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LIV. T
CH. IX,

CHAPITRE

I X.

Que les Orientaux, Orthodoxes, Schifmatiques, ou Hérétiques, ont la doctrine

EN

& la pratique des fept Sacrements.

la doctrine

crements

Orient.

N prouvant que l'Eglife Grecque reconnoît fept Sacrements connus Ce qu'on a & pratiqués pour tels dans l'Eglife Romaine, nous avons fuffifamment prouvé de prouvé que tous les Chrétiens foumis aux quatre Patriarches du Rite Grec, des Grecs ont la même créance & la même pratique. Car il eft très-certain que les fur les SaMofcovites, les Moldaves, les Walaques, & ce qui refte de Chrétiens dans la Colchide, la Mengrélie, & autres Provinces voifines, font foumis celle des au Patriarche de Conftantinople, & fuivent la foi qui eft contenue dans Syn. Hier. la Confeffion Orthodoxe. Tous les Chrétiens du Rite Grec foumis aux 1672. in fine. Patriarches d'Alexandrie, d'Antioche & de Jerufalem, & ceux qu'on appelle Melchites qui font l'Office en fyriaque, ont auffi la même créance, étant enfants de la même Eglife. On en doit dire autant des Maronites qui font entiérement réunis au Saint Siege; & il n'y a aucune difficulté fur tous ceux-là. Il ne refte donc à parler que des Jacobites & des Neftoriens, fous lefquels font compris tous les autres Chrétiens qui restent en Orient.

par leurs

Ils ont presque tous déclaré dans les Atteftations folemnelles qu'ils Ils l'ont témoigné donnerent pendant l'Ambaffade de M. de Nointel à Conftantinople, qu'ils croyoient fept Sacrements, comme les croit l'Eglife Catholique; le Bap- Atteftatême, le Myron ou la Confirmation, l'Euchariftie, la Pénitence, l'Ordre, tions. le Mariage & l'Extrême-Onction. Les Calviniftes ayant appris de quelques-uns de leurs Controverfiftes & de Voyageurs ignorants ou prévenus, que la plupart de ces Sacrements étoient inconnus dans ces Eglifes éloignées, voulurent faire paffer cette conformité de doctrine avec celle des Catholiques, comme une preuve de fauffeté & de fuppofition. Enfin celui qui a écrit le dernier n'a pas trouvé de meilleur argument pour attaquer plufieurs de ces Atteftations, que cette doctrine des fept Sacrements établiffant que tous les Orientaux n'en croyoient que deux, & tirant de ce faux principe autant de conféquences, que fi le fait avoit été incontestablement reconnu.

Avant ce lá ils n'avoient au

Nous ne trouvons pas à l'égard des Orientaux la même abondance de preuves, que celles qui nous ont été fournies par les Théologiens Grecs, cune raiparce que les livres des premiers font plus rares, & qu'ils n'avoient au- fon d'écri cune raifon d'écrire fur cette matiere. Les Grecs, avant qu'ils euffent eu fujet.

re fur ce

LIV. I. connoiffance des opinions des Proteftants & du renverfement entier de CH. IX. la difcipline des Sacrements qui étoit un des premiers fruits de la Réforme, n'avoient compofé aucun ouvrage fur ce fujet, finon ceux qui paroiffoient néceffaires pour inftruire les Eccléfiaftiques de la maniere dont on devoit les célébrer, & donner en même temps des inftructions aux Laïques pour les recevoir avec fruit. Ce ne fut donc que quand Jérémie eut connu les fentiments des Luthériens qu'il les attaqua, comme firent enfuite ceux qui écrivirent contre la fauffe Confeffion de Cyrille. Les Syriens, les Egyptiens & les autres Nations Chrétiennes n'ont jamais entendu parler de ces disputes; & lorsqu'on les a confultés fur le nombre des Sacrements, ils ont répondu très-fimplement felon la créance de leur Eglife.

Leur doc

trine eft

par leur

Mais outre ces preuves récentes, il y en a de bien certaines, pour prouvée établir que l'ufage de tous les Sacrements eft confervé parmi les Orientaux depuis plufieurs fiecles, puifqu'on fait qu'ils n'ont en aucune dispute difcipline. fur cet article, ni avec les Latins, ni avec les Grecs, dont ils ont prefque tous les Rites. Ces preuves confiftent en faits; il eft par exemple trèscertain qu'après le Baptême & en même temps, ils donnent le Myron, ou l'onction facrée faite avec le Chrême, dont la bénédiction fe fait par les feuls Evêques, & même plus ordinairement par les feuls Patriarches. On a l'Office de ce Sacrement en toutes les langues orientales. Il n'eft pas moins certain que la Confeffion des péchés eft pratiquée parmi tous ces Chrétiens, ou qu'au moins elle doit l'être felon les regles de chaque Eglife; nous avons leurs formes d'abfolution des pénitents, par conféquent nous ne pouvons pas douter qu'ils n'aient le Sacrement de Pénitence. Les Ordinations des Maronites, des Jacobites, & des Neftoriens qui ont été publiées par le favant Pere Morin, démontrent qu'ils ont le Sacrement de l'Ordre. Nous avons auffi divers Offices de la bénédiction nuptiale, que tout Chrétien eft obligé de recevoir en face d'Eglife lorsqu'il fe marie, & fans quoi le Mariage eft regardé comme un concubinage. De même nous trouvons un Office particulier appellé Kandil; c'est-à-dire, de la lampe en fyriaque, & en d'autres langues, qui répond à celui de l'Extrême-Onction: & fuppofant que tous ces Offices font partie de la difcipline de ces Eglifes, ce qui eft inconteftable, on ne peut douter qu'elles n'aient comme nous tous les Sacrements.

Si les Orientaux

ces céré

monies

Comme les Proteftants ne peuvent pas nier que les Orientaux n'aient regardent la pratique de toutes ces cérémonies facrées, & qu'il en faut néceffairenrent convenir ou contefter l'autorité de tous les Rituels Syriaques, Cophtes, Ethiopiens, Arméniens, & généralement tous ceux qui font en des Sacre ufage dans l'Eglife d'Orient, ils fe retranchent à dire, que ces cérémonies ne font pas confidérées comme des Sacrenients, ni conprifes fous un nom

Comme

ments,

général tel que celui qu'elles ont dans notre Théologie. C'est-là un des LIV. grands arguments dont M. Ludolf s'eft fervi, pour prouver que les Ethio- CH. IX. piens n'en recevoient que deux, à quoi il a ajouté ce pitoyable raisonnement, qu'ils ne connoiffoient pas fept fceaux de la foi: c'est-à-dire, qu'ils ne comprenoient rien à la définition toute nouvelle & inconnue à l'an cienne Eglife que les Proteftants ont donnée des Sacrements. C'est ré duire la chofe à une question de nom, & à une pure chicane, qui peut prouver que les Orientaux n'ont pas connu des termes théologiques, dont la connoiffance n'est pas néceffaire à falut, & qui n'ont été mis en ufage parmi nous, que plufieurs fiecles après l'établiffement de la pra tique conftante & univerfelle des chofes qu'ils fignifient. Laiffant donc à part les noms, & les termes qui ont pu varier, il n'y a qu'à examiner files Orientaux ont connu, & s'ils connoiffent encore les chofes fignifiées par nos termes théologiques.

1

finition

Nous difons que le Sacrement eft un figne facré, d'inflitution divine, Ilsapprou qui produit la grace fuivant la promeffe de Dieu. On ne peut nier que vent la dé les cérémonies & les chofes fenfibles employées dans la Confirmation, qu'en don dans l'Ordination, dans l'absolution des Pénitents, dans la bénédiction nent les nuptiale, & dans l'Onction des malades, ne foient des fignes, puifqu'elles ques. peuvent être employées à d'autres ufages qu'à celui des Sacrements, & elles le font en effet en diverfes bénédictions qui ne font pas regardées comme Sacrements.

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Catholi

noiffent

ne.

A l'égard de l'institution divine, qu'on demande aux Orientaux fi ces Ils recon cérémonies font des inventions humaines, dans le fens le plus innocent l'inftituque puiffe recevoir cette expreffion; c'est-à-dire, que ce font des pratiques tion divi pieufes que Jefus Chrift n'a pas inftituées, que les Apôtres n'ont pas établies, mais qui ont été introduites fans l'autorité de l'un, ni des au tres, pour nourrir la piété des fideles: les Orientaux répondront que non, mais qu'elles ont été toutes inftituées par Jefus Chrift; car ils le croient ainfi, comme nous l'avons marqué ailleurs. Si on leur fait entendre la question felon le fens que la Réforme a attaché à ce mot d'invention humaine par opposition à l'institution divine; c'est-à-dire, que ces cérémonies font des abus & des fuperftitions qui ne peuvent s'accorder avec la pureté du Christianisme, & que par conféquent il faut abolir, comme ont fait toutes les Communions Proteftantes, il n'y a pas de Levantin fi ignorant qu'il puiffe être, pourvu qu'il fache fon Catéchifme, qui'ne rejette avec horreur une pareille propofition. Un Théologien n'en demeurera pas là, mais il lui citera toutes les autorités qui fe tirent des Constitutions Apoftoliques, des Canons, & de la pratique de l'Eglife. smo nah on to I Qu'on lui propofe cette objection que toute cérémonie ou figne quent.

De quelle

maniere ils l'expli

Liv. I facré qui confere la grace, doit être d'inftitution divine, il en conviendra CH. IX. Comme nous. Mais fi on prétend lui perfuader, que tout ce qui a été inftitué par Jefus Chrift doit être marqué dans la Sainte Ecriture, il répondra en deux manieres; premiérement que cela n'est pas absolument néceffaire, puifque Jefus Chrift a fait & dit plufieurs chofes qui ne font pas écrites: que les Apôtres qui en ont été témoins les ayant établies dans l'Eglife nous les devons recevoir, comme de la bouche de leur divin Maître, & écouter leurs difciples fondateurs des premieres Eglifes, comme nous aurions écouté les Apôtres & Jefus Chrift. En fecond lieu ce Théologien Oriental répondra, que toutes ces cérémonies facrées font fondées fur l'Ecriture Sainte, & il le prouvera par tous les paffages dont nous nous fervons contre les Proteftants, pris dans le même fens que nous leur donnons, & qui eft celui dans lequel les Grecs les ont toujours entendus.

Ils fe fer

vent des mêmes

s

Ce Théologien Oriental fe fervira des mêmes paffages, pour prouver que ces cérémonies produifent une grace fpéciale dans les Chrétiens qui paffages les reçoivent dignement. 11 prouvera par exemple, que les premiers fideles de l'Ecris recevoient le Saint Efprit après le Baptême par l'impofition des mains des les Catho- Apôtres, & que les nouveaux baptifés le reçoivent encore par la Chrifliques.

ture que

mation, & par le figne de la croix; puifque les graces miraculeuses qui étoient néceffaires dans la naiffance de l'Eglife, ne le font plus: & que la fanctification des ames, eft la fin principale & effentielle de l'inftitution 312 des Sacrements. De même ce Théologien prouvera la néceffité de la Confellion, des péchés par le témoignage de S. Jacques, & la puiffance facerdotale pour l'abfolution des pécheurs par les paroles de Jefus Christ à fes Apôtres, & par les clefs du Ciel promifes à S. Pierre, avec l'autorité de lier & de délier. Il prouvera de même l'Ordination, & la grace qu'elle produit, par plufieurs paffages des Actes des Apôtres: la fainteté du Mariage Chrétien, par ceux dont les Proteftants nous conteftent le fens; L'Extrême-Onction par S. Jacques & par S. Marc, &, ainfi du refte; ce qu'il confirmera par l'autorité de la Tradition & par la pratique de l'Eglife. Tout ce que nous difons n'eft pas avancé témérairement, & c'est ainfi que Severe, que Barfalibi, Michel Patriarche d'Antioche, les deux Ebnaffal, Echmimi, divers Patriarches d'Alexandrie dans leurs Conftitutions Synodales, Abulfarage, Abulbircat, Abufebah, l'Auteur de la Science Eccléfiaftique, & divers Anonymes, foutiennent la doctrine & la difcipline de leur Eglife, comme on le fera voir clairement par leurs témoignages, qui Object, feront rapportés en traitant de chaque Sacrement en particulier.

contre TE

Pour ne rien omettre, nous examinerons deux objections, qui ont été pofition. fouvent rebattues par les Proteftants. La premiere eft, que non feulement

cette pro

divers Auteurs qui ont écrit fur les héréfies, mais plufieurs Théologiens Liv. Li & des Voyageurs affez dignes de foi, témoignent que les Orientaux n'ont CH. IX. pas quelques-uns des Sacrements. La feconde eft, que ces cérémonies & ces, prieres dont nous venons de parler, font défectueufes en plufieurs manieres, foit du côté de la matiere, foit pour la forme.

On répond à la premiere, objection ce qui a déja été dit, & qu'on eft Réponse. obligé de répéter en traitant cette matiere, que la plupart des Auteurs qui ont voulu apprendre aux autres la foi & la difcipline des Chrétiens de Levant l'ont fouvent ignorée eux-mêmes, & qu'on n'en doit pas juger fur de pareilles autorités. Nous répondons à la feconde, que ceux qui ont examiné les Rites des Orientaux fuivant les préjugés de l'Ecole, & fur le fondement dont on reconnoît préfentement la fauffeté, & qui est, qu'on ne peut célébrer les Sacrements que felon l'ufage préfent de l'Eglife Romaine, ont pu former un pareil jugement. Mais comme il eft contraire à celui de plufieurs Papes, à la pratique de l'Eglife, & à la plus faine Théologie que de plus les conféquences en font fort périlleuses, puifqu'elles peuvent être employées contre l'ancienne Eglife, aufli-bien que contre les Eglifes Orientales, on n'y doit avoir aucun égard.

ont adop

P'Ecole

Les Proteftants difent, pour rendre la doctrine des Grecs fufpecte, qu'ils Siles? ont adopté dans leurs Traités touchant les Sacrements des expreffions de Orientaux nos Théologiens, même des Scholaftiques. Cela prouve qu'elles paroiffent té les opifi orthodoxes aux Grecs, qu'ils ne font pas de difficulté de s'en fervir; nions de au lieu qu'il ne s'en eft pas trouvé un feul qui, avec l'approbation de fon Eglife, ait approuvé la Théologie de Cyrille, ni des Théologiens Luthériens. A l'égard des Orientaux, on ne peut pas faire la même, objection, puisqu'ils n'ont pas traité dogmatiquement cette matiere, ce qui donnera peut-être lieu à d'autres de dire qu'ils n'en difent pas affez, & qu'ils ne s'expliquent pas fuffifamment fur les Sacrements.b qilib

voient pas befoin

fion des

Mais quoique cette objection n'ait rien de folide, puifqu'il n'eft pas Ils n'abefoin de favoir tout ce que la Théologie enfeigne fur les Sacrements, pour croire ce que l'Eglife nous propofe comme des vérités néceffaires d'entrer à falut, il y a une raifon bien certaine de cette différence. Car les Grecs, en difcufquoiqu'ils foient dans la même captivité que les autres Chrétiens Orien- nouvelles taux, étant également foumis à la tyrannie des Infideles, comme ils ont opinions, été les derniers conquis, ils ont confervé autant qu'a duré leur Empire Gre à Conftantinople, les lettres, les études eccléfiaftiques, & toutes les fciences. Les difputes qu'ils ont eues avec les Latins les ont engagés à étudier plus que les Orientaux, qui étant prefque tous foumis aux Mahométans dès le feptieme & le huitieme fiecle, font tombés dans une plus grande barbarie. De plus, ils n'ont jamais eu occafion de défendre la

comme les Grecs... '

... 138

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