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LIV. VIII. fubfifte, & il eft confervé felon ces deux parties dans la confécration qui CHAP. I. fe fait féparément du pain & du vin, ce qui fuffit pour l'intégrité du

Elle ne

regardée

comme néceffai

Sacrement, & pour accomplir le précepte qu'il donna aux Apôtres, de faire en mémoire de lui ce qu'il avoit fait. C'eft auffi ce qui a toujours été observé fans variation dans toutes les Eglifes; mais la diftribution des dons confacrés n'a pas toujours été faite de la même maniere. Jesus Christ rompit le pain & le diftribua aux Apôtres; ils le reçurent apparemment dans la main, puifque cette pratique fe trouve la plus ancienne, qu'elle a fubfifté très-long-temps, & qu'il en refte encore des veftiges en Orient. Cette coutume a duré beaucoup de temps après que les Grecs ont peut être introduit la cuiller, & par conféquent après la Communion par intinction, qui a été en ufage en plufieurs Eglifes d'Occident, & qui n'avoit pas été approuvée en d'autres ; de forte même que quelques-uns la condamnerent, peut-être avec trop de févérité. Au moins on ne la peut conGrecs la damner dans ceux qui la pratiquent encore, puifque dans les réunions qui fe font faites avec les Grecs, on ne les a pas obligés à changer cette coutume. Mais ceux qui, à l'exemple de Melece Piga, prétendent que l'intinction ou le mélange des deux efpeces eft d'une néceffité fi abfolue, que l'on ne peut l'omettre fans pécher contre l'inftitution de Jefus Chrift, fe trompent affurément. Auffi il eft aifé de reconnoître que tout ce qu'il a écrit fur ce fujet, eft plutôt un effet de fon averfion pour les Latins, qu'une fuite d'aucun fyftême théologique fondé dans l'Antiquité, comme nous ferons voir ci-après.

re,

felon que les

prati quent.

Conféquences

qu'on doit

tirer de cette dif

cipline.

Il résulte donc de ce qui a été dit jusqu'à préfent, que l'ancienne Eglise a connu & a pratiqué la Communion fous une efpece en plufieurs circonftances, croyant que ce qui étoit reçu fous l'une ou fous l'autre, étoit véritablement le corps & le fang de Jefus Chrift. Que l'Eglife Grecque, fuivie en cela par toutes les Orientales orthodoxes ou hérétiques, a communément retranché le calice aux Laïques, il y a plus de douze cents ans, fans que ce changement ait produit aucun trouble, ni au dedans, ni au dehors. Que la principale raison qui a déterminé les Eglises à ce changement, a été qu'elles étoient également perfuadées que Jesus' Christ étoit réellement préfent fous l'une & fous l'autre efpece, & qu'on a eu en vue d'éviter le péril de la profanation. Que les objections des Proteftants contre l'ufage préfent de l'Eglife Romaine combattent autant celui des Grecs, particuliérement en ce qui regarde la Communion réfervée pour les malades; puifque cette difcipline n'eft fondée que fur la Tradition de l'Eglife Grecque, & que cette même Tradition a une origine beaucoup plus récente que la Communion fous une feule espece. Enfin quoique les Miniftres fuppofent que l'opinion de la préfence réelle

a produit le retranchement du calice, & n'eft guere plus ancienne, on Liv. VIII. reconnoît clairement que le calice n'a pas été retranché parmi les Grecs CH. II, & les Orientaux à l'égard des Prêtres, & autres Eccléfiaftiques qui communient à l'Autel, quoiqu'on l'ait retranché aux Laïques long-temps avant les époques du prétendu changement de doctrine que les Proteftants ont imaginé: que les précautions contre l'effufion des faints Myfteres font beaucoup plus anciennes que le retranchement du calice, dont même l'ufage a été confervé en plufieurs Eglifes depuis les regles établies pour ces précautions. De toutes ces propofitions il s'enfuit que l'Eglife a pu établir une loi générale conforme à ce qu'elle avoit pratiqué en plufieurs cas particuliers, fans détruire le précepte & l'inftitution de Jesus Christ.

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On fait voir que dans l'ancienne Eglife la Communion fous une feule espece a été pratiquée en plufieurs occafions.

LES C

ont mal à

né la Com

ces.

p. 1072.

Es Catholiques qui ont le mieux écrit touchant la Communion fous Quelques les deux efpeces, & en particulier feu M. Boffuet Evêque de Meaux, ne Auteurs font pas tombés dans un auffi grand inconvénient que ceux qui du temps propos du Concile de Conftance difputerent contre les Bohémiens, & même que condam. quelques-uns, qui ayant écrit plus d'un fiecle après, ne devoient pas munion défendre la vérité de la doctrine de l'Eglife en fuppofant des chofes en- fous les tiérement fauffes. Ainfi Jean de Ragufe s'acquitta fort mal de la commiffion deux efpequ'il avoit reçue, lorsqu'il avança que Neftorius avoit introduit la Com- Concil. munion fous les deux efpeces: & ce qui eft le plus étonnant, le Cardinal Tom. 12. Ofius, homme favant pour le temps dans lequel il écrivoit, tomba dans la même erreur de fait, qui eft fi groffiere, qu'on a peine à comprendre que des perfonnes qui avoient quelque teinture de l'Hiftoire Eccléfiastique aient pu y tomber. Il faut l'ignorer, entiérement, & n'avoir pas la moindre connoiffance de l'ancienne difcipline, pour ne pas reconnoître que la pratique ordinaire & univerfelle étoit autrefois de donner le calice aux Laïques, après leur avoir donné le pain confacré, ce qui eft établi non feulement fur l'autorité des Peres & des anciens Canons, mais fur la difcipline conftante de plufieurs fiecles. Cela n'empêche pas, qu'en même temps qu'elle fubfiftoit en Orient & en Occident, il n'y eût plufieurs occafions où on ne donnât la Communion fous une feule efpece, fans que perfonne reprochât à ceux qui s'éloignoient en cela de la regle

J

LIV. VIII. commune, qu'ils renverfoient l'inftitution de Jefus Chrift, & qu'ils ne CH. Il donnoient que la moitié du Sacrement: enfin fans que perfonne doutât que ceux qui recevoient les faints Mysteres en cette maniere ne reçuffent le corps & le fang de Jefus Chrift, de même que ceux qui participoient aux deux efpeces.

Preuves que la Commu

ce a été

On a allégué dès le commencement des difputes avec les Protestants, la regle établie par le Concile de Nicée pour la Communion des malades, nion fous & on voit qu'elle a été pratiquée de tout temps en Orient auffi-bien qu'en une efpe- Occident. L'Hiftoire Eccléfiaftique fournit l'exemple de Serapion, & nos pratiquée. Théologiens en ont conclu qu'on lui avoit envoyé l'Euchariftie fous la seule espece du pain, ce qui paroît indubitable par les circonftances du récit qu'en fait Eusebe. On trouve aufli dans la plus haute Antiquité la coutume établie parmi les Chrétiens d'emporter l'Euchariftie dans leurs maifons, où ils la confervoient avec révérence, pour la prendre en particulier quelques exemples de ceux qui la portoient en fecret aux Martyrs dans la prifon celui de Sainte Gorgonie & de S. Satyre: la coutume de l'envoyer aux Anachoretes, & dans le feptieme fiecle, l'exemple de l'Abbé Zozyme qui la porta dans le défert à Sainte Marie Egyptienne.

Vaines objections des Protestants.

pion.

George Calixte, fameux Théologien Luthérien, a prétendu répondre à à ces preuves par un Traité exprès imprimé à Helmftadt en 1640. C'est de cet ouvrage que les Proteftants du dernier fiecle ont tiré leurs principaux arguments, & quelques François qui ont écrit de nos jours n'ont fait que le copier. M. l'Evêque de Meaux en a fuffifamment montré la foibleffe, & avant lui Nihufius avoit ramaffé plufieurs mémoires dont la plupart lui avoient été fournis par Allatius, le P. Goar & d'autres Savants de ce temps-là, qui éclairciffent beaucoup la matiere. Tout ce que difent les Miniftres fe réduit à donner des interprétations du peu d'exemples qu'on trouve dans l'Antiquité pour les tourner à leur fens.

Exemple Ainfi quoiqu'Eufebe dife expreffément qu'on donna à un jeune garçon de Sera- petit-fils de Sérapion, une particule de l'Euchariftie, avec ordre de la détremper dans quelque liqueur afin que le vieillard pût l'avaler, les Miniftres entreprennent de prouver qu'il la reçut fous les deux efpeces. Il n'eft pas ici question de fubtilités ni de raifonnements, mais d'un fait Euf Hift. attefté par S. Denys d'Alexandrie dans fa lettre à Fabius, Evêque d'An1.6. c. 44 tioche, dont Eufebe rapporte les propres paroles, qui fe trouvent de Ed. Valef. même rapportées par Nicéphore. Sérapion étoit à l'extrêmité, & ne vouNiceph. lant pas mourir fans recevoir la Communion, de laquelle il avoit été privé pour avoir fuccombé dans la perfécution, il ordonna à fon petitfils d'aller chercher le Prêtre. Celui-ci étoit malade & il étoit nuit : & parce que Denys avoit ordonné qu'on accordât l'absolution à ceux qui

p. 200.

1. 6. c. 6.

fe trouveroient dans un péril preffant de mort, particuliérement à ceux Liv. VIII. qui l'auroient auparavant demandée avec inftance, comme avoit fait CH. II. Sérapion, le Prêtre donna une petite particule de l'Euchariftie à ce jeune garçon, lui ordonnant de la détremper, & de la verfer dans la bouche du vieillard.

quences

De ce récit de Denys d'Alexandrie on tire la vérité de plufieurs faits Conféqui ont rapport à la matiere présente ; d'autant plus qu'ils ne peuvent qu'on en s'accorder avec la difcipline, ni avec la créance des Proteftants. On re- tire. connoît d'abord que dans l'ancienne Eglife on regardoit la Communion des mourants comme néceffaire, ce qui eft affez prouvé d'ailleurs ; d'où il s'enfuit qu'on leur portoit les faints Myfteres, puifque des moribonds ne peuvent pas être tranfportés: qu'on ne célébroit pas plufieurs Meffes en ces temps-là, & que l'Office ordinaire étoit fi long, qu'un malade à l'extrémité n'auroit pu y affilter, & recevoir la Communion avec les autres fideles. Enfuite on voit que l'Euchariftie étoit réservée pour les malades, & il n'eft pas poffible d'en douter. Car ce jeune garçon alla trouver le Prêtre au milieu de la nuit, qui n'étoit pas un temps propre à célébrer la Liturgie pour confacrer ce qui devoit être envoyé à Sérapion. Ainfi la réservation de l'Euchariftie eft prouvée incontestablement par ces paroles & ce feul point de difcipline renverfe toute la doctrine des Protestants, qui ne peuvent dire autre chofe, finon que c'étoit un abus comme ils n'ont pas eu honte de le dire fur la Communion des enfants. En troisieme lieu on reconnoît certainement que ce qui fut envoyé à Sérapion étoit une particule du pain confacré, & βραχύτι τῆς εὐχαρισίας ne peut fignifier autre chofe. La preuve en eft dans les paroles qui fuivent, ȧroßgéžα xeλevσas, ordonnant de la détremper. On ne porta donc Traité de ἀποβρέξαι κελεύσας, pas en même temps l'efpece du vin, qui auroit fuffi pour cela fi la difcipline eût alors été femblable à celle qui fe pratiquoit dans les fiecles p. 26. 32. fuivants. Voilà donc un exemple certain de la Communion administrée fous une espece. Il est inutile de dire qu'on doit fuppofer que le tout est exprimé par la partie; car cette chicane ne peut avoir lieu, puifqu'il n'auroit pas été néceffaire de dire qu'il falloit détremper cette particule dans quelque liqueur, car S. Denys ne dit pas laquelle, quoique M. de Valois ait dit que ce fut avec de l'eau, fi une des parties étoit liquide comme eft le vin. Au contraire ceux qui examineroient les Ecrits des Anciens felon la bonne foi, reconnoîtroient que s'il y a une Synecdoche, c'est dans ce que le pain feul confacré eft appellé Euchariftie; c'està-dire, le corps & le fang de Jefus Chrift.

M. de

Meaux,

Protef

On peut auffi voir dans le Traité de M. l'Evêque de Meaux, que Ce que les nonobstant les défaites de Calixte, & des Miniftres qui ont écrit depuis tants ont

de la Vie

broife.

LIV. VIII lui, l'argument tiré de la vie de S. Ambroife a la même force; puifque CH. II. par le récit de Paulin, qui en est l'Auteur, il paroît que S. Honorat, Evêopposé à de Verceil, qui lui administra la Communion lorfqu'il étoit prêt de l'argu- que menttiré rendre l'efprit, ne lui donna que le pain facré, obtulit fanto Domini de S. Am. corpus. Or fuppofer, comme veut un de ces Miniftres, qu'en même temps il faut fous-entendre qu'on lui donna le calice, & faute de preuves se réduire à dire que S. Ambroife communia comme il put, n'est pas tant une réponse qu'un aveu fincere qu'on n'en a aucune bonne à faire. Car quoique nous ne fachions pas en détail la pratique de l'ancienne Eglife pour la Communion des malades, deux exemples comme celui de Sérapion & de S. Ambroife, fuffifent pour prouver qu'on la leur donnoit fous une espece; d'autant plus qu'on apprend d'ailleurs que les fideles l'emportoient ainfi dans leurs maifons. Sur ce fondement nous ne trouvons point de difficulté à entendre à la lettre les paffages de S. Denys d'Alexandrie & de Paulin, fans deviner ce que nous ne favons pas. Mais un Miniftre qui fans autre raifon que celle de fes préjugés, leur veut donner un fens tout contraire, & cela parce qu'il fuppofe qu'on n'a jamais donné le pain facré fans l'efpece du vin, ce qui est en question, peche autant contre la bonne Logique que contre la bonne foi.

Conféquences

tirées de

faits.

Ceux qui en auront, tireront au contraire des conféquences plus juftes de ces deux faits. 1°. Qu'il en résulte que dans les premiers fiecles on ces deux réfervoit l'Euchariftie pour de femblables occafions, & qu'on croyoit que ce qui en étoit ainfi réservé, n'étoit pas moins le corps & le fang de Jefus Chrift, que ce qui étoit reçu par les fideles dans l'Eglife à la fin de la Liturgie. Les Miniftres ne veulent pas faire la moindre réflexion fur ce fait, qui néanmoins est décifif pour la question de la présence réelle. Car fuivant leurs principes, quand on auroit porté les deux efpeces aux malades, ils ne recevoient pas plus le corps & le fang de Jesus Christ que s'ils n'en avoient reçu qu'une, puifqu'ils ne faifoient pas la Cene du Seigneur. 2°. Que ce qui fe pratiqua à l'égard de Sérapion n'étoit pas une chose extraordinaire, mais la pratique commune de l'Eglife d'Alexandrie, fuivie par un Prêtre, qui n'alla pas pour cela confulter fon Evêque. Donc quoique nous n'ayions pas dans I histoire plufieurs femblables exemples, nous fommes en droit de conclure, que ce qui fut fait à l'égard de Sérapion se pratiquoit tous les jours, finon que les Prêtres portoient eux-mêmes l'Euchariftie ou l'envoyoient par les Diacres, excepté dans les occafions auffi preffantes que celles-là. Nous ne trouvons pas dans l'hiftoire de la mort de plufieurs grands Saints, qu'ils aient reçu l'Euchariftie avant que de mourir; croira-t-on pour cela que ceux qui avoient ordonné dans les Conciles qu'on l'accordât, même à ceux qui étant en pénitence

en

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