, hod. p.86. recommandables par leur vie dure & pénitente, qui attire le refpect & la confidération des Turcs mêmes, tant à l'égard de ceux-là qu'à l'égard des autres que tous ont un même Inftitut, qu'ils obfervent fi exactement, qu'on peut dire qu'ils ne cedent en rien aux Religieux des premiers fiecles: qu'ils s'abftiennent de chair & de tout poiffon qui a du fang: qu'ils jeûnent

De Ecclef.

Ei. 1698.

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