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prieres qui vous font offertes pour ceux qui font détenus en Enfer, les Liv. VIII. foulageant dans les maux qui les environnent. L'Eglife chante: Sauveur, CH. VI. délivrez des larmes & des gémiffements ceux qui font en Enfer. De même l'Eglife d'Occident dit dans fa Meffe: Domine, libera animas omnium fidelium defunctorum de poenis inferni, & de profundo lacu, libera eas de ore leonis, ne abforbeat eas tartarus, &c. Cela ne peut s'entendre comme fi on demandoit qu'ils ne tombaffent pas du Purgatoire dans l'Enfer car communément les Scholaftiques affurent que ceux qui font en Purgatoire ont une espérance certaine d'en étre délivrés. Nous finirons par ce paffage des Pfeaumes cité par S. Pierre: quoniam non derelinques animam meam in inferno, qui marque clairement qu'on peut être délivré de l'Enfer. On voit par des citations auffi abfurdes, quoique faites par un des plus favants 'hommes qu'ait eu la Grece dans ces derniers temps, combien leur cause eft mauvaise, puifqu'ils ne la peuvent foutenir que par des interprétations beaucoup plus forcées que celles qu'ils reprochent aux Latins, car il n'y a pas un de ces paffages qui fignifie l'Enfer dans le fens que l'Eglise universelle l'a toujours entendu.

tiré de

Mais ce qui fuit eft encore plus étrange; car il avoue clairement qu'on Qu'on peut être délivré de l'Enfer par les prieres de l'Eglife, & voici comme il peut étre le prouve. Puifque les Idolâtres, les bérétiques & même ceux qui ont fait l'enfer par beaucoup de mal font délivrés, il s'enfuit qu'on peut être tiré de l'Enfer. les prieres de l'Eglife. Car Sainte Thecle en tira par fes prieres Falconilla, qui étoit Idolâtre : & S. Grégoire Pape délivra de même de l'Enfer l'Empereur Trajan Idolâtre: & les Peres fous l'Empereur Michel fils de Théodora délivrerent l'Empereur Théophile, grand perfécuteur de ceux qui bonoroient les Images. Il cite après cela des paffages de Peres pour établir que le mot de Purgatoire ne p. 83. fignifie pas un feu matériel qui agiffe fur les ames: qu'il n'y a point de lieu tiers entre le Paradis & l'Enfer: que la trifteffe & les gémiffements de ceux qui y font détenus peuvent être appellés Purgatoire, quoiqu'improprement, & que par cette détention Dieu accorde le pardon à ceux qui y font comme prifonniers : qu'ainfi c'eft Dieu même qui eft proprement & principalement le feu par lequel les ames font purifiées, puifque c'est lui qui leur accorde le foulagement, le pardon & la délivrance, par les prieres & les bonnes œuvres des vivants.

niels ne

Il entreprend enfuite de prouver que les péchés véniels ne font pas Que les punis après la mort; parce que comme tous les hommes, par leur foi- péchés vébleffe naturelle, tombent continuellement dans ces fortes de péchés, dont font pas perfonne n'eft exempt, aucun homme ne pourroit efpérer d'être fauvé punis en Purgatoi& qu'il n'eft pas conforme à la bonté de Dieu de punir de petits péchés, re. Perpétuité de la Foi. Tome V. Z z z

LIV. VIII. auxquels fa juftice ne doit pas avoir plus d'égard, qu'elle en a pour le CH. VI. peu de bien que peuvent faire les impies qui cede à la grandeur de leurs crimes. Il continue en tâchant de prouver que ceux qui ont fait avant leur mort une véritable pénitence, par une converfion libre de l'ame vers la justice, en renonçant au péché avec une ardente contrition & une vive douleur des péchés commis, & l'efpérance d'obtenir miféricorde de Dieu le Pere par Jefus Chrift; que ceux-là partent de ce monde unis à Jefus Christ, par lequel ils font juftifiés, fanctifiés & glorifiés, & que cette pénitence remet entiérement le péché. Pour preuve de cette propofition équivoque (car nous en convenons dans un fens tout différent) il cite des Canons de Nicée, de Laodicée & quelques paffages de l'Ecriture, pour montrer que les péchés font remis à ceux qui font pénitence, d'où il conclut qu'il ne reste rien qui mérite punition, & que dire que le péché est effacé, mais que la peine n'eft pas remise, n'est pas parler en Théologien, mais badiner. Il cite fur cela divers paffages qui ne prouvent rien, puifqu'ils fignifient que la converfion du cœur, qui eft la partie la plus effentielle de la pénitence, fe peut faire en un moment. Nous ne disons donc point, pourfuit-il, que ceux qui ont fait pénitence comme il faut, foient enfuite punis dans l'Enfer, parce que ceux-ci font reçus dans l'Eglife céleße des premiers nés; mais que la punition qui fe fait dans l'Enfer eft pour les grands péchés, & qu'ils en font délivrés, comme on le prouve par l'hiftoire des Machabées, où on voit que Judas fit prier les Prêtres pour les morts qui avoient volé des Idoles.

Citation

Il cite enfuite ce que Marc d'Ephefe dit fur ce fujet aux Latins dans de Marc les premieres Conférences tenues à Ferrare, que fi la pénitence eft exacte d'Ephese. parfaite, le péché eft remis aufi-bien que la peine qu'il méritoit, & que rien n'empêchoit que ceux qui étoient fortis de cette vie en tel état ne fuffent mis au rang des fauvés: que fi la pénitence étoit défectueuse, le péché abfolument n'étoit pas pardonné. C'est pourquoi ceux qui ont fini leur vie de cette maniere, font détenus dans ces peines, non pas parce qu'ayant reçu le pardon ils n'ont pas fatisfait à la peine. Nous commettons tous les jours plufieurs femblables péchés, pour lesquels nous ne faifons pas pénitence, ou nous ne la faifons pas comme il faut, en les compenfant par d'autres bonnes œuvres. C'est pourquoi Dieu en oublie une partie à l'heure de la mort, felon S. Denys, ou après la mort, ils font pardonnés par les prieres, par les bonnes œuvres, & par les autres chofes que l'Eglife pratique pour les morts. Ce font ceux-là dont il femble qu'a voulu parler S. Auguftin dans la Cité de Dieu, qui ayant été régénérés, n'ont pas affez mat vécu pour étre jugés indignes de cette miféricorde, ni affez bien, pour n'en avoir aucun befoin. Ces peines, comme on le tire des paroles des Saints

Peres, les prieres de l'Eglife pour les défunts, font la trifteffe, le re- Liv. VIII. proche intérieur de la confcience, & le tourment qu'elle fouffre, le repen- CH. VI tir, la prifon, les tenebres, la crainte & l'incertitude de l'avenir, car ils ne favent pas le temps de leur délivrance; ou enfin le feul retardement de la vue de Dieu, & à proportion de la qualité des péchés, ils fouffrent toutes ces chofes, ou une partie : mais il n'y a point de feu dans lequel les morts foient tourmentés avant le Jugement général. Enfin il conclut en difant que Dieu délivrera plufieurs ames au jour du Jugement, & qu'il en délivre aussi plufieurs, ce que nous reconnoissons, dit-il, conformément à l'opinion commune de l'Eglife Catholique, qui dans fes prieres demande à Dieu qu'il faffe repofer les ames de fes ferviteurs avec les efprits des juftes: & il cite fur cela les prieres de l'Euchologe dont il a été parlé ci-dessus. Il y ajoute la forme d'abfolution des excommuniés après la mort, qui eft une des plus grandes fuperftitions de l'Eglife Grecque moderne, par laquelle on demande à Dieu, que le corps de l'excommunié fe réfolve en ce dont il étoit compofé, & que son ame foit placée dans les lieux où repofent les Saints: & après ce long difcours il déclare que pour le temps & la maniere de cette délivrance & du foulagement des ames féparées, il n'a rien à en dire.

Nous avons rapporté affez au long les raifons de Dofithée, non feulement à cause de l'autorité qu'il a parmi les Grecs modernes, mais aufli parce qu'ayant écrit de nos jours, il eft témoin non fufpect des opinions communes de fon Eglife; de forte qu'on ne pourra pas dire qu'on leur en attribue quelques-unes qu'ils ne connoiffent pas. Il faut préfentement les examiner, & diftinguer ce qu'ils ont confervé de la Tradition commune de l'Eglife, & ce qu'ils y ont ajouté, emportés par la chaleur de la difpute contre les Latins.

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Ce qu'on doit juger des Sentiments des Grecs touchant le Purgatoire & les fuffrages pour les morts.

ON

Les Grecs

tins font

avant les

N peut diftinguer aifément, après ce qui a été rapporté dans le & les Lachapitre précédent, ce qui eft resté de l'ancienne difcipline dans l'Eglife convenus Grecque touchant la priere pour les morts, & ce qui a été ajouté par fchifmes les modernes, lorfque la difpute touchant le Purgatoire a été traitée fans de l'utilité de la prieaucun ménagement. Les Grecs & les Latins convenoient avant ce tempsre pour là de l'utilité des prieres, de la célébration du Sacrifice de la Meffe, les morts.

Liv. VIII. des aumônes & des bonnes œuvres pour le foulagement des fideles dé CH. VII. cédés dans la Communion de l'Eglife: & cette discipline, qui s'observoit par-tout, étoit une interprétation très-certaine de fa doctrine. On trouve la pratique conftante de cette difcipline marquée dans toutes les Liturgies Orientales & Occidentales fans qu'on puiffe donner la moindre preuve que la mémoire des défunts y ait été ajoutée dans la fuite des temps; par conféquent cette coutume venoit de Tradition Apoftolique. Cela eft très certainement établi par les témoignages des Peres, furtout de S. Auguftin; & les Grecs en font encore plus perfuadés, parce qu'ils donnent une entiere autorité aux Conftitutions des Apôtres, & aux ouvrages de S. Denys, qui marquent & recommandent cette pieuse pratique. Les autres Ecrivains Grecs ont enfeigné la même vérité, & entr'autres Euftrathius Prêtre de l'Eglife de Conftantinople avoit fait un ouvrage particulier fur cette matiere, dont il y a un extrait confervé par Photius, & il a été donné au public par Allatius. Il employoit la troifieme partie de ce Traité, à prouver que les Sacrifices & les offrandes des Prêtres, & les prieres & aumônes faites pour les fideles trépasses leur procurent la délivrance & la rémiffion de leurs péchés (a). Allatius a donné l'ouvrage entier de cet Auteur, qui vivoit dans le fixieme fiecle, & on voit qu'il reconnoiffoit que les ames étant féparées de leurs corps pouvoient agir, & en même temps qu'il admettoit la diftinction de celles qui étoient dans la béatitude, & de celles qui n'y étoient pas. Les Grecs reçoivent Differt. auffi comme véritable le Traité de S. Jean Damafcene touchant ceux qui Damafc.5. font morts dans la foi, que le favant P. Lequien, dans fa derniere édi

P. 63.

En quoi ils font fort

teftants.

tion, a rejeté comme une piece fuppofée, conformément au jugement qu'en avoit fait Allatius. Ainfi les Grecs conviennent de ce premier article effentiel, qui est, que l'Eglife a toujours confidéré les prieres pour les morts comme utiles à ceux pour qui elles étoient faites.

C'est fur cela que les deux Eglifes fe font toujours accordées, fans éloignés qu'il y ait eu de conteftation pendant près de douze cents ans, & c'est des Pro- par conféquent ce qu'il faut que les Proteftants combattent, autant dans l'Eglife Grecque que dans l'Eglife Latine, fans changer l'état de la question. Ils nous citent les Grecs comme oppofés à la créance du Purgatoire mais quand on a examiné leur opinion, il eft aifé de reconnoître que ce qu'ils attaquent n'eft pas la priere, ni les Meffes pour les morts, ni l'opinion de l'utilité de cette pratique, mais feulement la punition par le feu, à la place de laquelle ils en fubftituent une autre, qui

(α) Οτι πάντως αἱ ὑπὲρ τῶν ἐν πίσει τελευτώντων τοῖς ἱερεῦσιν ἐπιτελέμεναι θυσίαι καὶ προσφοραὶ ἢ ἄλ Δως δεήσεις καὶ ἱκεσίαι καὶ ἐλεημοσόναι ὑπὲρ αὐτῶν, περὶ τῶν πιςῶν ἐλευθερίαν καὶ πταισμάτων ἄφεσιν και παπράττονται τοῖς ὑπὲρ ὧν ἐπιτελεῖται ταῦτα. Phot. Cod. 171.

.

n'eft pas moins difficile à comprendre, & qui a de plus grands incon- Liv. VIII. vénients, comme nous allons le faire voir. Ainfi les Grecs font témoins CH. VII. de la Tradition pour ce qu'il y a d'effentiel & de commun à toutes les Eglifes, qui eft l'utilité des prieres pour le foulagement des défunts, ce qui fait voir que les ames fouffrent : tout ce qu'ils y ont ajouté est nouveau, & n'a aucun fondement dans la Tradition ni dans l'Ecriture. Outre les preuves qu'on en a dans les Ecrits de leurs Théologiens modernes, il y en a une très - confidérable, en ce que les Neftoriens & les Jacobites ignorent toutes ces opinions, ayant confervé la priere & la Liturgie pour les morts, conformément à la difcipline obfervée dans toute l'Eglife lorfqu'ils s'en féparerent.

contre les

Le favant Auteur qui a donné au public la derniere édition des ouvra- La difpute ges de S. Jean Damascene, a très-judicieufement remarqué que les dif- des Grecs putes entre les Grecs & les Latins fur le Purgatoire, n'ont pas un com- Latins peu mencement fort ancien ; & ce qui a été dit ci- deffus, touchant la ma- ancienne. niere dont le Maître des Sentences & les plus anciens Théologiens traitent cet article, en eft une preuve. S. Auguftin, S. Grégoire & quelques autres Peres Latins avoient propofé comme probable, que la punition des ames qui n'avoient pas entiérement expié leurs péchés par la pénitence étoit par le feu, fans examiner trop fubtilement cette queftion. Les Théologiens Scholaftiques la traiterent à leur maniere, avec toute la fubtilité poffible, & cette opinion étant communément reçue, ils la foutinrent non feulement comme véritable, & comme étant de foi en ce qui regarde l'utilité & l'efficace des prieres pour les morts, mais en même temps ils y joignirent plufieurs conféquences qu'ils en avoient tirées, & qui n'étoient autorisées par aucune décifion de l'Eglife. Car non feulement le Concile de Florence, mais celui de Trente, n'ont rien décidé touchant le feu. Le dernier a dit, qu'il y avoit un Purgatoire, & que les ames qui y étoient détenues, étoient foulagées par les prieres des fideles, & particuliérement par le Sacrifice de l'Autel. Les Grecs, comme In Collect. remarque le même Auteur, n'avoient eu aucune difpute avec les Latins Stevart. fur cet article, avant une Conférence tenue à Conftantinople en 1252. Des Dominicains qui y étoient établis, voyant que les Grecs ne parloient pas du feu du Purgatoire foutenu communément dans les Ecoles, les accuferent d'erreur, quoiqu'on ne pût pas douter que l'Eglife Grecque ne reconnût l'utilité des prieres pour les morts, & leur effet pour le foulagement des ames, ce qui prouvoit qu'elles étoient dans les peines, & cela fuffifoit pour juftifier les Grecs. Ils difoient de plus, que la discipline qu'ils pratiquoient, & l'opinion qu'ils en avoient, étoient fondées fur le témoignage des Peres & des Docteurs de leur Eglife, qui ne par

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