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Les fide

Les fideles ont prié avec confiance pour les défunts fuivant l'efprit de Liv. VIII. de l'Eglife, perfuadés de l'utilité des prieres qu'elle ordonnoit; mais CH. X. ayant rendu ce devoir de charité chrétienne à leurs freres, ils ne por- les demantoient pas la curiofité plus loin. Ils croyoient que les ames de ceux pour doient qui ils prioient en particulier, & à l'Autel, fouffroient, & ils deman- leur fouladoient leur foulagement; fur quoi ils fe remettoient entre les mains de fans porDieu, fans entreprendre de déterminer les temps, les moments, la qua- ter la culité, la durée, ou la fin de ces peines, parce que Dieu n'avoit rien ré- plus loin. vélé fur cela à fon Eglife, & que ces questions étoient de pure curiofité

& de nulle édification. C'eft pourquoi S. Auguftin en parle avec beau

coup de réserve : les Peres Grecs n'ont prefque rien dit fur ce fujet, & cependant les Grecs & les Latins étoient dans une parfaite concorde, ne fe reprochant aucune erreur les uns aux autres, même lorfque les difputes commencerent à être vives fur plufieurs autres points moins importants.

gement

riofité

inventé

infoutena.

Il s'enfuit donc certainement que ce que les Grecs modernes ont Ce que les avancé fur cette matiere, eft auffi nouveau que leurs difputes avec nos Grecs ont Théologiens, qui peut-être leur propofoient comme des vérités de foi, de noudes opinions particulieres, que le Concile de Florence ne jugea pas à veau eft propos d'inférer dans fon Décret, comme elles ne furent pas non plus ble. inférées dans ceux du Concile de Trente. Non feulement celles des Grecs font nouvelles, ce qui leur ôte toute autorité; mais elles font directement contraires à la Tradition & à la difcipline de l'Eglife univerfelle, ce qui fe prouve d'une maniere très-fimple, mais inconteftable.

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Réflexions fur le fyftême de doctrine des Grecs modernes touchant les prieres

.LES

pour les morts.

Es Grecs croient que les ames féparées, & pour lesquelles ils prient, Ce que les font dans l'enfer que celles qui font délivrées par les fuffrages de l'Egli- Grecs enfeignent fe, vont dans un lieu de repos & de délices, & plufieurs, comme il fur ce fu a été marqué ci-deffus, prétendent que c'eft le Paradis terreftre: qu'elles jet.. y font jufqu'au jour du Jugement, après lequel les ames des juftes entreront dans la gloire avec leurs corps, & celles des réprouvés feront précipitées dans les flammes éternelles que non feulement les ames de ceux qui font morts dans les fentiments de piété & de pénitence, ce qui doit faire bien efpérer de leur falut, font délivrées de l'enfer, mais

?

LIV. VIII. encore celles de pécheurs morts dans le crime, & même des infideles : CH. X. que les prieres de l'Eglife operent feules cette délivrance, parce qu'après la mort on n'eft plus en état de mériter: & que la fentence qui décide du fort éternel des ames ne devant être prononcée qu'après le Jugement dernier, les élus ne jouiffent pas de la béatitude: que même plufieurs font dans l'incertitude de leur falut, & que les réprouvés ne font pas encore dans les flammes éternelles, ce qui ne doit arriver qu'après la réfurrection, lorfque les ames feront réunies à leurs corps: qu'il n'y a pas de feu de Purgatoire, ni de lieu tiers entre le Paradis & l'enfer, parce qu'il n'en eft point parlé dans l'Ecriture Sainte. Telle eft la Théologie des Grecs modernes, & il eft aifé de prouver que l'ancienne Eglife n'a rien enfeigné de femblable.

C'est une opinion nouvelle de dire que les ames des Saints

l'enfer.

Sur le premier article, qui eft que les ames féparées, même celles des juftes, vont en enfer, les preuves qu'en apportent Dofithée & ceux qu'il a fuivis font fi pitoyables, qu'elles ne méritent pas d'être réfutées. Car les principales confiftent en des paffages de la Sainte Ecriture mal entendus, ou le mot d'enfer, ou adas, ne fignifie rien moins que font dans ce que tous les Chrétiens entendent par le mot même; c'est-à-dire, un lieu de tourments; mais fimplement l'état de mort & le fépulcre, ce qui paroît par les endroits mêmes que citent les Grecs. C'est ce que fignifient ceux-ci defcendam ad filium meum lugens in infernum. Non relinques animam meam in inferno, nec dabis fanctum tuum videre corruptionem, & ainfi des autres. Quelques Théologiens ont bien cru que le lieu des peines où les ames juftes étoient purifiées du refte de leurs péchés étoit dans l'enfer; mais ils ont reconnu une différence entiere entre l'état des ames de ceux qui étoient morts dans la grace, & de ceux qui étoient morts dans le péché; au lieu que les Grecs n'y mettent prefque aucune diftinction. Car les premieres ont une confolation dans leurs peines, par l'efpérance certaine d'être délivrées, & de parvenir à la béatitude; & les autres ne l'ont pas, felon les Théologiens Latins; mais les Grecs modernes laiffent cette même espérance aux uns & aux autres; ce qui eft contraire à l'Ecriture & à la doctrine de tous les Peres.

Le lieu de

Ce lieu de repos & de délices où ils fuppofent que font les ames repos, que des juftes dans l'attente du Jugement dernier, eft encore une pensée fuppofent les Grecs, toute nouvelle, de même que la diftinction du Paradis & de la béatitude. n'eft pas Le principal fondement de cette opinion eft tiré des prieres de l'Eglife marqué dans l'E- Grecque, dans lefquelles il eft fouvent fait mention de lieux de repos &verdoyants, d'eaux agréables & de délices. Mais comme ces prieres font tirées du Pfeaume XXII, dont les paroles, in loco pafcua ibi me collocavit, fuper aquam refectionis educavit me, & d'autres femblables

criture.

paraphrafées en diverfes manieres, il eft certain qu'elles n'ont originai- LIV. VIII. rement aucun autre fens que le métaphorique, & qu'elles doivent encore CH. X. moins être entendues à la lettre, de la maniere dont les Grecs modernes les entendent, puifque ni l'Ecriture ni la Tradition ne nous apprennent rien de femblable. Ainfi les Grecs méritent avec raifon le reproche qu'ils font injuftement aux Latins, qui établiffent un lieu tiers de peines, qui eft ce que nous appellons le Purgatoire, dont ils difent que l'Ecriture ni les Saints Peres ne font aucune mention. Nous avons l'autorité de plufieurs Peres Latins, qui nous juftifie fuffifamment. Mais ce lieu tiers qui n'est ni l'enfer ni le ciel, que les Grecs fuppofent, eft encore plus inconnu, puifque les anciens Peres Grecs n'en parlent point. Au contraire toute la Tradition Eccléfiaftique, fuivant laquelle les fideles ont honoré les Saints, & ont demandé leur interceffion, fuppofe qu'ils font dans la béatitude célefte, & non pas dans le Paradis terreftre. Donc la preuve que les Grecs prétendent tirer de ces prieres pour établir ce lieu tiers, & prouver en même temps que les ames font délivrées de l'enfer, & non pas du Purgatoire, n'a aucune force. Car jamais l'Eglife Latine n'a eu de telles opinions, & cependant elle demande à Dieu dans fes prieres pour les morts, qu'il les délivre des peines de l'enfer, & qu'il leur faffe miféricorde en leur pardonnant leurs péchés; parce qu'elle les confidere comme fortant du monde, & comme paroiffant devant leur Juge, dont elle ne prétend pas pénétrer les jugements incompréhenfibles.

morts en

chemin de

La même Eglife Latine, confervant la Tradition de fes Peres, prie & L'Eglife emploie fes fuffrages pour les morts; mais c'eft conformément à cette Latine ne prie que maxime certaine de S. Auguftin, en ne priant que pour ceux qui ont pour ceux vécu de telle maniere que ces fecours puffent leur être utiles après leur qui font mort. C'est pourquoi elle ne les accorde qu'à ceux qui font morts dans mortsid fa Communion, & dans la participation des Sacrements. Les Grecs fe falut. font donc grandement écartés des regles les plus anciennes & les plus facrées de l'Eglife, lorfqu'ils ont employé les prieres & les Liturgies pour des pécheurs impénitents, & même pour des infideles qui n'y pouvoient avoir aucune part durant leur vie, puifqu'ils étoient hors de l'Eglife, & qui par conféquent n'y pouvoient participer après leur mort.

titude (du

L'incertitude du falut dans laquelle reftent, felon l'opinion nouvelle L'opinion des Grecs, ceux qui font morts dans la Communion de l'Eglife, eft de l'incerquelque chofe de fi contraire à l'efpérance commune des Chrétiens, & falut jufà la doctrine de tous les Peres, qu'on ne la peut juftifier que par d'autres qu'au Jufuppofitions auffi abfurdes & auffi nouvelles que celle-là. Elle a été inven- dernier, tée pour éviter de reconnoître ce que l'Eglife Latine croit touchant les eft noupeines du Purgatoire, qui ne font pas fi clairement marquées dans l'Ecri

gement

velle.

LIV. VIII. ture Sainte; mais les angoiffes, les ténebres, la prison, les gémiffements, CH. X. & par deffus tout, l'incertitude du falut, font des peines auffi grandes

Le pardon

des pé

chés ne

miffion

que celles du feu, & elles ne font fondées fur aucun paffage de l'Ecriture. Elle marque au contraire que les ames des juftes, tels que font ceux qui achevent l'expiation de leurs péchés dans le Purgatoire, font dans la main de Dieu, que les tourments de la mort ne les toucheront point, & qu'ils font en paix. Quoique ces paroles puiffent fignifier autre chofe felon le fens littéral, celui-là néanmoins eft bien moins éloigné de la lettre, que tous ceux dont les Grecs fe fervent pour foutenir leurs nouveautés.

Quand ils difent que lorfque les péchés ont été pardonnés il ne refte plus aucune peine à expier, ils décident fans aucune autorité une queftion qui peut être obfcure & inconnue par rapport à l'autre monde; suppose pas la ré mais qui a été décidée dès les premiers fiecles de l'Eglife par la discipline entiere de qu'elle a conftamment pratiquée. Car lorfqu'elle accordoit l'abfolution la peine & l'Euchariftie aux mourants qui étoient en pénitence, ou qui la demandoient, nonobstant l'efpérance qu'on avoit de leur falut, elle les obligeoit lorsqu'ils revenoient en fanté, d'accomplir la pénitence canonique que méritoient leurs péchés dont ils avoient été abfous. Dieu pardonna à David l'adultere, l'homicide d'Urie & la vanité de compter le peuple; mais en le châtiant en même temps par des punitions temporelles. Ainfi la différence qu'il y a entre les deux opinions eft, que les Théologiens Latins, d'une vérité certaine, connue & confirmée par la pratique des fiecles les plus floriffants, en ont tiré une autre qui n'a pas la même clarté, parce qu'elle regarde l'état des ames féparées; mais qui a prefque la même certitude, puifqu'elle eft fondée sur un principe théologique, dont les Grecs étoient convenus avant qu'ils fuffent obligés d'en inventer un tout contraire, pour foutenir leurs nouvelles opinions.

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Les anciens Peres, & les Théologiens qui les ont fuivis, font convenus que la récompense parfaite des juftes, de même que la punition des méchants fe feroit au Jugement général, après la réfurrection des corps, comme auffi qu'avant la defcente de Jefus Chrift aux enfers, les ames des Saints n'étoient pas entrées dans le ciel, qu'il les tira du lieu où ils attendoient leur délivrance, & qu'il les avoit élevés dans fa gloire. C'est pourquoi de toute antiquité on a invoqué les Saints comme régnans dans le ciel avec Jefus Christ. L'opinion contraire n'eft pas ancienne; & lorfque quelques Théologiens entreprirent de la foutenir en Occident, elle fut rejetée avec raifon & regardée comme hérétique. On fait quels troubles elle excita contre Jean XXII qui l'avoit foutenue, & qui s'en rétracta. Les Grecs n'ont cependant aucun autre fondement de leur

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de leur fystème théologique fur le Purgatoire, que cette opinion, ni Liv. VIII. de preuve pour la foutenir, que celles qu'ils tirent du Jugement géné. CH. X. ral, & elles font très- foibles. Car le jugement particulier ne fait aucun préjudice au Jugement général, comme le prouvent les Théologiens ; & la maniere dont les Grecs expliquent leurs pensées n'étant ni ancienne, ni uniforme, fait naître des difficultés beaucoup plus grandes que celles qu'ils ont voulu éviter. Car felon ce qui a été rapporté de Dofithée dans l'éclaircillement qu'il a donné fur cet article, en faifant imprimer le Synode de Jerufalem de 1672, & qui eft tiré de ce que Marc d'Ephese avoit dit fur le même fujet, les ames des juftes font dans l'attente de leur fort, n'étant pas affurées de leur falut: celles des méchants, même des infideles, ne font pas fans espérance d'être délivrées, le pouvant être par les prieres de l'Eglife: doctrine inouie, contraire à tout ce que les Peres ont annoncé aux Chrétiens dans leurs Sermons & dans leurs Catéchefes, qui favorise l'impénitence, & qui approche beaucoup plus des erreurs d'Origene que l'opinion des Latins fur le Purgatoire, qui n'y a aucun rapport. Car celle des Grecs eft directement contraire à plufieurs paffages formels de la Sainte Ecriture, entr'autres pour ce qui regarde les infideles, & même pour ce qui a rapport aux autres. Les Peres n'ont rien plus fréquemment, ni plus fortement répété que cet avertiffement falutaire, de ne fe pas fier aux prieres ni aux bonnés œu-. vres des autres après la mort, montrant, felon l'Ecriture, que chacun fera jugé felon fes œuvres, & non pas felon celles d'autrui. L'Eglife a regardé comme retranchés de fon corps tous ceux qui mouroient dans l'impénitence: elle leur a refufé fes prieres, & même la fépulture eccléfiaftique. Comment donc les Grecs modernes ont-ils pu s'imaginer qu'elle pouvoit après leur mort, de laquelle ils avoient été furpris étant hors de l'Eglife, voides de bonnes œuvres, coupables de plufieurs crimes, les rétablir fans aucun mérite de leur part, dans la qualité des enfants de Dieu, & les mettre dans le Royaume des cieux qu'ils s'étoient fermé par leur mauvaise vie?

des Grecs

celle

On ne croit pas qu'après ces réflexions, qui font fondées fur des prin- L'opinion cipes incontestables, aucun Théologien ne reconnoiffe que l'opinion a plus de des Grecs touchant l'état des ames féparées, pour lesquelles ils font des difficultés prieres, & offrent le Sacrifice de même qu'il fe fait dans l'Eglife Latine, que ca ne foit embarraffée d'un nombre infini de difficultés beaucoup plus gran- tins, & des, que celles qu'ils ont formées contre la doctrine de l'Eglife Romaine n'eft pas touchant le Purgatoire. En fecond lieu, il faut que les Proteftants avouent contraire que les Grecs font fort éloignés de ce que la Réforme enfeigne fur le à la doctriPerpétuité de la Foi. Tome V. C c c c

moins

ne desProteftants.

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