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Liv. I. cette matiere. C'est ce que nous tâcherons de faire en ce volume avec CHAP. I. autant d'exactitude qu'il fera poffible; & au moins ce fera avec toute la fincérité qu'on doit apporter lorfqu'on traite des mysteres facrés de la Religion.

Ce travail étoit d'autant plus néceffaire, que perfonne ne l'a encore entrepris; ou fi quelques Auteurs ont parlé de la créance & de la difcipline des Grecs & des Orientaux fur les Sacrements, ils l'ont fait avec beaucoup de négligence, la plupart fans avoir connu les livres eccléfiaftiques, ni ceux des Théologiens Grecs & Orientaux ; d'autres fans aucuns principes de Théologie, & fans connoiffance de l'Antiquité; ce qui a fait qu'ils ont condamné trop facilement ce qu'ils n'entendoient pas; qu'ils ont attribué à ces Chrétiens des héréfies toutes nouvelles, ce qui les a rendus plus éloignés de la réunion, & mis nos Théologiens & nos Miffionnaires hors d'état de la procurer, puisque la plupart n'ont combattu que des chimeres: & ce qui étoit encore plus dangereux, ils ont condamné des pratiques autorifées par l'ufage de l'ancienne Eglife, & par conféquent à couvert de toute cenfure.

Les Proteftants n'ont pas prefque touché à cette matiere, non feulement parce que nous n'en trouvons pas un feul qui l'ait entendue, mais auffi parce que les Auteurs Catholiques leur fourniffoient plus d'autorités qu'il n'étoit néceffaire pour établir que les Orientaux ne pouvoient servir à confirmer par leurs témoignages, la doctrine & la difcipline des Sacrements reçue parmi nous, tant on fuppofoit qu'ils étoient éloignés de l'Eglife Catholique fur ces articles. De plus, comme il y a eu très-peu de Proteftants qui aient bien entendu la difcipline eccléfiaftique, lorfqu'ils ont fait quelques objections tirées de celle des Orientaux, ce n'a été qu'en fuivant le jugement qu'en avoient fait les Auteurs Catholiques dont nous venons de parler. Ceux qui ont pouffé la Critique plus loin, comme ont fait quelques Modernes, font tombés encore dans de plus grandes abfurdités; par exemple ceux qui ont voulu déterminer la créance des Grecs felon la fauffe Confeffion de Cyrille Lucar; & celle des autres Orientaux, fur des récits de Voyageurs ignorants ou prévenus; ou bien fur des Critiques abfurdes de Hottinger & de fes semblables.

Dans le premier volume de la Perpétuité, les Auteurs avoient dit quelque chose touchant la conformité de la créance des Grecs & des Orientaux fur les Sacrements, fur la Hiérarchie, & fur d'autres points que les Proteftants ont pris pour prétexte de leur féparation. Mais comme cette matiere ne regardoit pas précisément la queftion principale qu'ils traitoient, ils ne s'étendirent pas fur les preuves de cette conformité, qui même alors n'étoient pas faciles à trouver, peu d'Auteurs ayant écrit fur ce fujet, &

même d'une maniere très-imparfaite; & c'eft ce qui nous refte préfente- Liv. I. ment à éclaircir. CHAP. I.

vaincre

La feule difcipline des Eglifes Grecques & Orientales étant examinée La difci pline des fans prévention, pouvoit fuffire pour faire connoître aux Proteftants, la Orientaux différence entiere qu'il y avoit entre ces Communions féparées & les fuffifoit Eglifes prétendues Réformées Mais les premiers Réformateurs, comme on pour conl'a fait voir ailleurs, n'y firent d'abord aucune réflexion: ils raisonnerent les Protef fur les Sacrements chacun felon les principes qu'ils avoient imaginés: & tants. comme ces principes étoient faux, il ne faut pas s'étonner fi ce qu'ils ont établi fur de pareils fondements eft également faux & infoutenable.

de leurs

erreurs.

La premiere fource de leurs erreurs eft, qu'ils ont fait une définition Sources des Sacrements inconnue à toute l'Eglife ancienne, lorfqu'ils les ont regardés comme des fceaux de la foi, & des fignes qui l'excitoient, n'y reconnoiffant point cette efficace que l'Ecole appelle ex opere operato, & qui fignifie une production réelle & véritable de la grace, lorfque les Sacrements font reçus avec les difpofitions néceffaires. La feconde eft, qu'ils ont établi que tout Sacrement devoit, non feulement être d'inftitution divine, ce que nous reconnoiffons; mais qu'il devoit être expreffément marqué dans la Sainte Ecriture, parce qu'ils rejettent l'autorité de la Tradition. Enfin une troifieme fource d'erreur qui les a menés fort loin eft, qu'au lieu de diftinguer dans la doctrine des Sacrements ce qui a été univerfellement cru & reçu dans toute l'Eglife, & qui par conféquent n'a point varié, ils ont voulu faire paffer les opinions nées dans l'Ecole comme des articles de la foi catholique, & les ont ainfi combattues.

Morin. de

Cependant il étoit de la bonne foi de diftinguer deux chofes auffi diffé- Ils n'ont rentes, que la doctrine certaine & invariable de l'Eglife, & les différentes pas diftin gué ce qui manieres de l'expliquer qui fe font introduites depuis que Guillaume étoit de d'Auxerre commença de fe fervir des termes de matiere & de forme, ainfi foi, & les opinions que d'autres femblables employés dans la Philofophie d'Ariftote. Cette théologimaniere assez conforme au génie du fiecle rendoit certaines vérités plus ques. fenfibles, & n'avoit en elle-même rien de mauvais; mais les queftions Sacr Ord. fubtiles qu'elle fit naître occuperent un peu trop les Théologiens de ce p. 3. Ex. 1. temps-là; en forte qu'ils n'y ajouterent pas, comme on a fait depuis, l'é- C. 3• tude de la difcipline, dont l'autorité eft non feulement grande, mais décifive en ce qui regarde les Sacrements. Car comme il eft affuré que l'Eglife ne peut errer dans la foi, il eft également certain qu'on ne peut foupçonner fans impiété que les rites & les prieres dont elle s'eft univerfellement fervie dans la célébration des Sacrements, puiffent contenir ou autoriser aucune erreur. C'est donc en joignant le dogme avec la difcipline qu'on peut fe former une idée jufte & folide de la doctrine des Sa

Liv. I. crements; & lorfque d'habiles Théologiens l'ont examinée de cette maCHAP. I niere, comme plufieurs ont fait de nos jours, ils n'ont pas condamné d'erreur ou d'abus ce qui n'étoit pas entiérement conforme à la pratique de l'Eglife Latine, ainsi qu'avoient fait dans le temps d'ignorance, ceux qui avoient établi des fyftêmes de doctrine fans confulter la Tradition.

Le confentement de

d'Orient

les Sacre

Les Proteftants ont donc rejeté comme des fuperftitions & des inventoutes les tions humaines cinq Sacrements, que l'Eglife Catholique pratiquoit dès les nations premiers fiecles, fur ce feul fondement qu'on ne trouvoit dans l'Ecriture confirme que le Baptême & l'Euchariftie. Nos Théologiens n'ont pas manqué de la foi de preuves pour établir l'ancienne doctrine, pour juftifier la pratique confl'Eglife fur tante de l'Eglife, & pour renverfer toutes les objections des Proteftants. ments. Mais on ne s'étoit prefque pas encore fervi de l'argument tiré du confentement de l'Eglife Grecque & de tous les Chrétiens Orientaux, que nous tâcherons de mettre dans tout fon jour, parce qu'il abrege toutes les voies de difcuffion, qui font très-longues dans une matiere aufli vaste que celle des Sacrements, & que la méthode de prefcription eft plus courte, à la portée de tout le monde, & moins expofée aux chicanes par lesquelles les ennemis de la vérité travaillent à l'obfcurcir. Nous attachant donc à cette méthode, de laquelle les plus célebres défenfeurs de la foi chrétienne fe font fervis dès les premiers fiecles de l'Eglife, nous ne trouverons pas de grandes difficultés à prouver, que les Sacrements reçus & pratiqués dans l'Eglife Catholique, ont été connus & pratiqués dans les premiers temps, & confervés jufqu'à nous fans interruption: & que non feulement les Grecs Orthodoxes ou Schifmatiques, mais toutes les Communions Orientales ont confervé la même doctrine & la même pratique.

Il faut convenir des

fur-tout

des définitions.

Lorsqu'on cherche la vérité de bonne foi dans des queftions théotermes, & logiques, il faut convenir des termes, particuliérement des définitions qui ont été reçues de tout temps parmi les Chrétiens, & ne prétendre pas en faire de nouvelles, ni croire qu'on raifonne conféquemment fur cette matiere, quand on raisonne fur des principes ou faux, ou contestés, ou inconnus à ceux que l'Eglife a toujours refpectés comme fes Maîtres, & comme les difpenfateurs des myfteres de Dieu. C'eft ce que les premiers Réformateurs n'ont point fait; mais au lieu de reconnoître qu'en tous les fiecles l'Eglife a pratiqué diverses cérémonies facrées accompagnées de prie& qu'on a toujours cru que ces fignes extérieurs joints aux paroles ou aux prieres produifoient certaines graces, & que ces mêmes fignes ont été appellés Sacrements, on reconnoît d'abord que la définition qu'ils en ont voulu donner, & l'idée qu'ils ont formée des Sacrements de la nouvelle Loi, font entiérement éloignées de la doctrine de l'ancienne Eglife.

res,

Il ne faut donc pas s'étonner fi ayant une idée auffi fauffe des Sacrements, Liv. L. ils ne les ont pas reconnus dans ce que pratiquoit l'Eglife de laquelle ils CHAP. I. fe font féparés; puifque même, comme a remarqué Syrigus, les définitions qu'ils en donnent ne conviennent pas au Baptême ni à l'Euchariftie, qu'ils reconnoiffent néanmoins comme de véritables Sacrements. On les avoit toujours confidérés comme des fources de grace que Jefus Chrift nous avoit méritée par fa Paffion; ou fuivant la penfée de S. Auguftin, comme étant fortis du côté de Jefus Chrift, lorfqu'il avoit été ouvert. Jamais on n'avoit dit qu'ils n'étoient que des fceaux pour exciter notre foi, & pour nous confirmer les promeffes de Dieu. On ne s'étoit pas non plus fervi de diverfes autres définitions bizarres, inventées à mefure que les Réformateurs en ont eu befoin: & tous convenoient que les Sacrements étoient des fignes facrés d'inftitution divine, qui produifoient efficacement la grace dans ceux qui les recevoient dignement.

Germ.

Ceux qui ont les premiers défendu l'Eglife contre les nouveautés de Les Sacrela Réforme, Erafme, George Caffandre, le Cardinal Ofius & divers au- ments par l'ufage tres, répondoient fort fimplement, & néanmoins d'une maniere convain- de l'ancante à tout ce qu'on objectoit contre la doctrine & la pratique des Ca- cienne Eglife. tholiques, qu'ils avoient pour eux toute l'Antiquité. Que dès le temps Epift. ad des Apôtres on avoit imposé les mains aux nouveaux baptifés pour leur Fratr. Inf. donner le Saint Efprit, ce qui étoit le fondement du Sacrement de Con- Confult. & firmation que ceux qui avoient commis de grands péchés après le Bap- Grotnot. tême étoient retranchés de la communion des faints Myfteres, & qu'ils n'y étoient reçus qu'après une févere pénitence, qui finiffoit par l'absolution donnée par les Evêques ou par les Prêtres, en vertu de la puiffance de lier & de délier que Jefus Chrift avoit donnée à fes Apôtres. Que jamais personne n'avoit entrepris de prêcher la parole de Dieu, d'exercer cette puiffance de lier & de délier, d'offrir l'Eucharistie, d'administrer le Baptême, ni de faire aucune autre fonction femblable, finon ceux qui avoient été ordonnés par des Evêques, qui eux-mêmes avoient reçu l'Ordination par le miniftere de ceux qui avoient été ordonnés par les Apôtres ou par leurs difciples: que la pratique de l'Onction à l'égard des malades avoit été regardée comme d'inftitution Apoftolique. Enfin que les Chrétiens n'entroient dans l'état du mariage qu'avec le confentement & la bénédiction des Supérieurs Eccléfiattiques. Voilà ce qu'on répondoit aux premiers Réformateurs, conformément à ce que nous enfei- L'anciengne toute l'Antiquité.

ne difcipline étaLa pratique des cérémonies qui accompagnoient ces actions facrées bliffoit la étoit conftante: ainfi on ne pouvoit nier, que ce qui regardoit les fignes des Sacreextérieurs, ou ce qu'on a depuis appellé la matiere du Sacrement, ne ments.

matiere

Liv. I fût bien prouvé. Il en étoit de même de la forme, puifque les anciens CHAP. I. Peres la défignent fouvent fous le nom de priere, même dans les Sacrements qui ont des paroles plus déterminées, effentielles & néceffaires, comme le Baptême & l'Euchariftie. Car comme elles étoient toujours accompagnées de prieres, fous le nom de prieres on comprenoit ce que les Théologiens ont nommé dans la fuite formes facramentelles. Ainfi Aug.1.3.de S. Auguftin a dit que le corps de Jefus Chrift étoit confacré par la Paul.Diac. priere mystique: & long-temps après on trouve que le Canon de la Meffe wit. Greg. étoit appellé la priere catholique. Ainfi par les expreffions conformes de tous les Peres, on reconnoît la forme des Sacrements auffi-bien que le figne, ou la matiere.

Trin. c. 4.

Et leur forme.

LesProtef

tants ont attaqué des opi

nions fcholaftiques qui ne font pas de foi.

On peut encore moins douter que l'ancienne Eglise ne fût perfuadée que fes prieres, jointes à l'ufage de la matiere conformément à l'inftitution divine reçue des Apôtres, produifoient leur effet, qui étoit d'attirer la grace de Dieu fur les fideles. Car on n'auroit pas reproché à Novatien qu'il n'avoit pas reçu la perfection du Baptême, fi on n'avoit pas cru que la chrifmation & l'impofition des mains fur les nouveaux baptifés conféroient une grace fpéciale & diftinguée de celle du Baptême. On n'auroit pas ordonné la même cérémonie à l'égard de ceux qui avoient été baptifés hors de l'Eglife par des hérétiques. Aucun Orthodoxe n'a jamais douté qu'un pécheur repentant, & qui avoit accompli la pénitence qui lui étoit impofée, ne reçût avec l'abfolution des Prêtres, & par l'exercice de la puiffance des Clefs, la rémiffion de ses péchés, & par conféquent la grace facramentelle. Il en eft de même de l'Ordination, puisqu'on reconnoît d'une maniere incontestable que jamais l'Eglise n'a cru qu'un Laïque pût faire ce que faifoit un Prêtre ou un Evêque; mais que la doctrine conftante de tous les Chrétiens à été, que par l'impofition des mains des Evêques fucceffeurs des Apôtres, on recevoit le Saint Efprit, & la puiffance néceffaire pour toutes les fonctions du Sacerdoce de la nouvelle Loi. Ainfi on reconnoît en cela que toute l'Antiquité a cru que par les fignes facrés ou cérémonies de l'Ordination, & les autres dont nous venons de parler, les Chrétiens recevoient une grace, & c'est la grace facramentelle.

Après avoir reconnu cette vérité, qui ne peut être contestée que par des ignorants qui n'auroient pas la moindre connoiffance de l'ancienne Eglife, il étoit inutile d'aller chercher dans la Théologie moderne des difficultés frivoles & captieufes pour attaquer cette doctrine, & renverser en même temps l'ordre & la difcipline qui fubfiftoient depuis quatorze fiecles. Les Théologiens ont traité cette matiere avec moins de fimplicité que les anciens Peres: ils l'ont examinée fuivant les principes de la Phi

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