Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qui ait rapport à la matiere, ils l'y inferent, fur-tout dans les Hiftoires; Liv. IV. de forte que toutes les altérations des Actes des Saints faites par Méta- CH. VIIL phrafte & par les Légendaires Grecs ou Latins, ne font rien en comparaison de celles des Traducteurs Orientaux. C'est donc ainfi qu'ayant la Vie de S. Antoine traduite du grec de S. Athanafe, ils y ont fait un grand nombre d'additions. Une des principales regarde la question que nous traitons, parce que dans la traduction arabe, telle qu'on la lit dans la plupart des exemplaires, il eft rapporté que S. Antoine eut une vifion, dans laquelle il crut que fon ame étoit féparée de fon corps, & préJentée devant le Tribunal de Dieu, où les démons entreprirent de l'accufer de tous les péchés qu'il avoit commis depuis fa jeunesse: qu'alors il entendit une voix du ciel qui dit, que tous ceux qu'il pouvoit avoir commis avant que d'embrasfer la vie monaftique lui avoient été remis dans le temps même qu'il s'y étoit engagé. Cette hiftoire eft citée dans une formule d'exhortation pour les Religieux qui prennent l'habit, rapportée par Abulbircat, & par d'autres Auteurs.

d'un Ca

Il y a auffi dans la Collection des Cophtes, certains Canons recueillis Paffage fous le titre de Canons, pour le temps ce qui fignifie que c'eft un re- non des cueil de plufieurs points de difcipline fondés en pratique, comme il Cophtes. paroît affez par ce qu'ils contiennent; & fous le Titre XVIII voici ce qu'on y trouve : Si un Séculier tombe en quelque péché de la chair, ou MS. Arab. Bibl. Seg.. en quelque autre très-grief, & qu'il fe faffe Religieux en recevant le faint babit monaftique, il eft purifié de ses péchés comme par la grace du Bap tême. Et fi avant la réception de l'habit il a commis plufieurs crimes, lorf qu'il l'a reçu, il peut être promu au Sacerdoce. A cela le Canon ajoute, que fi un Prêtre après l'Ordination commet des péchés qui l'excluent des fonctions Sacerdotales, s'il prend l'habit de Religion, il peut reprendre les fonctions de fon miniftere, parce que la grace qu'il reçoit par le faint habit efface tous fes péchés, particuliérement s'ils ne font pas publics.

Canon.

Il n'eft pas difficile de reconnoître que cette difcipline eft fort ré- Explica cente; puifque fuivant l'ancienne, ceux qui avoient commis des péchés tion de ce: qui étoient foumis à la pénitence canonique, ne pouvoient parvenir aux Ordres facrés. Cette rigueur n'a été mitigée que fort tard dans l'Eglife Orientale, & il feroit difficile de trouver quelques Canons d'autorité qui l'euffent changée. Ce changement ne vient que de la coutume; & lorfqu'elle fut établie, elle acquit force de loi pour les pays où la tyrannie des Barbares ne permettoit pas d'observer les regles eccléfiaftiques felon toute leur rigueur. Enfuite il fallut chercher une raifon de cette nouveauté, & il n'en parut pas de meilleure que ce qui fe trouvoit dans les livres Afcétiques touchant les louanges de la vie monafti

LIV. IV. que. La principale étoit de l'appeller ua fecond Baptême, comme la CH. VIII. Pénitence dont elle faifoit une partie : le Baptême efface tous les péchés: il ne fut pas difficile de pouffer cette comparaison au-delà des bornes, fur-tout dans des Ouvrages qui n'étoient point théologiques, comme en effet elle ne fe trouve dans aucun de ceux qui peuvent paffer pour tels. Barfalibi & Abulfarage parlent de tous les fens différents du nom de Baptême, & ils mettent dans ce nombre la Pénitence, l'appellant, fuivant la doctrine des Peres, un Baptême de larmes & laborieux mais ni eux, ni les autres, n'ont dit que l'effet fût femblable à celui du Baptême de Jefus Chrift. Donc comme ils ont enfeigné que celui qui embraffoit la Pénitence fuivant les regles prefcrites par l'Eglife, c'est-à-dire, la douleur fincere, la Confeffion, la Satisfaction & l'Abfolution, devoit être affuré de la rémiffion de fes péchés, ils ont en même temps reconnu, que ceux qui s'engageoient volontairement & pour toute leur vie dans une pénitence continuelle, devoient être auffi affurés de la miféricorde de Dieu, que ceux qui avoient reçu la rémission toute gratuite: au lieu que celle-ci eft le fruit des travaux de la Pénitence, puisqu'après les autres cérémonies, celui qui reçoit l'habit fait une Confeffion générale de tout ce qu'il a de plus fecret. C'eft pourquoi Siméon de Theffalonique conclut de-là, que le faint habit eft compris dans la Pénitence (b).

C'est ce qui paroît de plus convenable pour expliquer les difficultés qu'a formées Allatius, & qu'il tâche de réfoudre par une voie plus longue & plus embarraffée. La lettre de Michel Glycas, qu'il rapporte enAllat. 1. 3. tiere, & qui mérite d'être lue, fuffit non feulement pour confirmer ce c.16. §.23. qui a été dit ci-deffus; mais auffi pour faire voir que cette comparaison peu

exacte du Baptême & de la profeffion monaftique n'étoit pas généralement approuvée, finon dans le fens que lui donne Siméon de Theffalonique. Que fi des particuliers dans les derniers temps fe font écartés de cette doctrine, ils n'ont aucune autorité dans l'Eglife Grecque, & il fuffit pour la juftifier, d'établir, comme nous avons fait, qu'elle n'a jamais mis la profeffion monaftique au nombre des Sacrements, finon comme une partie de la Pénitence,

(1) Καὶ τέλος ἐξαγγελίαν τῶν τῆς καρδίας κρυπτῶν, κατὰ τὰς ἱεράς τε καὶ θείας ὑποθήκας. Δὲ ὧν δείκνυ καὶ ὡς ἄρα καλῶς εἴρηται τὸ σχῆμα τὸ ἅγιον ἐν τῇ μετανοίᾳ εἶναι. Sim. Theg. de Pen, c, 279, p. 190.

[ocr errors]
[blocks in formation]

Tout

CHAPITRE

De la vie monaftique, felon les Orientaux.

dans les

ments que

monafti

Out ce que les Grecs difent & pratiquent par rapport à la vie mo- Les Orien naftique leur eft commun avec les autres Chrétiens Orientaux, puifque taux font les uns & les autres ont puifé dans les mêmes fources: & comme les mêmes premiers fondateurs de cette vie pénitente ont vécu long-temps avant fentique les Eglifes fuffent divifées par les héréfies ou par le fchifme, ils les Grecs font regardés par-tout avec le même refpect. Les Regles de S. Antoine fur la vie & de S. Pacome, les paroles des Saints du Défert, recueillies par que. plufieurs Auteurs, & les Afcétiques de S. Bafile, font traduites il y a plufieurs fiecles en toutes les langues orientales; elles font le fondement de la Regle pratiquée par tous les Religieux en Orient; & de plus ils en ont tiré divers Canons, qui ont une entiere autorité, & qui font confidérés comme les loix de la vie monaftique. On pourroit faire plusieurs volumes de ce qu'on trouve fur cette matiere dans les Manufcrits fyriaques & arabes, parce qu'il n'y a prefque aucun livre grec qui en traite, dont il n'y ait eu des traductions ou des abrégés. D'abord les Orientaux ont traduit la Vie de S. Antoine, celle de S. Pacome, & plufieurs autres, & c'eft la principale lecture qui eft recommandée aux Religieux, après celle de l'Ecriture Sainte. Le Paradis, ou vasov, le regovτinov, les Apophtegmes des anciens Anachoretes, & plufieurs femblables recueils, font traduits de même; ainfi que le navdoxos dont ils ont confervé le nom grec, l'Echelle de S. Jean Climaque, les Inftructions de S. Dorothée, & divers autres Traités Afcétiques, font tellement en ufage dans tout l'Orient, qu'à peine on voit une Bibliotheque tant foit peu fournie de Manufcrits orientaux, qui n'en ait plufieurs de cette forte.

des Orien

Comme la matiere eft fuffisamment éclaircie par tout ce qui en a été Témoign. dit dans les Chapitres précédents, nous rapporterons feulement quelques taux. témoignages choifis d'Auteurs généralement approuvés. Nous ne parlerons pas des Melchites ou Orthodoxes, parce qu'ils font du Corps de l'Eglife Grecque, dont la doctrine & la difcipline ont été affez expliquées. Parmi les Jacobites, un des plus confidérables eft Ifaac Ebnaffal, qui a fouvent été cité dans cet Ouvrage ; & dans fa Collection de Ca- Coll. Can. nons il traite fort au long de la vie monaftique, & des exercices auxquels elle engage. Il dit que la vie Monaftique eft la Philofophie de la

MS. Arab.
P. I. c. 10.

LIV. IV. Religion Chrétienne; de forte que les Religieux font des Anges terreftres, CH. IX. & des hommes céleftes, qui fuivent Jefus Chrift en l'imitant felon leur pou

Obligations de la

voir qui reffemblent à fes Apôtres par le renoncement à tous les biens de ce monde qui condamnent tous les defirs mondains, & qui méprisent tout jufqu'à eux-mêmes, par principe d'obéiffance & d'amour pour Jefus Chrift: qui accomplissent les préceptes qu'il a donnés, cherchant à parvenir à un état de perfection: qui l'aiment uniquement, & plus que leurs peres, leurs enfants, leurs femmes & que les richesses: qui font contents heureux dans le repos qu'ils efperent avoir des travaux présents & néceffaires de cette vie, & être délivrés dans l'autre des peines éternelles, pour enfuite parvenir aux dignités qu'il leur a préparées dans le Royaume des Cieux, en récompense des mortifications passageres auxquelles ils fe foumettent volontairement.

Il dit enfuite, que cet état eft fondé fur ce que Jefus Chrift dit à un homme: Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez & le donnez aux pauvres, & vous aurez un tréfor dans le ciel: venez & me fuivez. Il dit auffi à celui qui lui demandoit ce qu'il devoit faire pour parvenir à l'héritage de la vie éternelle, & qui étant interrogé fur les préceptes, répondit qu'il les avoit obfervés depuis fa jeuneffe: qu'il lui manquoit encore une chofe, qui étoit de vendre fes biens & de le fuivre. De même Jefus Chrift a dit: Celui qui aime fon pere & fa mere plus que moi, n'eft pas digne de moi:& celui qui ne porte pas fa croix, & ne me fuit pas, n'eft pas digne de moi.

Le même Théologien citant enfuite les Afcétiques de S. Bafile, dit, que le choix de la vie monaftique doit être fait avec une entiere liberté, &fans aucune contrainte que par cette raison avant que d'y admettre quelqu'un, il faut que le Supérieur du monaftere examine foigneusement les qualités de celui qui fe préfente: s'il eft libre, parce qu'on ne doit pas recevoir un esclave fans le confentement de fon maitre, ni un homme marié fans que fa femme y confente, ni un fils de famille qui eft fous la puissance de fes parents, fans qu'ils y confentent. On trouve en cet endroit une exception, qui eft, qu'on peut recevoir un homme marié lorsqu'il ne peut vivre avec fa femme, & qu'il l'a quittée: & il y auroit quelque fujet de douter de cet article, s'il n'y a pas de faute dans les Manufcrits. Enfin on peut recevoir un homicide pour faire pénitence, fi le meurtre qu'il a commis n'a pas été de propos délibéré.

Après diverfes chofes qui n'ont pas rapport à notre deffein, Ebnassal vie monaf- explique les obligations de la vie monaftique, dont la premiere, dit-il, tique fe- eft de renoncer au mariage. Il y a des perfonnes qui n'ont jamais été mariés, & c'eft de ceux-là que Notre Seigneur a dit, qu'ils fe font faits

lon les

Orient,

Eunuques

Eunuques pour le Royaume des Cieux: les autres fuivent ce qu'il a dit, Liv. IV. que celui qui quittera fa femme aura la vie éternelle. Enfin les uns & les CH. IX. autres choififfent dès cette vie l'état où on fera dans l'autre, fans être marié, mais comme des Anges de Dieu. Il faut enfuite renoncer à fes parents felon la chair, aux biens & à tous les defirs mondains, demeurer dans le Défert, être vêtu de laine, porter la ceinture, renoncer à manger de la chair pendant toute fa vie, même à boire du vin, finon lorfque la néceffité y oblige, &fe retrancher tellement fur la nourriture, qu'on n'en prenne qu'autant qu'il est néceffaire pour Soutenir fa vie: enfin de vivre avec fes freres comme n'ayant qu'une ame & un même efprit, par la charité qui doit engager les Religieux à vivre, non pas chacun pour foi, mais pour les autres, par une foumission mutuelle, & une obéissance parfaite aux Supérieurs. Ils doivent enfin passer toute leur vie dans le jeûne, dans la priere, dans le travail, dans une mémoire continuelle de Dieu, dans la méditation de fes Saintes Ecritures && dans la lecture des Vies des Saints, pour tâcher de les imiter.

tirées des

Le même Auteur rapporte auffi plufieurs regles tirées des Afcétiques Les Regles de S. Bafile, qui regardent la conduite des Supérieurs des Monafteres, SS. Peres. & quelques autres pour les Religieux, dans lesquelles il n'y a rien de fingulier, finon qu'il eft dit qu'ordinairement ils coucheront fur la terre, babillés, & fans dénouer leur ceinture, pour être toujours prêts à fe lever, afin de vaquer à la priere & aux veilles que les malades & les vieillards pourront coucher fur des lits que lorsqu'ils travailleront à quelque travail pénible ils mangeront deux fois le jour; la premiere, après l'heure de Sexte; la feconde, à la fin du jour : les autres jours ils ne mangeront qu'une fois : & que, felon le confeil de S. Paul à Timothée, ils pourront dans le befoin prendre un peu de vin. Il eft auffi parlé dans ces Extraits des peines qui doivent être impofées à ceux qui tombent en diverfes fautes: lorfqu'elles font grieves, il eft ordonné qu'ils feront fouettés, & on ne trouve pas que cette pénitence foit prescrite à l'égard des Laïques pour les plus grands péchés.

cordent

Echmimi dans fa Collection de Canons parle comme Ebnaffal: & Les Orien Abulbircat, postérieur aux deux, a copié le dernier en propres paroles taux s'acpour faire l'éloge de la vie monaftique, en forte qu'il feroit inutile de tous fur ce les rapporter. A l'égard des principales regles felon lefquelles les Sécu- fujet. liers doivent être admis à la profeffion religieufe, il fe contente d'en faire l'abrégé. On trouve à-peu-près les mêmes chofes dans le Traité de la Science Eccléfiaftique, & en divers autres Auteurs anonymes. C'est qu'ils ont tous puisé dans la même fource, qui, à l'égard des Orientaux Perpétuité de la Foi. Tome V. Oo

« AnteriorContinuar »