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Autorité

d'Abulfa

grande.

LIV. VIII. Or ce qui a été cité touchant la discipline des Syriens Jacobites & des CH. II. Cophtes, eft d'une auffi grande antiquité que tout ce qui refte fur co fujet dans les livres grecs. Car le Nomocanon rédigé par Grégoire Abulrage fort farage a une entiere autorité dans l'Eglife Jacobite, non feulement parce que cet Ecrivain étoit confidéré parmi les fiens à caufe de fon savoir, & du grand nombre d'ouvrages qu'il a compofés de Théologie, de Droit Canonique, de Philofophie, d'Hiftoire & de Grammaire, mais auffi parce qu'il étoit Mofrian ou Catholique, résidant à Takrit en Méfopotamie, & par cette dignité il tenoit le fecond rang du Patriarchat Jacobite d'Antioche. Enfin ce n'eft pas un Auteur fort moderne, puifque comme on apprend par un Catalogue de fes ouvrages, il mourut l'an des Grecs Cod. Syr. 1597, qui répond à celui de Jefus Chrift 1285. De plus on reconnoît par la lecture des autres Auteurs, que les citations que fait Abulfarage font très-exactes, puifqu'on trouve les Réponses de Jacques d'Edeffe, de Jean Evêque de Telala, & divers Canons de Synodes tenus en Orient depuis les fchifmes, qu'il rapporte très-fidellement.

MS. Bibl.
Medic.

d'Edeffe.

MS. Syr.

Paffage de Le Traité de Jacques d'Edeffe eft par maniere de queftions & de Jacques réponses, faites par un Prêtre nommé Thadée : & dans l'article neuvieme il propose la difficulté en ces termes : Eft-il permis de donner une partiBib. Med. cule de l'Euchariftie à quiconque la demande pour l'emporter dans fa maifon, & le Prêtre la lui peut-il donner fans autre information, & sans savoir à qui il l'envoie? La peut-il aussi envoyer par des féculiers, & même par une femme? C'est qu'il s'eft trouvé des hommes, qui ayant emporté ainfi des particules facrées, en ont abufé & s'en font fervis pour les lier dans du parchemin & les pendre à leur cou, comme des préservatifs; ou les ont mifes fur leurs lits dans les fondements de leurs maisons; je demande fi cela peut se faire ou non, & quelle peine il faut impofer à ceux qui le font? Jacques d'Edeffe répond ainfi : A cause du crime de ceux qui ofent commettre de pareilles chofes, il faut examiner avec autant de foin qu'il fera poffible, ceux à qui on donne les facrés Myfteres, & favoir auparavant à qui on les envoie. Mais cela ne fe doit faire que dans une pressante nécessité, après s'en être informé très-exactement. Que s'il eft abfolument impoffible que cela foit fait par les Eccléfiaftiques, à cause de la trop grande multitude de peuple, fi après l'examen qui en aura été fait, ils ne peuvent pas porter l'Euchariftie eux-mêmes aux malades ou à d'autres auxquels il eft néceffaire de l'adminif trer, ils peuvent fans aucun fcrupule & fans aucun empêchement l'envoyer par des féculiers craignant Dieu, ou même par une femme vertueufe, fi cela eft poffible, felon l'ancienne coutume. Au refte il faut que les Eccléfiaftiques qui porteront l'Euchariftie le faffent avec la révérence qui eft due. Pour ceux qui commettent une aussi grande témérité à l'égard des Myfteres ado

rables du corps & du fang de Jefus Chrift Dieu, que de les regarder fim- Liv. VII. plement comme des ornements ordinaires, respectés parmi les Chrétiens, en CH, II. forte qu'ils les pendent à leur cou avec la croix ou avec des offements des Martyrs & d'autres chofes bénites, & les mettent dans les fondements de leurs maisons par maniere de préservatif, dans les vignes, dans les champs ou dans les jardins, afin de les préserver de quelque accident corporel, ne comprenant pas que ces faints Myfteres font la nourriture des ames de ceux qui portent le caractere de Jefus Chrift feulement, & qu'ils font le levain & le gage de la réfurrection & de la vie éternelle : fi donc ceux qui commettent un pareil abus font Eccléfiaftiques, il faut abfolument qu'ils foient dépofés, & outre cela ils feront privés de la Communion des faints Myfteres pendant trois années. S'ils font féculiers, ils feront quatre ans en pénitence fans approcher de la Communion.

Ces paroles que nous avons rapportées un peu au long nous apprennent plufieurs choses. Car premiérement on y reconnoît la difcipline d'envoyer la Communion aux malades, & par la fuite de tout le difcours, il paroît que ce n'étoit que fous l'efpece du pain. On l'a déja prouvé par d'autres paffages des mêmes Auteurs, dont nous parlerons encore dans la fuite, qui marquent la maniere de la porter; & c'étoit de la mettre dans du papier, dans un morceau de toile de coton, ou dans du pain ; & il est manifeste qu'on ne pouvoit pas pratiquer cela à l'égard du vin confacré, encore moins à l'égard du calice. Mais l'abus que condamne Jacques d'Edeffe le prouve encore plus clairement, puifqu'on ne pouvoit mettre que des particules facrées, & non aucune li queur, dans des manieres de reliquaires pour les porter fur foi. On reconnoît auffi même dans cet abus le grand respect que les Orientaux avoient pour l'Euchariftie; puifque ces fuperftitions, toutes blâmables qu'elles étoient, ne pouvoient venir dans l'efprit à ceux qui n'auroient pas cru la préfence réelle dans ce que l'Auteur appelle les Myfteres adorables,

Liv. VIII.
CH. III.

CHAPITRE

III.

Il n'y a eu

verfité de

cienne

Réflexions fur la difcipline obfervée en Orient & en Occident touchant la
Communion fous les deux efpeces.

LA pr

A premiere réflexion qui fe préfente à l'efprit de toutes les perfonnes aucune di- qui examineront attentivement la queftion de la Communion fous les doctrine deux efpeces, eft qu'il n'y a eu aucune diverfité de doctrine qui ait párdans l'an- tagé les Eglifes fur ce fujet, & qu'on est toujours convenu de part & d'auEglife fur tre que le Sacrement ne pouvoit être célébré que felon l'institution de ce fujet. Jefus Chrift; c'est-à-dire, en offrant & en confacrant également le pain & le vin; de forte que d'anciens Canons ont condamné quelques Prêtres qui ne recevoient pas l'un & l'autre. On a de même condamné ceux qui, par fuperftition ou par de mauvais principes, tels qu'étoient ceux des Manichéens, contre lefquels furent prononcés les Décrets de S. Léon & de Gelafe, ne vouloient pas recevoir le calice. L'Eglife en Occident auffi - bien qu'en Orient a confervé durant plufieurs fiecles aux Laïques la Communion fous les deux efpeces: elle fubfifte encore dans des Eglises très - anciennes, comme à S. Denys à l'égard du Diacre & du SousDiacre, & à Cluny pour tous ceux qui fervent à l'Autel dans les Meffes folemnelles, auffi- bien qu'à celle qui fe célebre pour le facre de nos Rois. Jamais l'Eglife Romaine n'a condamné cet ufage, fachant bien qu'en lui-même il eft conforme à l'inftitution de Jefus Chrift: & dans les derniers temps, elle a accordé aux Bohémiens l'ufage du calice, lorfqu'il paroiffoit que ceux qui le demandoient ne le faifoient pas à mauvaise intention, ni par efprit de fchifme. Enfin dans le dernier Concile général, en condamnant ceux qui fuppofant cet ufage abfolument néceffaire, prétendoient, comme font les Proteftants, que fans cela il n'y avoit point de Sacrement, elle a remis aux Papes le pouvoir d'accorder le calice à ceux auxquels il pourroit être accordé pour le bien de la paix, & à l'édification de l'Eglife.

L'Eglife

une difci

ticuliere,

Les Grecs, nonobftant toutes les conteftations qui ont enfin produit Grecque a le fchifme que le Concile de Florence ne put éteindre, ont confervé leur pline par- difcipline pour la Communion fous les deux efpeces en la maniere dont ils la donnent, quoiqu'elle foit éloignée de l'ancienne fimplicité; & les quelle on Théologiens de la Cour de Rome, fort attentifs jufques fur les moindres ne donne chofes, & qui ne pardonnoient rien aux Grecs, ne formerent aucune pas le calice à tous. objection fur cet ufage. La réunion fe fit fans que le Pape entreprît d'y donner atteinte; les Grecs réunis l'ont confervé en Grece & en Italie fans

fuivant la

aucune

aucune oppofition, & par conféquent l'Eglife Romaine ne le condamne Liv. VII. pas. On a auffi une preuve certaine de fon approbation, dans la conduite CH. III. qu'elle a tenue à l'égard des Maronites & de quelques autres Chrétiens Orientaux, qui, lorsqu'ils fe font réunis, ont confervé fans aucun fcrupule leur pratique ancienne, parce qu'elle n'étoit fondée fur aucune opinion particuliere femblable à celles des Proteftants, qu'une condefcendance inutile, telle qu'a été celle qu'on eut à l'égard des Bohémiens, auroit pu autorifer.

a cru

l'Eucha

ad Comm.

Les paffages qui ont été rapportés dans les Chapitres précédents L'ancien prouvent d'une maniere convaincante, que l'ancienne Eglife confervant ne Eglife la Communion fous les deux efpeces, l'a donnée en plufieurs occafions qu'on refous une feule: & quoique l'ufage commun fût de la donner fous les cevoit deux, on ne laiffoit pas de croire que le corps de Jefus Chrift étoit véri- riftie fous tablement fous la feule efpece du pain, en forte qu'on n'a jamais douté que une feule efpece. celui qui la recevoit ne reçût véritablement le corps, & par conféquent le fang de Jefus Chrift; en un mot ce que les anciens Commentateurs des Offices Eccléfiaftiques appellent legitima Euchariftia. Les Grecs croient la même chofe, ce qui fe prouve par des exemples qui ont été rapportés; & les Orientaux, particuliérement les Jacobites, n'ont pas eu d'autre opinion, puifque par leur Confeffion de foi, ils reconnoiffent que dans l'Euchariftie eft le corps vivant & vivifiant de Jefus Chrift, Lit. Copt. dans lequel, par une conféquence néceffaire, on doit supposer la présence réelle du fang; & c'est ce que les Théologiens appellent concomitance. Les Orientaux donnent la Communion aux malades & aux enfants fous une feule efpece, & ils croient cependant qu'ils donnent en cette maniere le corps & le fang de Jefus Chrift. Quand ils recommandent aux Prêtres toutes les précautions imaginables, afin que la moindre particule de l'Euchariftie ne tombe pas à terre, & qu'elle ne foit pas profanée, la raison qu'ils alleguent eft, que c'eft le corps & le fang de Jefus Chrift. Lorfque le Célébrant, fuivant la difcipline de l'Eglife Cophte, fait faire au peuple, & en particulier à ceux qui vont recevoir la Communion, cette fameuse Confeffion fur la préfence réelle que nous avons donnée ailleurs, Tom.4. & qui eft marquée dans toutes leurs Liturgies, il ne tient fur la patene ou le difque qu'une particule du pain confacré : de même que lorsqu'on fait prononcer cette même Confeflion aux Prêtres & aux Evêques dans leur Ordination, on leur met dans leur main une particule. Cependant ils difent que c'est - là le corps & le fang d'Emanuel notre Dieu, & le reste. Il est donc certain que les Grecs & les Orientaux croient que dans chaque efpece, indépendamment de l'autre, eft le corps & le fang de Jefus Chrift, Perpétuité de la Foi. Tome V. Ttt

Lrv. VIII. en quoi ils s'accordent avec l'Eglife Romaine: d'où il s'enfuit que cette CH. III. difcipline particuliere pour la Communion des malades, les précautions pour conferver décemment l'Euchariftie & pour en prévenir la profanation, & les autres points qui ont été marqués, étant auffi anciens que les fchifmes, furpaffent de plufieurs fiecles les époques que les Protestants ont voulu établir, tant pour la doctrine de la préfence réelle, que pour le retranchement du calice à l'égard des Laïques. Ce n'eft donc point la créance de la présence réelle qui a fait retrancher le calice, puisqu'on l'a retranché aux malades & aux enfants en Orient long-temps auparavant fans la moindre contradiction: & ce n'eft pas ce retranchement qui a produit toutes les précautions pour conferver l'Euchariftie avec respect, puifqu'elles fe trouvent même parmi ceux qui ont confervé la Communion fous les deux efpeces.

LesProtef

peuvent

tirer au

Suppofant donc la vérité de ces faits, qui a été fuffifamment établie tants ne ailleurs, on a peine à comprendre ce que les Proteftants prétendent tirer de la difcipline des Orientaux, pour favorifer ce qu'on enfeigne dans la cun avan- Réforme touchant la néceffité abfolue du calice. Car pour commencer tage de la difcipline par les Grecs, il n'y a aucune reffemblance dans la maniere dont ils des Orien- adminiftrent l'efpece du vin, & celle dont on la reçoit dans toutes les

taux.

Eglifes Proteftantes. Les Prêtres reçoivent le calice parmi les Grecs lorfqu'ils communient à la Liturgie célébrée par d'autres la même chofe s'observe en plufieurs Cathédrales, à Cluny & à S. Denys à l'égard de ceux qui fervent à l'Autel. Dira-t-on que les Grecs ont retranché le fang de Jefus Chrift aux Laïques, parce qu'ils ne leur donnent pas le calice. On le doit dire néceffairement dans les principes des Proteftants, qui ne croyant pas que l'on reçoive le corps de Jefus Chrift que dans la réception actuelle des efpeces, & rejettant le dogme & le terme de concomitance, ne doivent recevoir le fang qu'en buvant le calice. Or ce n'est pas boire le calice, ni-obferver l'inftitution de Jefus Chrift, que de recevoir dans une cuiller une miette confacrée & trempée dans le calice. Car dans le calice des Proteftants, s'ils ne renoncent à leurs principes, il n'y a que du vin qui n'eft pas devenu le fang de Jefus Chrift, puisqu'il ne le devient que par la réception actuelle On ne joint donc pas le corps au fang de Jefus Chrift comme les Grecs croient, en faifant l'intinction du pain dans le calice, puifqu'alors ni le pain ni le vin ne font pas fon corps ni fon fang. Auffi la Réforme a fupprimé cette cérémonie felon qu'elle est pratiquée dans l'Eglife Latine, & ne connoît pas celle n'eft pas de l'Eglife Grecque.

La maniere des Grecs

felon l'inf titution

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Aucun Proteftant n'a encore entrepris de prouver que la maniere dont de Jefus les Grecs & les Orientaux donnent la Communión aux Laïques, foit

Christ.

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