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Modernes. Jérémie l'a traitée fort au long dans fes Réponses aux Théologiens de Wittemberg; & quoique ceux-ci fuffent fort contents de leur ouvrage, comme il paroît par la Préface, & par des Extraits du Journal de Crufius, imprimés avec diverfes autres pieces, les Grecs n'en firent pas un fort grand cas. En effet, s'il prouve quelque chofe, c'est que l'Ecriture Sainte, claire par elle-même, à ce que prétendent les Protestants, ne fuffifoit pas pour prouver aux Grecs la Proceffion du Saint Esprit du Pere & du Fils.

A l'égard des Azymes, les Proteftants ont eux-mêmes compris que Des Azyc'étoit un point de difcipline fort indifférent, & que les calomnies des mes. Grecs étoient fort frivoles, lorfqu'ils accufent les Latins de judaïfer. Plufieurs de nos Théologiens n'ont été guere plus raifonnables dans les fiecles paffés, lorfqu'ils ont voulu faire un crime, & même une héréûe aux Grecs, de la difcipline qu'ils obfervoient de temps immémorial, fans que l'ufage différent des Latins eût troublé durant plufieurs fiecles la Communion entre les deux Eglifes. Enfin diverfes Sociétés Protestantes, même celle de Geneve, s'étoient fervies d'Azymes pour la Cene fans aucun fcrupule. Nous n'avons fur cela aucune difpute avec les Protestants; & pour ce qui regarde les observations d'Antiquités Eccléfiaftiques que de favants hommes ont faites fur ce fujet, nous en dirons quelque chofe dans les Notes fur les Liturgies que nous espérons bientôt donner au public, mais elles n'avoient aucun rapport à ce dernier ouvrage.

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Nous ne parlons pas non plus de ce que la plupart des Théologiens De l'Invo cation du modernes, fur tout ceux qui ont écrit depuis le Concile de Florence, S. Esprit ont appellé un peu trop facilement l'héréfie des Grecs touchant l'effi- dans la Licace des paroles de Jefus Chrift dans la confécration de l'Euchariftie. turgie. Cette question demanderoit un Traité particulier, & il fuffit de dire que les Grecs n'ont introduit fur cet article aucune nouvelle opinion, ni aucune nouvelle priere dans leurs Liturgies qui pût y donner lieu, & auffi il s'eft paffé plufieurs fiecles fans qu'il y ait eu fur cela aucune difpute. Celle qui s'eft émue dans la fuite n'a pas commencé de leur part: quelques-uns de nos Théologiens furent les agreffeurs, comme il paroît par ce qu'en a écrit Cabafilas, qui défendit modeftement la difcipline de fon Eglife. La difpute recommença au Concile de Florence, & nonobftant tous les efforts de Turrecremata & des autres Théologiens, ils ne purent obtenir qu'on inférât dans le Décret aucune décifion fur cet article, parce que les Grecs déclarerent qu'ils n'avoient aucune opinion particuliere qui détruifît l'efficace des paroles de Jefus Chrift, & les prieres qu'ils y ajoutoient étoient celles qu'ils avoient reçues par Perpétuité de la Foi. Tome V. b

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une tradition ancienne, telles qu'on les trouvoit dans les Liturgies de S. Bafile, de S. Jean Chryfoftôme, & même celle de S. Jacques, qui en Orient font regardées comme les ouvrages de ceux dont elles portent le nom. Ainfi le Pape ne jugea pas à propos d'inférer dans le Décret aucun article qui eût rapport à la queftion, ce qu'ont reconnu ceux qui ont donné la Collection des Actes latins: mais fuppofant fans aucune preuve, que ce qui manque dans le Décret folemnel fait en plein Concile, doit être fuppléé par ce qui fe trouve dans celui qui fut fait quelque temps après pour les Arméniens, & fans que les Grecs qui étoient partis en euffent aucune connoiffance. Si le Pape avoit fait ce Décret pour eux, il auroit été traduit en grec & porté à Conftantinople par les Légats qui y furent envoyés pour confommer la réunion. Mais il n'en elt fait aucune mention dans les Hiftoriens ni dans les Actes de ce tempslà. Il est même fort remarquable que dans l'Edition Grecque des Actes du Concile faite à Rome en 1487, par ordre du Pape Grégoire XIII, ce Décret ne fe trouve pas, & c'eft néanmoins fur ce feul fondement que plufieurs Théologiens prétendent que leur difcipline & leur opinion ont été condamnées au Concile de Florence.

Nous ne prétendons pas fur cette queftion ni fur les autres faire l'Apologie des Grecs ni des Orientaux: mais, comme il a été marqué dans le des opi- volume précédent, il est important de diftinguer leurs opinions partinions par- culieres, & ce qu'ils confervent par une tradition immémoriale. Le predes Grecs, mier article renferme ce que Cabafilas, Siméon de Theffalonique, Marc d'Ephefe & quelques autres ont écrit contre les Latins touchant l'efficace des paroles de Jefus Chrift pour la confécration de l'Euchariftie: l'autre regarde l'Invocation du Saint Efprit qu'ils prononcent après ces Tradition mêmes paroles, & qui n'a rien de commun avec les difputes formées fur ce fujet. Si les Théologiens, après avoir attentivement examiné ce que les Grecs ont écrit en défendant leur difcipline, trouvent qu'ils fe foient écartés de la doctrine propofée dans les derniers Conciles, il faut les éclairer, & ne pas les laiffer dans l'erreur. Mais il faut en même temps bien fe garder de prétendre trouver cette erreur dans l'Invocation du Saint Efprit, qui eft certainement de Tradition Apoftolique, confirmée par un grand nombre de témoignages de Peres Grecs & Latins. C'eft cependant ce qu'ont fait plufieurs Théologiens fort habiles; car il ne Beffar. de faut pas s'étonner des autres, puifque Beffarion fans aucun autre fondeEucharift. ment, attribue à S. Jacques, à S. Bafile & à S. Jean Chryfoftôme l'erreur des Grecs modernes qu'il avoit entrepris de réfuter, & les confé. quences d'une telle propofition font fi étranges, qu'il n'eft pas poffibl de les foutenir. Car fi les Grecs font hérétiques fur ce point - là, comme

Tom. 13.

Conc.
P. 1155.

le prétend Beffarion, & que leur opinion foit la même que celle de S. Jacques, de S. Bafile & de S. Jean Chryfoftôme, cet Apôtre & ces lumieres de l'Eglife étoient hérétiques, ce qui fait horreur. Quand on examine enfuite quel pouvoit être le fondement d'une cenfure fi étrange, on n'en trouve aucun, finon que l'Invocation du Saint Efprit, qui eft dans les Liturgies, contient une héréfie. De là il s'enfuit que toute l'ancienne Eglife d'Orient a été dans l'erreur dès les premiers fiecles, même dès le temps des Apôtres, & que celle d'Occident l'a approuvée, & s'en eft auffi rendue coupable, par la Communion réciproque qui a fubfifté entr'elles pendant plufieurs fiecles. Sur ce faux principe on enveloppe dans la même condamnation toutes les Communions Orientales qui fubfiftent encore, quoiqu'il foit certain qu'elles ont confervé la doctrine de la préfence réelle, comme il a été prouvé dans les volumes précédents, & qu'elles n'aient jamais entendu parler des difputes entre les Latins & les Grecs touchant les paroles de la confécration.

Théolo

Néanmoins il n'eft pas difficile de prouver, en s'attachant à la Théo- On peut juftifier logie des Saints Peres, & laiffant à part les fubtilités des Modernes, ca. que l'Invocation du Saint Esprit contenue dans les Liturgies Grecques & tion, fuiOrientales, ne fait aucun préjudice à la vertu des paroles de Jefus vant la Chrift, & c'est ce que plufieurs favants Théologiens ont fait voir, ayant gie des Pe donné diverfes explications de cette priere, qui contient une des plus res. fortes preuves qui foit dans l'Antiquité Eccléfiaftique, touchant le changement réel du pain & du vin au corps & au fang de Jefus Christ. Cette preuve a cet avantage, que les Proteftants éludent toutes les autres tirées de la Liturgie par des réponses spécieuses: mais ils n'en ont jamais donné aucune raisonnable à celle - là; & s'ils n'en ont pu donner à la formule que contiennent les Liturgies, il eft encore plus difficile de tourner à des fens métaphoriques celle du Rite Cophte, revêtue des cérémonies qui l'accompagnent, & qui font prefcrites en détail dans le Rituel du Patriarche Gabriel. La plupart fe réduifent donc à dire, que nous ne pouvons pas faire ufage de cette priere, puifque nos Théologiens la rejettent comme contenant une erreur manifefte, & ils en peuvent citer un grand nombre. Mais cette réponse eft un fophifme groffier, puifque dans la queftion fur la Perpétuité de la Foi, il s'agit de favoir fi les Grecs croient le changement réel & fubftantiel du pain & du vin au corps & au sang de Jefus Chrift, & non pas par quelles paroles fe fait ce même changement. On ne peut pas contefter qu'ils ne le croient, s'ils entendent cette priere felon fon fens littéral, & certainement ils l'entendent ainfi par conféquent ils excluent tous les fens métaphoriques que les Proteftants prétendroient lui donner. Après cela que les Grecs

De la Pri

mauté du Pape.

fur ce fu

jet.

foient dans l'erreur, ou qu'ils n'y foient pas, cela ne fait rien pour la difpute entre les Catholiques & les Proteftants, dans laquelle il ne s'agit que du changement réel & non pas des paroles qui le produifent. Plufieurs Théologiens Catholiques anciens & modernes ne fuivent pas l'opinion de S. Thomas, qui eft celle fur laquelle commença d'abord la dif pute entre les Théologiens Grecs & les Latins: Scot & d'anciens Scholaftiques l'ont combattue, ainfi que Catharin & Chriftophle de Capite Fontium pendant & depuis le Concile de Trente. Aucun d'eux n'a pas moins cru la préfence réelle: ainfi le différent avec les Grecs fur l'Invocation n'empêche pas qu'ils ne la croient, & on peut voir ce qui a été dit fur ce fujet dans le volume précédent.

Pour ce qui concerne l'article de la Primauté du Pape, on fait affez que les Grecs ne la veulent pas reconnoître ; & il s'eft fait un fi grand nombre d'Ecrits fur cette matiere, que ce feroit de quoi faire un ouvrage entier fi on vouloit les examiner. Les Grecs ont fait voir plus de paffion que de capacité dans l'Hiftoire Eccléfiaftique lorfqu'ils ont traité cette question, puifqu'ils ont employé plus de fauffetés & de fables que de raisons folides pour foutenir leurs prétentions. C'est ce qu'on peut obferver dans le Traité de Nectarius Patriarche de Jerufalem qui a écrit le dernier fur ce fujet, & dont l'ouvrage imprimé en Moldavie, a été traduit en latin par M. Allix. Nectarius combattoit un adverfaire trèspeu capable de foutenir la difpute, & qui lui donnoit un grand avantage par de fauffes citations, & par le mélange qu'il faifoit de ce qui eft reconnu par tous les Catholiques, & de ce qui peut avoir été contesté par quelques-uns. Mais ce Patriarche Grec n'eft pas plus excufable d'avoir employé des preuves auffi foibles, comme l'histoire de la Papeffe Jeanne, & d'autres femblables faits auffi faux & auffi abfurdes.

Les Protef Cependant il paroît que les Proteftants ont fait grand cas de ces fortes tants ont d'ouvrages car ils ont imprimé le Traité de Nil contre la Primauté du fait valoir les Traités Pape, & M. de Saumaife après la premiere édition, en fit faire une fedes Grecs conde avec d'amples commentaires. De même en Angleterre on imprima divers Traités de Grecs fur le même fujet, & enfin on y a publié la traduction de celui de Nectarius. Mais ce qui a été remarqué fur quelques autres points de controverfe peut convenir à celui-ci. C'eft qu'il eft difficile. de comprendre quel avantage prétendent tirer les Proteftants du fchifme des Grecs, & de ce qu'ils ont renoncé à la Communion & à l'obéiffance du Pape. Car la principale raifon que ceux-ci allegaent, eft que nous avons une opinion erronée touchant la Proceffion du Saint Efprit, que nous avons ajouté au Symbole, que nous employons les Azymes. dans la célébration de l'Euchariftie, & que nos Rites ne font pas fem

blables aux leurs; chofes qui ne regardent en aucune maniere les Protestants, qui, pour les deux premiers points, font entièrement d'accord avec l'Eglife Romaine. Ce n'eft pas à caufe de l'abus des Indulgences, ni à caufe que nous croyons la préfence réelle & la Tranffubftantiation, ni parce que nous honorons les Saints, les Reliques, les Images & le figne de la croix: ni parce que nous croyons que les voeux de Religion doivent être obfervés, ainfi que les préceptes de l'Eglife touchant les jeûnes, ni parce que nous croyons le Baptême de néceffité abfolue, que nous recevons la puiffance des Clefs de l'Eglife pour la rémiffion des péchés; que nous refpectons la Tradition, & que nous avons la doctrine & la pratique de cinq Sacrements abolis dans la Réforme. Ce n'est pas non plus parce que nous croyons que les Evêques & les Prêtres ne font pas égaux; & que les Prêtres, encore moins les Laïques, ne peuvent pas ordonner les Miniftres des Autels. Enfin ce n'eft pas parce que nous recevons l'Epifcopat & la Hiérarchie Eccléfiaftique, puifque les Grecs la reconnoiffent eux-mêmes. Ainfi cette difpute n'a pas eu d'autre origine que des prétentions réciproques touchant les limites des Diocefes entre les Papes & les Patriarches de Conftantinople.

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la Hiérar

Les Grecs enfuite ont pouffé ces divifions jufqu'à fe fouftraire de la Les Grecs Communion de l'Eglife Romaine, en renonçant à l'obéiffance canonique ont cepenqu'ils avoient jufqu'alors rendue aux Succeffeurs de S. Pierre, alleguant fervé la pour raison les héréfies dans lesquelles ils prétendent qu'ils font tombés, forme de & qui nous font communes avec les Proteftants. Mais l'Eglife Grecque chie. eft demeurée sous le gouvernement des Evêques, des Archevêques, des Métropolitains & des Patriarches, & elle a condamné dans les Théologiens de Wittemberg, & dans Cyrille Lucar, les opinions fur lesquelles les Proteftants ont renoncé à celle du Pape, & renverfé toute la forme ancienne de la Hiérarchie. Ainfi quoi qu'ils difent, il n'y a rien de commun entre leur doctrine fur ce fujet & celle des Grecs. Car tous les raisonnements des Grecs ne tendent pas à prouver que le Siege de Rome n'est pas le premier, comme étant celui de S. Pierre Prince des Apôtres, parce qu'ils en conviennent: mais ils prétendent que les Papes ont perdu leurs anciens privileges; & cela par deux raifons qui influent dans presque tout ce qu'ils ont écrit fur ce fujet. La premiere & la principale eft, que les Papes & l'Eglife Romaine ont renoncé à la foi de S. Pierre, ce qui fe rapporte à la doctrine de la Proceffion du Saint Efprit, à l'addition au Symbole & à la différence des Rites de l'une & de l'autre Eglife. Les Proteftants ne peuvent pas tirer avantage de ces foibles raifons, puisqu'en ce qui regarde la Proceffion du Saint Esprit & l'addition du Symbole, ils font d'accord avec nous: & que pour les Rites, ils font auif

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