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LIV. VIII. favoir fi Sainte Gorgonie faifoit bien ou mal; mais fi elle avoit porté l'EuCH. IV. charistie dans fa maison; ce qu'on ne peut pas contester, puisque c'étoit l'ufage de ces fiecles-là.

Autre ob

jection. Hier. de

Vir. Illuft.

Après cela les Miniftres fe donnent beaucoup de peine pour prouver que les premiers Chétiens emportoient les deux efpeces, parce que S. Jérôme a dit de S. Exupere Evêque de Toulouse, qu'ayant vendu les vafes facrés pour foulager les pauvres, il portoit le corps de Jefus Chrift dans un panier, & fon fang dans un verre : & fur ce que S. Justin marque dans fon Apologie, qu'on portoit le pain & le vin aux abfents. On conviendra fans peine qu'il est très-poffible que lorfqu'on a pu dans les commencements porter les deux efpeces on l'a fait, fuivant la premiere inftitution. Mais comme nous trouvons dans les fiecles fuivants des preuves certaines que les fideles n'emportoient que l'efpece du pain, ce n'est pas deviner que de dire que la même pratique peut avoir été en ufage dans les premiers temps; au lieu que les Protestants devinent lorsqu'ils difent que Sérapion reçut les deux efpeces, que Sainte Gorgonie les employa toutes deux, que dans l'exemple tiré de S. Cyprien touchant cet enfant qui rejeta Fehlav.Ib. l'Euchariftie, le Diacre fe trompa, croyant qu'on lui avoit donné le pain. Il n'eft pas permis de deviner fur de pareilles matieres, & encore moins de décider fur des conjectures en l'air, quand elles ne font appuyées d'aucunes preuves, & encore plus lorfqu'elles font détruites par la discipline des fiecles fuivants.

tés, elles

S'il y a C'est fur cette difcipline que les Catholiques s'appuyent, parce qu'ils quelques trouvent dès le quatrieme fiecle que l'Euchariftie étoit réservée dans une difficul- colombe mife fur l'Autel, & certainement on n'y pouvoit pas mettre le font expli- calice: qu'il y a diverfes circonftances dans les Auteurs anciens qui marquées par la difcipli- quent l'ufage de ces vafes où l'Euchariftie étoit mife & leurs différents ne des fie- noms: au lieu qu'on n'en trouve aucun pour réserver l'efpece du vin,

cles fui

vants.

ni aucun exemple dans les anciens Auteurs, qui marque clairement la coutume de le réferver: qu'on voit qu'il étoit abfolument impoffible de conferver du vin en petite quantité pendant long-temps, ou de le tranf porter au loin, comme on auroit dû faire à l'égard des Anachoretes : ce qu'il eût été difficile d'accorder avec la grande attention qu'on avoit pour prévenir la profanation de l'Eucharistie. Lorsqu'on vient aux fiecles fuivants, on voit que les Grecs changerent la coutume de donner le calice aux Laïques & les communierent avec une cuiller, leur donnant une particule trempée, & marquant pour principale raison de ce changement de difcipline le péril de l'effufion du fang précieux. Que les Miniftres attaquent cette raifon tant qu'ils voudront, ils ne peuvent nier qu'elle ne fût reçue généralement dès le quatrieme fiecle: & quand on n'en auroit

pas des preuves auffi certaines que celles qui fe tirent d'Optat, de S. Atha- Liv. VIII. nafe & de S. Jean Chryfoftome, puifque toutes les Eglifes Orthodoxes, CH. IV. hérétiques ou fchifmatiques, ont établi & obfervé la difcipline qui fubfifte jufqu'à nos jours, & qui ne peut avoir lieu finon fur ce même principe, il faut néceffairement qu'il ait été cru & reçu dans la primitive Eglife. Nous concluons de-là, que puifqu'on a craint & évité la profanation dans les premiers fiecles du Chriftianifme, on a pu prendre les mêmes précautions qui ont été prifes dans la fuite pour l'éviter : & comme une des principales a été de prévenir l'effufioni du fang précieux, qui a fait qu'en Orient on a retranché le calice aux Laïques, fur ce principe on n'a pas donné les deux efpeces aux fideles pour la Communion domeftique.

voie l'ori

De plus, quand on examine de pareilles questions qui regardent des Une difcifaits anciens dont on n'a pas une entiere connoiffance, il n'y a aucune blie fans pline étatémérité à supposer qu'une difcipline qui se trouve établie depuis plufieurs qu'on en fiecles fans opposition, est la même que celle qui étoit observée dans gine,porte les premiers temps, ou au moins qu'elle y eft fort femblable. On voit une preuque les Grecs dès le quatrieme fiecle ne donnoient pas le calice aux ma- ve d'antiquité. lades, & qu'ils gardoient des particules facrées, comme ils font encore préfentement. Il eft donc très-probable que cet ufage étoit l'ancien, puifqu'il s'eft établi fans difpute & fans contradiction; & on ne peut lui donner moins d'antiquité que le temps du Concile d'Ephese & de celui de Calcédoine, puifque les Neftoriens & les Jacobites l'ont confervé jusqu'à ce temps-ci. Les Grecs ajoutent une cérémonie que les autres ne pratiquent pas, & qui confifte à imbiber les particules réservées pour les malades avec l'efpece du vin & les fécher extrêmement, afin de pouvoir dire qu'ils donnent les deux efpeces. Il est difficile de marquer le commencement de cette coutume; & ce qui peut faire croire qu'elle n'est pas de la premiere antiquité eft, que les autres Chrétiens ne la connoissent pas. Mais que les Proteftants fuppofent, s'ils veulent, avec Melece Piga, que cette intinction eft néceffaire pour conferver l'analogie du Sacrement, ils ne peuvent felon leurs principes en tirer aucun avantage, puisqu'il faut l'abandonner ou reconnoître comme lui la concomitance. Car il est contre toute raifon de vouloir fe fervir du témoignage d'un Auteur, ne prenant qu'une partie de ce qu'il dit & abandonnant l'autre. Dès qu'on reconnoît la concomitance la question eft finie: & quelle que puiffe être la discipline elle ne change pas la doctrine.

Sur ce principe, quelque fatigue que fe donnent ces Théologiens Luthériens, pour prouver par l'exemple des Grecs & des autres Chrétiens d'Orient la néceffité des deux efpeces, ces preuves deviennent inutiles,

LIV. VIII. dès qu'elles ne peuvent s'accommoder au fyftême général de la créance CH. V. des Proteftants. Il ne s'agit pas de cérémonies, qui ont pu changer; mais de la foi qui s'eft toujours maintenue en Orient comme en Occident, & c'est celle de la préfence réelle. Elle produit naturellement les précautions qui fe font pratiquées dans toutes les Eglifes pour empêcher la profanation de l'Euchariftie: c'est de-là qu'est venu l'usage de la cuiller parmi les Grecs, celui du chalumeau d'or ou d'argent dans l'Eglife Latine, le linge appellé Dominicale, les boîtes d'or, d'argent ou d'yvoire, les colombes & ainfi du refte.. Jamais Société Proteftante ne s'eft avifée de rien de pareil; les plus raisonnables s'étant réduits à la propreté, qui même a paru fuperftitieuse à quelques zélés Presbytériens. Il eft inutile de prouver qu'on réservoit les deux efpeces, puisqu'elles n'étoient rien moins que le corps & le fang de Jefus Chrift felon leurs principes. Enfin quand tout ce que ces Auteurs difent fur les exemples tirés de l'Antiquité feroit auffi vrai qu'il est faux ou incertain, pour le moins ils n'ont rien à opposer à la pratique des Eglifes Orientales, qui eft auffi contraire à leur créance & à leur difcipline qu'elle eft conforme à ce que croit & pratique l'Eglife Catholique.

Différen

timents

CEt

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Et article, qui comprend la queftion touchant le Purgatoire, eft un ce de fen- de ceux fur lequel les Proteftants s'étendent volontiers, à caufe de la difentre les pute qu'il y a fur ce fujet entre les Latins & les Grecs, de forte que nous ne pouvons pas dire que l'Eglife Grecque s'accorde avec la Latine fur fur le Pur- ce point de doctrine, comme fur la plupart des autres que les premiers gatoire. Réformateurs ont pris pour prétexte de leur féparation. L'animofité avec

Grecs & les Latins

laquelle les Théologiens ont difputé fur cette matiere a fait qu'on s'eft reproché de part & d'autre plufieurs erreurs fans aucun fondement; & les Proteftants ne cherchant qu'à embrouiller la difpute, fe font contentés. de dire que les Grecs ne croyoient point le Purgatoire, & que par conféquent fur cet article ils étoient d'accord avec eux. Les Compilateurs de Catalogues d'héréfies & de femblables Auteurs qui ont ramaffé fans. beaucoup de difcernement tout ce qu'ils ont trouvé fur les Grecs & fur les Orientaux, n'ont pas manqué de relever cette erreur comme une des plus capitales. En cela ils avoient quelque raifon, puifque ce fut un des articles fur lefquels on difputa dans le Concile de Florence, & fur lequel

y eut une décifion inférée dans l'Acte de Réunion, & qu'il fut attaqué Liv. VIII. depuis le retour des Grecs par ceux qui perfifterent dans le fchifme, CH. V. entr'autres par Gennadius. Mais ces Auteurs n'avoient pas raifon de repréfenter l'opinion des Grecs comme femblable à celle des Proteftants, puifqu'elle eft fondée fur un principe tout différent.

Grecs &

par les La

Les Grecs conviennent avec les Latins fur la difcipline auffi ancienne, La priere que l'Eglife, de prier pour les morts & de faire mémoire d'eux dans la pour les morts égaLiturgie, & il n'y a eu jamais fur cela aucune difpute, puifque la pratique lement redes deux Eglifes eft conforme & n'a point varié. C'est-là l'article effen- que par les tiel; & comme les Proteftants le rejettent, ils ne peuvent dire qu'ils foient d'accord avec les Grecs, qui cependant ne reçoivent pas la doctrine du tins. Purgatoire, telle que l'enfeignent communément les Théologiens Latins. Les Proteftants rebattent continuellement, que l'opinion du Purgatoire a été introduite par des vues d'intérêt, afin que les peuples fur cette perfuafion fiffent dire des Meffes & diftribuaffent des aumônes, qui tournoient au profit des Eccléfiaftiques. H eft donc manifefte que ces deux motifs n'ont rien de commun, puifque les Grecs ont les mêmes pratiques, & qu'ils y en ont ajouté plufieurs inconnues dans les premiers fiecles fans néanmoins croire le Purgatoire. C'eft donc un véritable fophifme, que de vouloir prendre une partie de la propofition dogmatique qui fait le fondement de la queftion pour s'en prévaloir, fans faire mention de l'autre, quoique la plus effentielle. Or il n'y a perfonne qui ne convienne, que ce qu'il y a de principal dans ce point de controverfe eft, de favoir fi l'Eglife Catholique eft tombée dans l'erreur & dans la fuperstition en faisant des prieres, & célébrant des Meffes pour ceux qui avoient fini leur vie dans fa Communion; ou fi cette pratique eft felon l'esprit de l'ancienne Eglife. La feconde partie de la question, qui eft de favoir s'il y a un lieu où les ames, qui n'ont pas encore expié entiérement leurs péchés, fouffrent des peines qui finiront, & dans lefquelles les prieres de l'Eglife leur procurent du foulagement, n'eft pas du même genre, fur-tout lorsqu'elle est mêlée de plufieurs queftions incidentes, telles que font celles que les Grecs ont fait naître fur cette matiere.

des Catho

liques.

La doctrine de l'Eglife Catholique expliquée par le dernier Concile Doctrine cuménique eft fort fimple. Il avoit été dit dans les premieres Seffions, qu'il falloit croire fous peine d'anathême, qu'après (a) la grace de juftification reque, la coulpe, par laquelle le pénitent avoit mérité les peines éternelles,

(a) Si quis poft acceptam juftificationis Gratiam cuilibet peccatori pœnitenti, ita culpam remitti & reatum æternæ pœnæ deleri dixerit, ut nullus remaneat reatus pœnæ temporalis exolvendæ vel in hoc fæculo vel in Purgatorio, antequam ad regna cœlorum aditus patere poflit anathema fit. Conc. Trid. feff. 6. c. 30.

LIV. VIII. n'étoit pas tellement remife qu'il ne reftat quelques peines temporelles à foufCH. V. 1. frir en ce monde ou en l'autre dans le Purgatoire, avant que d'entrer dans le Royaume des Cieux. Enfuite dans la Seffion vingt-cinquieme il est dit, que comme l'Eglife Catholique inftruite par le Saint Esprit, fuivant la doctrine fondée sur les Saintes Ecritures & fur l'ancienne Tradition, a enseigné dans les facrés Conciles, & depuis peu dans ce dernier, qu'il y avoit un Purgatoire, & que les ames qui y étoient détenues recevoient du foulagement par les fuffrages des fideles, particuliérement par le Sacrifice de l'Autel, le Saint Concile ordonne aux Evêques, qu'ils aient foin que la faine doctrine touchant le Purgatoire qui a été enseignée par la Tradition des Saints Peres &des Conciles, foit crue, reçue, enfeignée & prêchée par-tout aux fideles. Qu'en même temps on retranche des Sermons qui fe font au peuple, les queftions plus fubtiles & plus difficiles, qui ne font d'aucune édification & qui ordinairement ne fervent pas à augmenter la piété. Que les Evêques ne permettent pas qu'on publie & qu'on traite dans les Sermons les chofes incertaines & qui paroissent fausses: enfin qu'ils défendent comme scandaleux & capable de nuire aux fideles, tout ce qui peut avoir rapport à la curiofité, à la fuperftition & à un intérêt fordide. Telle eft la fage doctrine du Concile de Trente, fuivant laquelle il n'y auroit aucune difpute avec les Grecs, s'ils n'avoient pas expliqué très - infidellement ce que nous croyons touchant le Purgatoire, pour avoir matiere de difputer & de rendre les Latins odieux fur cet article, comme fur plufieurs autres. Car lorfqu'on l'examinera sans prévention, on trouvera que l'origine des accufations réciproques vient de ces questions fubtiles & difficiles, dont le Concile ne veut pas qu'on parle devant le peuple, & fur lesquelles il n'a pas jugé à propos de prononcer.

Il n'y a eu fur cela

aucune

dispute avec les Grecs, finon

douzieme

Gecle.

Il est très-remarquable que nonobstant les disputes véhémentes & outrées de part & d'autre, qu'il y a eu entre les Latins & les Grecs dès le huitieme fiecle, dans lesquelles les uns & les autres fe faifoient des crimes de pratiques fort indifférentes, comme fur la barbe & fur la tonfure, ou qu'ils fe reprochoient des chofes entiérement fauffes, on ne voit pas après le qu'ils aient disputé touchant le Purgatoire. Ratramne, Enée Evêque de Paris, Anfelme d'Haversberg & d'autres, ont fait des Traités exprès contre les Grecs ; & quoiqu'ils entrent dans un grand détail, on ne voit rien qui ait rapport à cette difpute: elle n'a commencé que long-temps après, & il eft affez difficile d'en déterminer le commencement. Les Grecs n'ont pas attaqué les Latins fur la doctrine du Purgatoire dans les disputes qu'il y eut du temps de Photius, & le Cardinal Humbert, dans celle qu'il eut à Conftantinople contre Nicétas Pectoratus, ne leur reprocha rien sur cet article. Il ne s'en trouve rien non plus dans les lettres

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