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LIV. VI. tence. C'eft qu'alors on étoit encore dans cette erreur groffiere dont les CH. VIII. Protestants ont prétendu délivrer l'Univers, mais que les Orientaux croient

Les raifonne

ments ne

prouvent

tre le con

des Eglifes.

comme une vérité hors de doute, que tout Chrétien étoit obligé d'exécuter ce qu'il avoit promis à Dieu par des voeux folemnels. Il a donc fallu auffi la renverfer, contre la doctrine & la pratique de toute l'Eglife, & cela par des raisons fi fauffes & fi pitoyables, qu'il n'y a que la prévention & le libertinage qui puiffent les faire approuver. Car pour ne pas nous arrêter à celles de M. Ludolf, qui fe réduifent à ce qu'il y a de plus trivial fur cette matiere, ceux qui en ont écrit plus exactement combien font-ils de fauffes fuppofitions, afin que les conféquences qu'ils tirent puiffent être véritables? Ils citent des paffages de l'Ecriture, & jamais dans l'Eglife on ne leur a donné le fens qu'ils prétendent. Il faut donc fuppofer qu'ils en favent plus que les Peres, il faut rejetter la Tradition, il faut condamner les voeux monaftiques, & abroger toutes les loix eccléfiaftiques & civiles, fuivant lefquelles l'Eglife a été gouvernée pendant quinze cents ans; c'est-à-dire, en un mot, que le fyftême des Proteftants pour condamner & fupprimer, comme ils ont fait, le célibat des Miniftres facrés, ne peut être vrai, qu'en fuppofant comme vérités démontrées tous les autres articles de leur doctrine.

Après tout cela ils n'auront encore rien prouvé contre le confentement général de l'Eglife autorisé par celui de toutes les Communions Orientales, qui en font féparées par l'héréfie ou par le fchifme. Or comme rien con- il eft certain que de tout temps & en tout pays on a pratiqué le contraire fentement de ce que la Réforme a introduit, d'où il s'enfuit, par une conféquence général très-certaine, qu'on a cru le contraire, il faut que les Protestants difent que l'Eglife s'eft trompée, ce qui eft une de leurs erreurs capitales: & ils n'en ont pas d'autres preuves, finon de dire que ce qu'elle a enfeigné & pratiqué eft contraire à la parole de Dieu. Mais ce qu'ils appellent la parole de Dieu, eft un fens qu'ils donnent à quelques paffages qu'ils entendent d'une maniere dont ils n'avoient jamais été entendus: ce qui fuppofe que l'ancienne Eglife a été dans l'erreur fur l'intelligence des Ecritures, dont elle étoit l'interprete & la dépofitaire. C'est auffi ce qu'ils accordent volontiers; d'où il s'enfuit que S. Paul Hermite, S. Antoine, & tous les autres faints Anachoretes, croyant faire un facrifice agréable à Dieu, en fe confacrant à lui par l'abandon de toutes chofes, & par une pénitence continuelle, fe font trompés, & que même ils ont grandement péché, fi on excepte ceux qui fe retirerent dans les Κακοζηλία. Kanonía. déferts pour éviter la perfécution. Car ceux qui chercherent à imiter leur vie par un zele mal entendu, ou qui prirent pour prétexte de leur retraite les divisions qui troubloient l'Eglife, tous ceux-là péchoient à ce que pré

tend Fehlavius (a). Tels font les raisonnements théologiques, comme il les Liv. VI. appelle, dont lui & les fiens attaquent le célibat & la vie monaftique; CH. VIII. & ces raisonnements feront très-juftes, pourvu qu'on renverfe toute la Théologie; non pas celle des Scholaftiques, mais celle de tous les Peres, & même la Religion. C'eft fuppofer que les plus grands Saints de l'Eglife l'ont ignorée, & qu'ils ont été des pécheurs fcandaleux, au lieu qu'ils avoient été confidérés comme des modeles de la plus haute perfection, & comme des Anges vivants fur la terre.

des objec

inutile.

On ne s'arrêtera pas davantage à examiner les longs Commentaires L'examen de ce Miniftre de Dantzic, avec fes citations ennuyeufes des Ecrivains tions des de fon pays, qui ne font que fe copier les uns les autres, & dont le Protef nombre ne peut pas donner autorité à une nouveauté qui a renverfé tants eft toute la difcipline de l'Eglife. Quand on examinera cette question fans prévention, il paroîtra difficile de s'imaginer que perfonne croie qu'on doive plus déférer à l'autorité de Danhawerus, Vejelius, Calovius, Hulfemannus, Hofpinien, Hottinger, & de femblables Auteurs, qu'à celle de S. Athanafe, de S. Bafile, & de tous les Ecrivains Grecs & Latins. On peut dire la même chofe des Proteftants, qui ont traité ce point de controverfe avec plus d'art & plus d'efprit, comme André Dudithius, Evêque des cinq Eglifes, qui ayant apoftafié, fe maria, frappé des conféquences du précepte général donné aux hommes, lorfque Dieu dit aux premiers Peres, croiffez & multipliez, & de toutes les autres mau- And. Dud. vaises raifons qu'il avoit apprifes en paffant à Geneve. Il voyoit auffi Opufc. de clairement dans l'Ecriture que les Prêtres étoient obligés de fe marier, Sacerd. comme il y crut voir depuis, lorsqu'il fe fit Socinien, qu'elle enfeignoit le contraire de ce que les Catholiques, auffi-bien que les Proteftants, croient du myftere de la Trinité. C'eft avoir bien peu de refpect pour l'ancienne Eglife, que de prétendre faire céder l'autorité & les exemples de S. Paul, de S. Antoine, de S. Hilarion, de S. Pacome, & de tant de Saints d'Occident, à celle de Luther, de Carloftad & de leurs femblables. C'est auffi peu refpecter l'homme raisonnable, que de fupposer qu'on ne peut fe paffer de femme, & que tous ceux qui n'en ont pas s'abandonnent aux plus infames débauches. L'Eglise a eu de tout temps de grands exemples de chafteté, & on ne remarqua pas dans la naissance de la Réforme, que le mariage de tant de Moines & de Prêtres contribuât beaucoup à la réformation des moeurs : plufieurs Auteurs contemporains affurent le contraire.

Ce qui a été dit touchant la difcipline de l'Eglife Grecque à l'égard

(a) Cæterum, ut hæc obiter moneam, ficut hi, ita illi quoque priores non leviter pecca runt. Fell. not. ad Chrift. Angel. p. 691.

Cœlibat.

ad Domn.

LIV. VI. des Bigames, qu'elle excluoit du Sacerdoce, fe doit entendre felon l'ufage CH. VIII. Commun. Théodoret a expliqué autrement le paffage de S. Paul: mais Theodor. il avoit à fe juftifier d'avoir ordonné Métropolitain de Tyr le Comte Antioch. Irénée, qui étoit Bigame. Le reproche qui lui en fut fait par les autres Ep. 110. Evêques, fait affez voir qu'il avoit agi contre les Canons, ce que deux exemples qu'il citoit ne juftifioient pas. Les raisonnements des Protef Epift. ad tants, ni l'érudition de Grotius qui a foutenu la même opinion, ne peuCrellium. vent fervir à prouver, que la pratique conftante de toutes les Eglifes n'ait été telle que nous l'avons représentée.

LIVRE SEPTIEM E,

De la Tradition, & de ce qui y a rapport.

LIV. VII.
CHAP. I.

CHAPITRE PREMIE R.

Quel eft fur ce sujet la doctrine de l'Eglife Grecque & des autres Chrétiens

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Orientaux.

les Tradi

Analect.

L falloit avoir une impudence pareille à celle de Cyrille Lucar, pour Fauffeté de l'expoofer donner comme l'opinion commune de l'Eglife Orientale l'Article II fition de de fa Confeffion, dans lequel, par des paroles ambiguës & par une com- Cyrille fur paraison captieufe de l'autorité de l'Ecriture Sainte avec celle de l'Eglife, tions. il déclaroit que celle-ci fe pouvoit tromper, & que l'autre étoit infaillible. Ceux qui lui avoient dicté cette Confeffion s'apperçurent vraisemblablement de l'abfurdité de la propofition, puifque les Catholiques reconnoiffent l'infaillibilité de l'Ecriture, auffi-bien que celle de l'Eglife, qui en eft la dépofitaire & l'interprete: c'est pourquoi on lui fit ajouter après coup le dogme de la clarté de l'Ecriture, qui eft dans la Réponse à la feconde Question. Par ce moyen, comme remarqua le fecond Synode de Conftantinople, il renverfoit l'autorité des Saints Peres & des Canons, où fe trouve la Tradition venue de Jefus Chrift par les Apôtres jufqu'à nous, Hotting. & qui a toujours été confervée avec respect dans les Eglifes Orientales & Occidentales. S'il avoit dit, comme il a fait dans fes lettres, qu'il renonçoit aux fuperftitions du Papifme & de l'Eglife Grecque, on l'auroit regardé comme un homme qui fe feroit rendu aux puiffantes raifons du Miniftre Léger, que George Coreffius, dont cet Apoftat parle néanmoins avec tant de mépris, ne craignit point d'attaquer en difpute réglée. Mais il falloit avoir renoncé à toute pudeur, pour ofer dire que les Grecs croyoient que l'Eglife pouvoit fe tromper, comme elle s'étoit en effet trompée plufieurs fois, & qu'ils regardoient la Tradition comme contraire à la parole de Dieu. Car il étoit bien aisé de savoir, fi les Ecrits des Saints Peres n'étoient pas plus refpectés dans la Grece qu'ils l'étoient à Geneve: fi les Canons des anciens Conciles étoient regardés comme des pieces fervant à l'Hiftoire, ou comme des loix eccléfiaftiques qui n'étoient plus en ufage, & le contraire étoit de notoriété publique..

p. 560

LIV. VII.

Il y avoit déja plufieurs années que le Patriarche Jérémie, en priant par CHAP. I. fa derniere Réponse les Luthériens de Tubingue de ne lui plus écrire Jérémie fur des matieres de Religion, leur avoit marqué comme une des princifeigné le pales raisons, le mépris qu'ils faifoient des Peres, que l'Eglife Grecque contraire. confidéroit comme fes Maitres & fes Docteurs. On les trouve cités dans

avoit en

tous les Auteurs anciens & modernes, pour établir les dogmes de la foi, ou pour combattre les héréfies, & après l'autorité des Ecritures, la leur a été toujours employée pour les expliquer felon l'efprit & la Tradition de l'Eglife. C'eft ce qui a été conftamment obfervé dans les anciens Conciles, qui ont ordinairement appuyé leurs décifions fur les témoignages des anciens Peres, qui avoient reçu de leurs prédéceffeurs Conf. de la doctrine enfeignée par les Apôtres. Les Calvinistes mêmes ont reconnu l'autorité de ces faints Docteurs & des premiers Conciles dans les glife de France. points qui avoient rapport aux anciennes héréfies, quoiqu'ils l'aient rejetée fur ce qui regarde les nouvelles opinions nées avec la Réforme. Au contraire les Grecs anciens & modernes ont pris les Peres pour leurs guides dans tout ce qu'ils ont écrit fur le dogme, fur l'Ecriture Sainte & fur la discipline.

foi de l'E

Preuve de

que la Tra

dition a

Grecs.

La preuve en eft fort aifée, car c'eft le refpect pour la Tradition qui l'autorité a produit ces ouvrages connus & approuvés dans toute la Grece, qu'on appelle ordinairement des Chaînes fur l'Ecriture Sainte, où font rapporparmi les tés les paffages des Saints Peres, pour l'expliquer felon leur fens & felon la doctrine de l'Eglife. De même on trouve différents recueils de leurs témoignages contre les principales héréfies, & on voit que S. Augustin en combattant les Pélagiens, s'eft fervi des paffages des Peres Grecs & Latins qui l'avoient précédé, & des prieres de l'Eglife, comme ont fait Théodoret & plufieurs autres. Dans les points de difcipline on a allégué les Canons des anciens Conciles, & on en a tiré les regles de la Morale Chrétienne. Enfin non feulement l'Eglife a été gouvernée felon les loix que les anciens Evêques fucceffeurs & difciples des Apôtres avoient mifes par écrit, mais auffi par les coutumes non écrites & pratiquées de tout temps parmi les fideles, dont on a formé dans la fuite diverses Conftitutions Eccléfiaftiques. C'eft de ces Canons, des Réponses des anciens Evêques, & des autres monuments d'Antiquité Eccléfiaftique, qu'ont été tirées les Collections grecques, & divers abrégés qui en ont été faits en différents temps, fuivant lefquels les Eglifes d'Orient se font gouver Les Orien- nées dans les fiecles les plus floriffants, même dans ceux qui font plus dans les proche de nous.

taux font

mêmes

fenti

ments.

Les Orientaux Syriens, Egyptiens, Arabes, de quelque Communion qu'ils foient, nous fourniffent de pareilles preuves de leur refpect pour

la Tradition.

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