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Liv.IX. la plus groffiere, comme il feroit aifé de faire voir fi on vouloit fe don CH. VIII. ner la peine d'examiner fa ridicule Hiftoire Eccléfiaftique. Mais rien n'est

Caractere

ger.

plus capable de faire connoître fon caractere, que ce qu'il a écrit touchant la Confeffion de Cyrille Lucar, qu'il vouloit faire passer comme celle de toute l'Eglife Orientale, & cela par des raifonnements fi abfurdes & des preuves fi foibles que les Catholiques n'ont pas eu befoin de le confondre. Les Luthériens l'ont fait, entr'autres Fehlavius, d'une maniere fans replique. On peut par-là juger de ce qu'on doit attendre fur les autres Eglifes d'Orient, d'un homme qui connoiffoit auffi peu la Grecque.

Cependant parce qu'il remplit fes livres de caracteres inconnus, il a de Hottin- acquis une grande réputation par fes Ecrits fur cette matiere. Tous les fecours qu'il a eus fe réduifoient à l'hiftoire d'Eutychius, à la premiere partie de celle d'Elmacin, à un livre d'Eglife Syriaque & à ce qu'il a ramaffé fans difcernement des Auteurs Catholiques Il y a des fautes confidérables dans les traductions des Ordinations Syriennes; encore de plus grandes dans celle des Cophtes, il n'en a remarqué aucune. Il s'eft voulu mêler de parler des Patriarchats d'Orient, il n'en connoiffoit pas même les noms. Enfin fans avoir lu aucun Théologien, il décide comme s'il avoit une parfaite connoiffance des livres les plus curieux, & il n'avoit pas vu les plus communs. Si quelque Calvinifte avoit avancé la plus grande abfurdité, comme M. de Saumaife dans la lettre où il cite la Liturgie cophte, Jb. p. 213. Hottinger s'en fert comme d'une preuve inconteftable. Enfin il établit ce. principe, qu'on pouvoit tirer de l'Alcoran une partie confidérable de 'Hiftoire Eccléfiaftique, parce qu'on pouvoit connoître par fa lecture, & celle des Ecrivains Arabes, quelle étoit la face des Eglifes d'Orient. Il est vrai que quand on voudra croire que ce qu'il en dit dans fes nombreux volumes, répétant dans l'un ce qu'il en dit dans l'autre, repréfente fidellement l'état de ces Eglifes, on pourra convenir de ce bizarre principe. Mais il falloit que lorsqu'il le mettoit fur le papier il n'eût pas ouvert l'Alcoran, où on ne trouve pas un feul mot ni un feul fait qui puiffe en donner la moindre connoiffance; encore moins dans un miférable Auteur qu'il cite continuellement, parce qu'il n'en connoiffoit point d'autre. Il pouvoit dire avec la même raifon que l'Alcoran étoit très utile pour réformer la Chronologie de l'Ancien & du Nouveau Teftament. Conviendra-t-on dans les Académies Proteftantes, que les Juifs ont corrompu les Ecritures: que les Chrétiens croient plufieurs Chap. Am- Dieux; qu'ils reçoivent toutes les fables ridicules tirées du livre de Infantia Salvatoris, & plufieurs autres auffi extravagantes? S'il y a quelques faits hiftoriques dans l'Alcoran, comme fur les Chrétiens de Nagé

ran.

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ran, fur le Nejafchi ou Roi d'Ethiopie, & de femblables dont il est Liv. IX. plein, ils ne peuvent guere fervir à l'Hiftoire Eccléfiaftique, finon pour CH. VIII. groffir celle de Hottinger, où tout trouvoit place. S'il y avoit quelque chofe à remarquer fur ce fujet, c'étoit l'opinion de l'impofteur, ou plutôt de ceux qui avoient compofé l'Alcoran, touchant Jefus Chrift. Un Protestant plus habile dans les langues orientales que n'étoit Hottinger, a fait un petit ouvrage fur cette matiere, mais feulement pour faire connoître quels étoient les fentiments des Mahométans fur Jefus Chrift & fur la Religion Chrétienne (b): car ni lui, ni perfonne qui auroit eu connoiffance de leurs livres ne fe feroit imaginé qu'on y eût pu trouver quelque lumiere touchant l'état des Eglifes d'Orient.

de l'Alco

tat des

Abulfar.

Tout ce qu'on en peut tirer eft, que Mahomet & fes premiers dif- Ce qu'on ciples n'ignoroient pas qu'il y avoit des Chrétiens, puifque des Tribus peut tirer entieres d'Arabes profeffoient le Chriftianifme, comme témoignent les ran fur l'éAuteurs Mahométans rapportés par Pocock dans fes Notes, fur ce que Eglifes Grégoire Abulfarage en avoit écrit dans fon histoire des Dynasties. Il est d'Orient. néanmoins très-vraisemblable que c'est tout ce qu'il en favoit, puisqu'à Specim. l'exception de ce qui eft dit en quelques endroits de l'Alcoran fur les Hift. Ar. divifions qui partagent les Chrétiens & les Juifs, dont il n'eft même P. 136. Chap. de parlé qu'en termes généraux, il ne paroît pas qu'il ait connu aucune la Table & Secte en particulier. Ce qu'en ont dit les anciens Commentateurs eft des Dépouilles. fort peu exact; car plufieurs marquent que les Chrétiens étoient divifés en foixante & douze Sectes différentes: parce que les Catalogues des anciennes héréfies qui fe trouvent en différents livres arabes, ont fait croire aux Mahométans qu'elles fubfiftoient toutes encore. Ce ne font pas les feuls Commentateurs de l'Alcoran, ni les Compilateurs de leurs Traditions qui en ont jugé ainfi: Abulfeda Prince de Hama, Auteur plus férieux, y a été trompé comme les autres, & il a cru enrichir fon hiftoire par un long dénombrement qu'il fait de toutes ces héréfies. Cependant d'autres plus exacts ne font pas tombés dans la même erreur; car le Commentateur Perfan, qui eft un des meilleurs, marque précisément qu'on doit entendre par les paroles de Mahomet, les trois Sectes des Huffein Melchites, des Neftoriens & des Jacobites. Makrizi en a parlé de même, Ms. Perf. & avec plus de jufteffe, non pas que deux ou trois miférables Auteurs Makriz. dont Hottinger cite des extraits, mais que,Hottinger lui-même, qui ne d'Egypt. fe foucioit pas des Auteurs qu'il citoit, pourvu qu'il citât.

Wahez

Defcript.

Tom. 2.

Ce qu'un autre plus habile & plus verfé que lui dans ces matieres Les Mahoauroit pu remarquer eft, que quand les Mahométans ont parlé plus fup- métans ont parlé (b) Levinus Warnerus compend. hift. eorum quæ de Chrifto, &c. Muhamedani tradide- peu exac runt. Lugd. Bat. 1643.

tement

nifme.

Liv.IX portablement des dogmes de la Religion Chrétienne, ce n'a été que CH. VIII. felon l'opinion des Neftoriens, avec lefquels ils avoient eu plus de comdes dogmerce qu'avec les autres Chrétiens. Ce n'eft peut-être pas à caufe de mes du Chriftia la familiarité que divers Auteurs Grecs & Latins fuppofent que Mahomet eut avec le Moine Sergius ou Behira, comme il eft appellé en arabe; mais parce qu'il y avoit un nombre prodigieux de Neftoriens dans les Provinces conquifes les premieres par cet impofteur & fes fucceffeurs de forte que durant plus de deux fiecles, ils n'en connoiffoient prefque pas d'autres dans les pays où les Califes faifoient leur réfidence, & les Catholiques ou Patriarches des Neftoriens ayant transporté leur Siege à Bagdad, qui devint capitale de l'Empire Mahométan, long-temps une entiere autorité fur les Melchites & fur les Jacobites, auffi-bien que fur ceux de leur Secte.

Erreur des Mahométans fur

eurent

On trouve entr'autres chofes affez fouvent dans les Auteurs Mahométans que Jefus Chrift étoit monté au ciel, ou comme parlent quelJef. Chrift ques autres, étoit devenu homme divin par fes propres mérites, erreur au Neft capitale que les Grecs & les Latins ont marquée comme particuliere rianifme. aux Neftoriens, & comme une fuite de celle de Pélage. La comparai

conforme

1. 1.

fon dont ils fe fervent de Jefus Chrift avec les autres Prophetes, quoiqu'ils le mettent dans un rang fupérieur & plus excellent, & le terme d'inhabitation ou de defcente de la divinité fur lui, dont nous avons parlé Perp T. 4. ailleurs, font familieres aux Mahométans; & les Neftoriens n'ont pas honte de fe fervir de témoignages de l'Alcoran pour appuyer leur opinion. Voilà ce que ni Hottinger ni les autres n'ont remarqué, qui eft néanmoins la feule obfervation importante qu'on peut tirer des Mahométans, puifqu'elle eft répandue dans la plupart de leurs Auteurs, particuliérement dans les Myftiques. Pour ce qui regarde l'hiftoire de l'Eglife, il n'y a qu'à voir ce qui eft dit dans l'Alcoran, & dans les Traditionnaires fur l'hiftoire des fept Dormeurs, de S. Georges, ou de quelques autres, & on fera convaincu que ces premiers Mahométans étoient les hommes du monde les plus ignorants fur cette matiere, auffi-bien que fur toutes les autres qui ont rapport aux Lettres. Ce défaut eft fi général, qu'il s'étend même à ceux qui ont écrit plufieurs fiecles après ; puifque les meilleurs Hiftoriens ne rapportent que des fables & des extravagances fur tout ce qui précede le Mahométisme.

ouvrages

Défaut gé- Enfin il n'y a qu'à examiner tout ce qu'a écrit Hottinger, pour renéral des connoître fa témérité à parler de ce qu'il ne favoit pas. Quand il auroit de Hottin- eu toutes les qualités qu'il n'avoit pas; c'est-à-dire, de la fincérité, de la critique judicieuse, de la pénétration, & un certain efprit fans lequel la grande lecture ne produit que de la confufion, cela ne lui eût fervi

ger.

de rien, puifqu'il ne connoiffoit pas les livres. De plus favants que Liv. IX. lui, comme Golius & Pocock, n'ont rien écrit fur cette même matiere, CH. VIII. & on ne peut pas favoir fi c'étoit par négligence qu'ils ne l'ont pas fait, ayant tant travaillé fur ces langues, & avec beaucoup d'utilité pour le public; ou fi c'étoit qu'ils comprenoient fort bien, qu'il étoit impoffible de prouver que les Orientaux s'accordaffent fur les principaux points de la Religion avec les Proteftants. Il étoit difficile néanmoins qu'ils n'euffent vu plufieurs livres de ces Chrétiens; puifqu'on voit que Pocock avoit eu les Commentaires de Barfalibi fur l'Ecriture Sainte, & d'autres livres marqués dans les Catalogues des Bibliotheques d'Angleterre, qui fuffifoient pour éclaircir la queftion. Golius parmi ceux qu'il apporta de Levant, en avoit plufieurs de ceux que nous citons. Mais il y a beaucoup d'apparence que la curiofité de ces favants hommes fut médiocre fur ce qui regardoit les matieres de Religion, puifqu'il eft affez étonnant que Golius dans fon Dictionnaire arabe, quoique fort ample, ne fasse presque aucune mention des termes théologiques, ni de l'usage eccléfiaftique; ce qui fait juger qu'il avoit peu lu les livres où ils font em ployés.

reufe d'au

Il n'eft pas néceffaire de parler de quelques autres Ecrivains Protef- Critique tants, qui, fans aucune capacité, ont voulu parler de cette matiere. C'eft peu heupar exemple, felon Muller, un fort argument contre les Catholiques, tres Proque dans l'infcription chinoife & fyriaque qu'il a voulu interpréter & com- teftants. menter, il n'est pas parlé de la Transsubstantiation. On voudroit bien qu'il nous eût appris comment ce terme théologique étoit exprimé en langue chinoife qu'il fe piquoit d'entendre, quoiqu'on reconnoiffe qu'il n'avoit pas entendu le fyriaque de cette infcription. Ce n'étoit pas là un lieu propre à mettre une expofition de foi détaillée mais s'il avoit lu des livres Neftoriens, il auroit trouvé qu'Elie le Catholique enfeigne le changement de substance. Enfin ce favant Auteur ne produit aucun paffage, finon ceux qu'il a lus dans la China illuftrata, qui lui font contraires, & auxquels il promet de répondre. On ne fait pas s'il l'a fait, car il y a fujet d'en douter; mais on peut affurer, fans aucun doute, que s'il l'a entrepris il n'y a pas réuffi. Car que pouvoit-on attendre d'un homme qui n'a pas découvert la moindre chofe qui pût éclaircir cette inscription, & qui a adopté avec éloge les interprétations fauffes & abfurdes qu'on en avoit données avant lui?

**

Liv. IX.

CH. IX.

Raifons

fement.

Nous

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Ous finirons par un éclairciffement que plufieurs perfonnes de mérite qui ont en- ont cru néceffaire touchant divers ouvrages que M. Simon a publiés en gagé à cet éclaircif- différents temps, fur les matieres qui ont été traitées dans le volume précédent & dans celui-ci. La réputation qu'il avoit acquife, fur-tout dans les pays étrangers, par fon érudition, & encore plus par un air de liberté avec laquelle il a écrit fur les dogmes & la difcipline des Orientaux, & la confiance avec laquelle il avance des chofes toutes nouvelles, lui ont donné une grande autorité. Les Proteftants s'en font prévalus, le citant fouvent comme un Théologien fort fupérieur aux autres, & exempt des préjugés de l'Eglife Romaine, particuliérement de ceux de l'Ecole. Ils ont fait de grands éloges de fon érudition, fur tout dans les langues orientales, & dans ces matieres qui ne leur font pas trop connues. Ainfi comme en plufieurs points qui ont été traités dans le volume précédent & dans celui-ci, nous fommes fouvent d'avis contraire, il arrivera peutêtre que des Proteftants voyant deux Catholiques fe contredire, en voudroient tirer avantage. C'eft ce qui m'a déterminé à donner fur cela des éclairciffements très-fimples & très-véritables.

Deux for

tes d'ouvrages de

D'abord on doit diftinguer les ouvrages de cet Auteur: car presque tous ont été imprimé en pays étrangers fans Privilege & fans approbation, M. Simon. entr'autres: l'Hiftoire Critique de la créance & des coutumes des Nations du Levant, & diverfes lettres ou pieces détachées qu'il a publiées, de même auffi que la plupart de fes autres livres, dont plufieurs ont été fupprimés ou cenfurés. Ce qu'il a imprimé avec approbation fe réduit aux Notes latines qu'il joignit à quelques Opufcules de Gabriel de Philadelphie, & à celles qu'il mit à la fin de la Traduction du Voyage fait au Mont Liban, par le P. Jérôme Dandini Jéfuite. Il donna auffi en françois un petit Traité de la créance des Grecs touchant la Tranffubftantiation contre M. Smith, & il eût été à fouhaiter que fes autres ouvrages euffent reffemblé à celui-là, dans lequel il y a des obfervations très-utiles & trèsrecherchées, fur quoi je lui ai ailleurs rendu juftice. Dans les autres, même dans ceux qui ont paru avec approbation, il a avancé plufieurs chofes, qui non feulement font contraires à la vérité, mais dont les conféquences font fi périlleuses, qu'il eft difficile de comprendre qu'elles aient échappé à la diligence des Examinateurs.

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