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Esprit, tous ceux à qui ils feront adminiftrés demeureront fans rien rece- Liv. I. voir. C'est pourquoi notre Eglife, par une ancienne tradition, rejette le Bap- CH. V. tême des bérétiques, lorsqu'il n'est pas adminiftré felon l'intention de l'Eglife, comme n'ayant point la vertu & la puissance du Saint Efprit, qui l'accomplit: & elle le regarde plutôt comme un faux que comme un véritable Baptême. Mais ce galant homme n'a pas parlé du Saint Esprit, parce qu'il ne prétend pas que les Sacrements donnent une grace Spirituelle à ceux qui les reçoivent; mais qu'ils fcellent feulement la grace qui leur a été donnée déja par la prédeftination, avant la création du monde: qu'ils la réchauffent & qu'ils l'augmentent, ce qui eft contre l'Evangile, duquel on apprend que le Baptême fauve & régénere fpirituellement, & que le corps de Jefus Chrift étant mangé, donne la vie à ceux qui le reçoivent.

Puis il pourfuit ainfi. Quoi donc! la foi de ceux qui participent aux Sacrements, qui eft extérieure, & qui ne concourt ni comme partie, ni comme cause ni en aucune autre maniere à fon effence, peut-elle être comprife dans ce qui fait la nature du Sacrement? Il est bien vrai, & chacun le comprend, que celui qui ne croit pas n'attire pas la grace & la vertu du Sacrement: mais il eft abfurde de dire que ce défaut détruife l'effence du Sacrement, qui confifte dans des paroles & dans certaines matieres. Car aucun inftrument ne perd Sa propre nature, lorsqu'il ne réuffit pas felon la fin pour laquelle il a d'abord été ordonné: mais nous dirons alors que fon opération eft devenue inutile, non pas que fa nature foit détruite.

Il est encore à remarquer que ce qu'a dit Cyrille, que le Sacrement confifte dans la parole & l'élément, eft vrai s'il est bien entendu; car les Symboles vifibles des Sacrements, étant confacrés par le Saint Efprit, & par les paroles qui les fanctifient, perfectionnent ou fanctifient abfolument ceux qui les reçoivent, en leur donnant la grace du Saint Esprit à proportion de leur foi. Mais ce n'eft pas-là le fentiment des difciples de Calvin. Car par ce mot de parole, ils n'entendent pas celle qui fanctific les facrés Symboles par la priere du Prêtre: & ce que S Denys appelle des Invocations confécratoires, ils les appellent des conjurations magiques, & ils fe moquent de ceux qui les prononcent secrétement, les appellant des Enchanteurs. Mais ce qu'ils appellent la parole, eft celle de la doctrine par laquelle on inftruit les Auditeurs, & dont ils fe fervent continuellement avant la célébration du Baptême de la fainte Communion, én expliquant les paroles de Jefus Chrift ou de S Paul qui conviennent à leur fujet. C'est donc en cette parole jointe à la matiere terreftre qu'ils font confifter le Sacrement, en forte même: qu'il n'eft pas toujours Sacrement, finon autant qu'il eft en ufage; c'est-àdire, dans le temps qu'il fe fait; après quoi les facrés Symboles qui reftent, c'est-à-dire, l'eau du Baptême, & les parties du pain qui a été rompu, n'ont

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LIV. I. plus en elles-mêmes aucune fainteté: de forte qu'elles en font entiérement déCH. V. pourvues, & comme des chofes communes qui n'ont reçu aucune fanctifica

tion par la parole de l'inftruction. L'Eglife Orientale croit bien que cette parole de doctrine ou d'inftruction eft néceffaire pour l'explication des myfteres de la foi, & de chaque Sacrement en particulier. Car comment croiroient-ils, s'ils ne les avoient entendus, & comment entendroient-ils, fi quelqu'un ne leur prêchoit? Mais que ces chofes enfeignées fimplement concourent à l'effence des Sacrements dont on expofe la doctrine, c'est ce qu'aucun des enfants de cette Eglife ne s'eft imaginé, pas même en fonge. C'est ce qu'il prouve, en montrant la différence qu'il y a entre la Prédication fimple & l'administration des Sacrements, ceux qui avoient été inftruits par les uns, l'étant ordinairement par les autres.

Melece continue enfuite. Il eft auffi fort étonnant que l'Ecriture marque clairement que plufieurs des chofes créées font fanctifiées, étant feulement offertes confacrées à Dieu, faint par sa propre nature, & que ces gens-ci ne craignent pas de dire que les matieres des Sacrements, qui fanctifient ceux qui les reçoivent, ne reçoivent aucune fanctification, quoique non feulement elles foient offertes à Dieu, mais que nous prononcions fur elles des bénédictions qui les fanctifient, que nous priions le Saint Esprit de repofer fur elles de les fanctifier, entr'autres le pain que nous rompons, & le calice que nous bénissons, defquels le Sauveur a dit: ceci eft mon corps & ceci eft mon fang. A cette occafion il parle des chofes offertes à Dieu, de la chair des victimes, des pains de propofition, même des encenfoirs de Coré & de fes complices, que l'Ecriture dit avoir été fanctifiés. Puis il continúe.

Pour moi (f) conformant mes fentiments à ceux de l'Eglife Orientale, je ne dirai pas de nos Sacrements, tant que leurs matieres demeurent en leur entier, qu'ils né confervent pas une fanctification, qui ne s'évanouit pas, même après l'ufage. Les autres Sacrements la confervent par une participation de la fainteté du Saint Efprit, que le Prêtre demande par fes prieres; mais ce qui eft confacré pour être le corps & le fang de Jefus Chrift, la conferve felon la fubftance, la divinité du Verbe lui étant unie; duquel nous difons, fans aucun doute, que toute la plénitude de la divinité habite en lui corporellement, comme nous le difons du corps qu'il a pris de la Sainte Vierge. Car celui-ci ne differe abfolument pas de l'autre en divinité en fainteté:

(f) Εγὼ μὲν συνωδὰ τῇ ἀνατολικῇ ἐκκλησίᾳ διανομένος ἐκ αν εἴποιμι περὶ τῶν καθ ̓ ἡμᾶς μυςηρίων ἕως ἂν παρῆ τὰ αὐτῶν ὑποκείμενα αδιάφθορα, μὴ διαφυλάπτειν τὸν ἁγιασμὸν καὶ μετὰ τὴν χρῆσιν ἀνεξά λειπῖον, τὰ μὲν λοιπὰ καλὰ μετοχὴν ἅτε μόνης μετάχοντα τῆς τοῦ πνεύματος ἁγιότητος καθ ̓ ἦν ὁ ἱερεὺς πεποίηται ἔντευξιν. Τὸ δὲ ἀναδειχθὲν σῶμα καὶ αἷμα χειςό κατ' ἐσίαν, ἅτε ἡνωμένης αυτῷ τῆς τοῦ λόγο θεότητος περὶ ὁ ἀνενδοιάςως λέγομεν, ὅτι ἐν αὐτῷ κατοικεῖ πᾶν πλήρωμα τῆς θεότητος σωματικῶς, ὡς καὶ περὶ τοῦ ἐκ παρθένα προσληφθέντος σώματος. Οὐ γὰρ ὅλως ἐκείνῳ τοῦτο διαφέρει τῇ θεότητι καὶ ἁγιότητι. Ὅθεν καὶ ἅγιον τῶν ἁγίων ὠνόμαςαι καὶ τῶν μυσηρίων μυςήριον, καὶ ἡ αὐτῷ λειτεργία τελετὴ τῶν τελετῶν.

c'est pourquoi il eft appellé le Saint des Saints; le Sacrement des Sacrements, Liv. I. &fa célébration, le Myftere des Myfteres. CH. V.

Cependant quoique je rejette l'opinion des Calvinistes, en ce qu'ils parlent fi impudemment de nos Sacrements, je ne les blâmerai pas fur celle qu'ils ont touchant leurs propres Sacrements: car c'est peut-être avec raison qu'ils ne font aucun cas de ce qui reste après l'ufage comme n'ayant reçu aucune fanctification, ni par le Prêtre, ni par les prieres ou invocations, qui contribuent à la confécration.

Après avoir parlé ainfi de la fubftance & de la qualité des Sacrements, ils examinent quelle en eft la fin pour laquelle le Législateur les a ordonnés, & ils difent que ce font des fceaux des promeffes de Dieu, & qui produisent la grace: ce qui fignifie qu'ils n'ont aucune opération efficace de falut, envers ceux auxquels ils font adminiftrés, mais qu'ils font des Sceaux, & comme certains fignes extérieurs, qui leur sont donnés pour fceller les promeffes de falut qui leur ont déja été faites. Ils difent qu'ils conferent la grace: & ce n'est pas comme produifant effectivement en ceux qui les reçoivent quelque nouvelle grace du Saint Efprit, mais comme augmentant le don ou la grace de la prédestination dans les prédestinés: d'où ils concluent que le commencement de leur falut ne vient pas du Baptême; mais qu'il fignifie feulement celui qui étoit déja établi fur la promeffe de Dieu, fans laquelle le Baptême les fouilleroit, fi on le leur adminiftroit. Il réfute à cette occafion les arguments. que les Calviniftes tirent de ce que la Circoncifion a été appellée fceau, & de ce que quelques anciens Peres ont ainfi appellé les Sacrements, entr'autres S. Grégoire de Nazianze, montrant que c'eft dans un fens tout différent.

Il prouve auffi par divers paffages de l'Ecriture Sainte que les Sacrements agiffent efficacement fur nos ames pour la fanctification & pour la rémiffion des péchés; ce qui détruit entiérement les conféquences que Cyrille vouloit tirer, fuivant les principes des Calvinistes, de divers autres paffages, pour établir que les Sacrements ne font que des fignes. A cela, dit-il, la réponse eft facile, à mon avis. Car fi les anciennes figures étoient des fignes, parce qu'elles n'étoient que des fymboles & des ombres de nos Myfteres, il ne s'enfuit pas que ceux-ci, que les autres fignifioient par avance, ne foient que de fimples fignes. Car en quoi confifteroit la différence de la vérité fignifiée, & des types qui en étoient l'ombre & la figure, fi les uns & les autres ne font que des fignes? Car ainfi notre faint Baptême, & la terrible Communion du corps de Jefus Chrift, n'auront rien qui soit plus grand ou plus falutaire que la Mer Rouge, le Jourdain, ou l'eau de Merra, qui fortit d'une pierre escarpée dans le désert, autant pour les animaux que pour les hommes, ou celle de plufieurs Baptêmes pratiqués par les Juifs, ou que la

LIV. I. Manne, ou que l'Agneau Pafchal, & le fang des taureaux & des boucs offerts CH. V. en facrifice, ou du pain & du vin, dons offerts par Melchifedech, ou que les

Réflex. fur ces paffa

ges

pains de propofition; car toutes ces chofes étoient des fignes de nos Sacrements. Que fi les Sacrements de l'état de grace font encore de fimples fignes, nous fommes donc encore dans les figures; & nous adorons l'ombre, & le Soleil de vérité ne nous a pas encore éclairés.

Tel eft le jugement que le plus fameux Théologien que l'Eglife Grecges de Sy que ait eu depuis long-temps a porté de la doctrine des Calviniftes, conrigus. tenue dans la Confeflion de Cyrille. On a examiné ailleurs, & détruit Perp. T.4. par des preuves de fait inconteftables, tout ce que M. Claude, M. Smith, Ls. c. 8. & quelques autres ont dit contre cet Auteur, pour le représenter comme un Grec latinifé: & il paroît affez par ce que nous venons de rapporter de lui, qu'il entendoit beaucoup mieux les opinions des Calviniftes, que ceux-ci n'ont entendu celles des Grecs. Il eft aifé de reconnoître que fa Théologie est toute grecque, & plus fondée fur l'Antiquité, que fur les Ferocu- Scholaftiques qu'on prétend qu'il a copiés. C'eft-là ce petit brutal & imlum & in- pertinent Moine de M. Smith, qui n'avoit jamais lu fon ouvrage : car tout Monach. homme qui l'auroit lu n'en auroit pas parlé de cette maniere, & feroit

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convenu de bonne foi que Cyrille Lucar, que les Calviniftes veulent faire paffer pour un fi grand Théologien, ne l'étoit guere en comparaifon de Syrigus. On ne pourra pas dire non plus qu'il ait parlé au hafard, ni fur des mémoires que les Catholiques lui euffent fournis, comme il est aisé de reconnoître que Cyrille n'a fait que copier la Confeffion de Geneve. On reconnoît au contraire que Syrigus a connu parfaitement les opinions des Calviniftes fur les Sacrements, & qu'il les a combattues par des arguments tirés de la doctrine de fon Eglife. Enfin on ne croit pas que M. Claude, s'il revenoit au monde, pût, avec toutes fes fubtilités, trouver quelque moyen de tourner en un fens calvinifte, ce que ce Théologien Grec enfeigne touchant les Sacrements, ni perfifter dans le fyftême abfurde qu'il avoit inventé, fous la dangereufe parole de M. Bafire, que Syrigus fût latinifé, lorsqu'on lui auroit fait voir de quelle maniere il s'explique fur la Proceffion du Saint Efprit. Après les preuves de fait que nous avons données dans le volume précédent de l'attachement qu'il a eu pour l'Eglife Grecque, nous ne croyons pas qu'aucun difciple de M. Claude entreprenne de foutenir les fauffetés que lui & M. Smith ont dites fur ce Grec. Si quelqu'un vouloit encore contefter fur fon autorité, il feroit bien aifé de le confondre, par l'impreffion que les Grecs ont faite de fa Réfutation de Cyrille en langue vulgaire, fuivant la traduction que Syrigus en avoit faite lui-même: par conféquent perfonne ne peut douter qu'ils n'aient approuvé la doctrine qui y eft expofée. Et puifque les Calvinistes

ont

ont cherché dans tout le cours de la difpute fur la Perpétuité de la Foi, Liv. I à faire valoir les moindres circonftances qui pouvoient faire naître quelque CH. V. foupçon d'intelligence avec les Latins, contre les Orientaux qui ont donné des Atteftations de la foi de leurs Eglifes, feulement parce qu'elles ont paffé par les mains des Ambassadeurs de France; il eft bon de remarquer qu'en ce qui regarde Syrigus, l'Eglife Latine, ni les Miniftres des Princes Catholiques, n'ont eu aucune part à ce qu'il a écrit. A peine connoiffoit-on fon nom avant les difputes avec M. Claude, & l'impreffion que Dofithée Patriarche de Jerufalem a fait faire en Moldavie de cette Réfutation de Cyrille, eft encore une preuve que les Latins n'y ont eu aucune part.

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Sentiments des Grecs touchant les Sacrements en général depuis la condamna

A

tion de Cyrille Lucar.

n'ont pas

condam

Près des déclarations auffi folemnelles qu'avoient été celles de l'E- Les Grecs glife Grecque contre la Confeffion de Cyrille Lucar, fur ce qu'il ne reconchangé de noilloit que deux Sacrements, il faudroit, en cas qu'elle eût changé de fentiment doctrine, montrer en quel temps & à quelle occafion ce changement étoit depuis la arrivé. Ainfi jusqu'à ce que les Calviniftes aient prouvé ce fait, inconnu à nation de toute la Grece & à tout l'Occident, les Catholiques font en droit de Cyrille. dire, que puifqu'il eft certain que les Grecs reconnoiffoient fept Sacrements lorsqu'ils condamnerent Cyrille, ils ont encore la même créance. Quand ils n'auroient que cette preuve négative, elle feroit fuffifante pour détruire tous les fophifmes des Calviniftes; car on eft bien fûr qu'ils ne peuvent pas montrer qu'il foit depuis arrivé aucun changement. Mais nous avons des preuves bien pofitives qui démontrent cette vérité.

fes fenti

Quoique Cyrille Lucar eût tâché d'inspirer ses erreurs à diverfes per- Perfonne fonnes de fon Clergé, il eft remarquable que depuis fa mort, & depuis n'a fuivi la condamnation de fa Confeffion, il ne s'eft trouvé qu'un feul homme ments que qui l'ait foutenue, & qui ait attaqué la doctrine commune de l'Eglife Caryophylle. Grecque touchant les Sacrements. C'eft Jean Caryophylle, qui n'étoit pas Dofith. Eccléfiaftique, quoiqu'il fût Logothete de la grande Eglife; car cette cont. Cacharge étoit fouvent exercée par des Laïques, & Mauro-Cordato ce fameux ryophyll. Drogman la poffédoit de nos jours. Nous ne répéterons pas l'hiftoire de 1. 6. c. 1. Corydale, qui a été rapportée fort en détail dans le volume précédent, fur ce qu'en a écrit Dosithée Patriarche de Jerufalem, dans un Traité parPerpétuité de la Foi. Tome V.

F

Perp. T.4.

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