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LIV. VIII. les deux efpeces: nous en convenons, & l'Eglife Romaine condamne CH. III. fi peu cette pratique, qu'elle a confervé l'union avec tous les Orientaux

Ils ne

s'en fervir

ques.

qui l'obfervent, & n'a jamais obligé ceux qui se réuniffent à la changer. Il falloit reconnoître en même temps que cette regle n'étoit pas fi générale ni fi abfolue, qu'elle n'eût fes exceptions à l'égard des malades, des enfants, des Anachoretes, & de ceux qui communioient en particulier dans leurs maifons, ce qui faifoit un grand nombre. Il s'enfuivoit donc qu'alors l'Eglife croyoit qu'on recevoit l'Euchariftie entiere sous une feule efpece; car il ne fe trouvera pas que perfonne dans l'Antiquité en ait jamais douté. S. Cyprien, Denys d'Alexandrie, Eusebe & tous les autres n'en ont fait aucun doute; mais quand on ajoute qu'il vaut mieux fuivre le jugement de Jefus Chrift & l'exemple des Apôtres, on reconnoît affez que les Proteftants condamnent ce que ces grands Saints approuvoient & pratiquoient; d'autant plus que jamais on n'a rien observé de pareil dans la Réforme, & qu'on l'y regarderoit comme un grand abus. De même il s'enfuit qu'on réservoit autrefois l'Euchariftie, & que les particules qui étoient réservées étoient regardées comme le corps de Jefus Chrift: qu'elles faifoient des miracles: qu'on regardoit comme un facrilege de les laiffer profaner, perdre ou corrompre : que les fideles qui s'en fervoient pour communier en particulier, ne prétendoient pas que par la foi avec laquelle ils les recevoient, elles devinffent le corps de Jefus Chrift; mais qu'elles l'étoient par la confécration qui s'étoit faite fur les Autels. Sans cette perfuafion ils ne les auroient pas prifes dans l'Eglife de la main des Prêtres: chacun pouvoit prendre du pain & du vin chez foi, & faire un acte de foi. Alors on n'auroit pas eu befoin d'aller au milieu de la nuit chercher un Prêtre, pour donner une particule de l'Euchariftie à Sérapion, ni de réserver durant plufieurs jours celles qu'on emportoit pour la Communion domestique, ni de prendre toutes les précautions qui ont été marquées ci-devant, & dans le quatrieme Tome de la Perpétuité.

Tous ces articles importants qui font connoître non feulement la difpeuvent cipline, mais la créance de l'ancienne Eglife, font paffés légérement par contre les les Proteftants, qui néanmoins ne peuvent s'en fervir contre les CathoCatholi- liques, auxquels on ne peut rien reprocher, finon d'avoir fait une loi générale dans les derniers temps, d'une loi particuliere confirmée par la pratique de toute l'Eglife. Mais ceux-ci objectent avec beaucoup plus de raison, que les Proteftants croient qu'il n'y a point de Sacrement fi on retranche le calice, ce que l'Eglife ancienne n'a jamais cru; que c'est une superstition groffiere que de réserver l'Euchariftie, auffi ont-ils aboli cette coutume, ainfi que celle de donner la Communion aux mourants, quoi

qu'établic

qu'établie dans les fiecles les plus floriffants de l'Eglife; qu'ils regardent de LIV. VII. la même maniere l'union des deux efpeces, foit celle qui fe fait dans CH. IV. toutes les Liturgies latines, grecques ou orientales; foit celle qui eft particuliere aux Grecs, lorfqu'ils trempent une particule dans le calice pour la Communion des malades: enfin celle qui fe faifoit autrefois en plufieurs Eglifes Latines, approuvée par les uns, & contestée, ou même condamnée par les autres. Les Proteftants ne peuvent nier que ces pratiques ne foient fondées fur l'opinion du changement réel, & elle a pareillement produit toutes les précautions pour éviter la profanation de l'Euchariftie; & c'est auffi, felon eux, ce qui a donné lieu au retranchement du calice des Laïques.

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Des conféquences qu'on peut tirer des Chapitres précédents.

Ceux qui chercheroient la vérité de bonne foi, ne pouvant difcon- Vérités

tes qu'on

venir des faits qui ont été rapportés, reconnus vrais par les plus habiles importanMiniftres, & qu'il ne feroit pas difficile de prouver à ceux qui voudroient en doit tiles contefter, reconnoîtroient plufieurs vérités importantes. I. Que tout rer. ce qu'ils tirent de l'ancienne difcipline pour attaquer la doctrine & l'ufage préfent de l'Eglife Catholique, ne prouve rien, finon qu'on donnoit autrefois ordinairement la Communion fous les deux efpeces, mais qu'on la donnoit souvent fous une feule; d'où il s'enfuit, que ce n'est pas détruire l'effence du Sacrement que de l'adminiftrer de cette maniere. II. Que comme en ces occafions, qui étoient plus fréquentes qu'ils ne l'avouent, on retranchoit le calice, ce retranchement eft plus ancien de plufieurs fiecles que le fyftême des Miniftres touchant le changement qu'ils fuppofent, pour établir l'opinion de la préfence réelle. III. Que puifqu'ils reconnoiffent qu'une des raifons qui a fait retrancher le calice a été la crainte de l'effufion, & une des fuites de la précaution qu'on a eue pour éviter la profanation de l'Euchariftie, ils font obligés d'avouer que le retranchement du calice est moins ancien que ce respect religieux pour ce Sacrement. Et comme on trouve ce refpect & ces précautions dans les premiers fiecles du Chriftianifme, il s'enfuit nécessairement que la présence réelle étoit crue long-temps avant toutes les époques d'Aubertin & de M. Claude. IV. Que puifqu'on l'a retranché dans quelques occafions, & qu'on ne doutoit pas néanmoins que ceux qui recevoient Perpétuité de la Foi. Tome V.

V v v

LIV. VIII. une feule efpece ne reçuffent l'Euchariftie; c'est-à-dire, le corps & le CH. IV. fang de Jefus Chrift, comme on ne peut pas douter que S. Denys d'Alexandrie ne le crût de la Communion de Sérapion, & S. Bafile de celle des Anachoretes & des autres dont il parle; il falloit que l'opinion de la concomitance fût déja établie, & par conféquent celle de la présence réelle ce qui renverfe tous les raifonnements des Miniftres, qui la font naître dans le dixieme & le onzieme fiecle. V. Que puifque les Orientaux féparés de l'Eglife depuis le cinquieme & le fixieme frecle, donnent de même la Communion fous une efpece aux malades & aux enfants, qu'il faut que cet ufage foit plus ancien que leurs fchifmes, puifque la conformité de leur difcipline avec l'ancienne, prouve qu'ils l'ont prife avec les autres cérémonies dans l'Eglife dont ils font fortis. VI. Enfin ils devroient reconnoître que comme aucune des pratiques anciennes, dont on trouve des marques certaines dans l'Antiquité, ne peut convenir avec leurs principes, & que par cette raifon ils les ont toutes retranchées, il eft impoffible que leur créance foit conforme à celle de l'ancienne Eglife.

Qu'ils ne

tirer au

ment de

laCommu

nion par

intinction.

C'est ce qu'on leur peut faire voir d'une maniere fort claire dans la peuvent coutume qui a fubfifté autrefois en plufieurs Eglifes de donner la Comcun argu- munion par intinction, & qui dure encore parmi les Grecs & prefque tous les Orientaux. Elle ne peut convenir avec la créance de ceux qui ne croient pas le changement réel & fubftantiel; mais feulement que dans la réception des fymboles du pain & du vin, on reçoit en même temps le corps & le fang de Jefus Chrift, qui eft rendu préfent par la foi des Communiants, & non pas par la confécration de ces mêmes fymboles. L'union des deux efpeces qui fe fait avant la Communion dans l'Eglife Latine, auffi-bien que dans les Eglifes Orientales, a des fignifications myftiques, que rapporten les Commentateurs des Rites, dont aucune ne peut convenir à la Cene des Proteftants. Le mêlange par l'intinction d'une particule dans le calice, avoit donné lieu à la Communion appellée intincta, que diverfes Eglifes ont pratiquée, croyant qu'elle fuffifoit pour conferver les deux parties fymboliques du Sacrement, c'est-à-dire, le pain & le vin; ce qui n'étoit pas difficile à perfuader à ceux qui croyoient déja qu'on recevoit le corps & le fang de Jefus Chrift également fous une ou fous deux efpeces, comme on a fuffifamment prouvé ailleurs que tous le croyoient alors. Cependant parce que cette maniere de donner la Communion ne paroiffoit pas entiérement conforme à l'inftitution de Jefus Chrift, elle n'étoit pas généralement approuvée, non pas à caufe qu'elle fuppofoit la préfence réelle, ni à caufe qu'elle étoit fondée en partie fur la crainte de l'effufion du calice, qui la suppose néceffaire

ment. Cependant comme les Miniftres s'imaginent avoir prouvé que ces Liv. VIII. précautions étoient ignorées avant que le dogme de la Tranffubftantia. CH. IV. tion fût établi, & qu'ils fixent cet établissement au dixieme & à l'onzieme fiecle, lorfqu'on leur fait voir cette même attention dans le troifieme & dans le quatrieme, & qu'ils trouvent la Communion par intinction pratiquée long-temps avant toutes leurs époques, il faut, pour foutenir leur fyftême, en former de nouveaux par rapport à cette cérémonie, dont il eft aifé de reconnoître les conféquences.

7. P. 334.

C'est pourquoi ils l'attaquent, quoiqu'ils avouent qu'elle eft fort an- Voffius fe cienne, prétendant que dans le quatrieme fiecle elle s'étoit introduite en trompefur ce fujet. quelques endroits, mais qu'elle fut Supprimée par l'autorité du Pape Jules vers l'an 440. Qu'enfuite on recommença à la mettre en ufage, particuliérement vers l'an 900, parce que le dogme de la Tranffubftantiation s'étoit déja infinué dans l'Eglife, & qu'on recommença à donner la Communion par intinction, pour éviter, comme on difoit, le péril de Leffufion. C'eft-là le raifonnement de Voffius, qui eft entiérement détruit par ce Voff. Difp. que nous trouvons de plus certain dans l'Antiquité. Car fans parler de 23. Theff. ce qu'il fuppofe, que la Communion étoit donnée de cette maniere aux enfants & aux malades dès le temps de S. Cyprien, ce qui mettroit cet usage hors de tout foupçon, les Neftoriens & les Jacobites le pratiquent depuis le Concile d'Ephefe & le Concile de Calcédoine, fans que les Catholiques leur en aient fait de reproche. De plus, la lettre du Pape De Conf. Jules I aux Evêques d'Egypte, d'où eft tiré le paffage rapporté par Gra- Dift. 2. tien, eft fuppofée, & les paroles font du quatrieme Concile de Braga, tenu vers l'an 676. Il n'est pas vrai non plus que cet ufage fut fupprimé par le Pape Jules, qui n'y a jamais penfé, puifque plus deux cents ans après il fubfiftoit en Espagne, & que ce Concile ne l'approuva pas. Mais un autre de Tours cité par Burchard le juftifie, & cependant la Burchard. Tranffubftantiation n'étoit pas encore connue, fi on veut croire les Cal-SC. 9. Regino. viniftes. Les conteftations qu'il y eut fur cette maniere de donner la 1. 1. c. 70. Communion ne troublerent pas la paix de l'Eglife, comme encore préfentement elle ne trouble pas l'union avec les Grecs & les Orientaux réunis à l'Eglife Romaine. I eft donc aifé de comprendre que les Protestants ne fe fervent de l'argument qu'ils tirent de la contradiction que trouverent ceux qui donnoient la Communion par intinction, que pour tâcher de faire croire que ceux qui la combattoient, foutenoient que la Communion fous les deux efpeces étoit abfolument néceffaire, en sorte qu'autrement il n'y auroit pas eu de Sacrement; ce qu'aucun d'eux n'a jamais dit, & ce que les Proteftants doivent dire.

V v v 2

Liv. VIII.

combat

& ceux

avoient

Quand on a difputé fur ce fujet dans le douzieme fiecle, une des raiCH. IV. fons qu'alléguoit Ernulfe Evêque de Rochester, pour foutenir l'ufage de Ceux qui la Communion par intinction, étoit la crainte de répandre quelque chofe toient l'in- du calice. C'eft, difent les Proteftants, que la Tranffubftantiation étoit alors tinction, établie ; & cependant ceux qui prétendoient qu'on devoit donner le caqui la fou- lice, ne rejetoient pas cette raifon comme frivole, ainfi que font les tenoient, Miniftres qui ont traité cette matiere. Ces Auteurs en conviennent, mais les mêmes ils répondent qu'on doit éviter ce péril avec beaucoup d'attention; de principes forte que ceux qui donnoient le calice, auffi - bien que ceux qui ne le donnoient pas, regardoient comme un malheur & comme un grand péché, fi par la négligence des Prêtres ou des Diacres l'Eucharistie tomboit à terre. Ce n'est donc point une nouvelle opinion née dans le dixieme fiecle, qui a produit ces précautions & le retranchement du calice; puifque long-temps auparavant on trouve dans les Pénitentaux Latins & Grecs, les peines canoniques impofées à ceux par la faute defquels Perp. T. 4. cette profanation feroit arrivée, & que dès les premiers fiecles elle étoit regardée avec horreur, comme on l'a prouvé ailleurs.

& la mê

me prati

que.
Ernulf.

Roff. fpic.
Tom. 2.
P. 432.

port à

nions.

Les Protef Il est donc aifé de conclure de tout ce qui a été dit, que les Protants n'en testants ne peuvent tirer aucun avantage de l'ufage de l'ancienne Eglife, peuvent rien tirer ni de celui des Eglifes Orientales, pour juftifier leurs opinions, & encore qui aitrap- moins leur difcipline. Ils croient que le calice eft abfolument nécessaire leurs opi- par l'inftitution de Jefus Chrift, auffi- bien que par l'analogie du Sacrement, & ils ne donnent pas la Communion autrement; les Grecs & les Orientaux ne donnent depuis plufieurs fiecles le calice qu'aux Prêtres. De plus, ils croient fi peu que l'adminiftration du calice foit abfolument néceffaire, qu'ils communient les malades & les enfants fous une feule espece. Les Grecs ne fuppléent pas à ce défaut, s'il eft effentiel jusqu'à détruire le Sacrement; puifque la pratique de donner avec une cuiller une petite particule trempée dans l'efpece du vin, encore moins celle de donner à un enfant la cuiller à fucer, ou tui mettre le doigt dans la bouche, n'eft pas donner le calice du Seigneur. Ceux qui reçoivent la Communion de cette maniere ne boivent point, non plus que les malades, auxquels on préfente une particule qui a été imbibée du vin confacré plufieurs mois auparavant, & dans laquelle il peut tout au plus refter quelque odeur imperceptible du vin. Les Orientaux, qui donnent fimplement le pain confacré, croient cependant auffi-bien que les Grecs, que ceux qui reçoivent la Communion de cette maniere, reçoivent le réglé fa corps & le fang de Jefus Chrift. Ils font donc tous fort éloignés dé la difcipline créance de Proteftants.

L'Eglife a

fur la Tra

dition.

Les anciens Latins & Grecs ont réglé leur discipline dans l'adminiftra

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