Imágenes de páginas
PDF
EPUB

menace. Vous pourriez même, belle Léonor, m'aider en cela, si vous me jugiez digne de m'attacher à vous. Eh! de quelle maniere, dit-elle, puisje contribuer à rompre le mariage que le roi vous a proposé? Ah! madame, répliqua-t-il d'un air passionné, si vous vouliez recevoir ma foi, je saurois bien me conserver à vous, sans que ce prince m'en pût savoir mauvais gré.

Permettez, charmante Léonor, ajouta -t-il, en se jettant à ses ge- ' noux, permettez que je vous épouse en présence de la dame Marcelle; c'est un témoin qui répondra de la sainteté de notre engagement. Par-là, je me déroberai sans peine aux tristes nœuds dont on veut me lier; car si après cela le roi me presse d'accepter la dame qu'il me destine, je me jet

terai aux pieds de ce monarque, je lui dirai que je vous aimois depuis long-temps, et que je vous ai secrettement épousée. Quelque envie qu'il puisse avoir de me marier avec une autre, il est trop bon pour vouloir m'arracher à ce que j'adore, et trop juste pour faire cet affront à votre famille.

Que pensez-vous, sage Marcelle, ajouta-t-il en se tournant vers la gouvernante, que pensez-vous de ce projet que l'amour vient de m'inspirer ? J'en suis charmée, dit la dame Marcelle; il faut avouer que l'Amour est bien ingénieux! Et vous, adorable Léonor, reprit le comte, qu'en ditesvous? Votre esprit, toujours armé de défiances, refusera-t-il de l'approuver? Non, répondit Léonor, pourvu que vous y fassiez entrer mon pere;

je ne doute pas qu'il n'y souscrive, dès que vous l'en aurez instruit.

Il faut bien se garder de lui faire cette confidence, interrompit en cet endroit l'abominable duegne; vous ne connoissez pas le seigneur dom Luis, il est trop délicat sur les matieres d'honneur, pour se prêter à de mystérieuses amours. La proposition d'un mariage secret l'offensera; d'ailleurs, sa prudence ne manquera pas de lui faire appréhender les suites d'une union qui lui paroîtra choquer les desseins du roi. Par cette démarche indiscrete, vous lui donnerez des çons; ses yeux seront incessamment ouverts sur toutes nos actions, et il vous ôtera tous les moyens de nous

voir.

soup

J'en mourrois de douleur! s'écria notre courtisan. Mais, madame Mar

celle, poursuivit-il en affectant un air chagrin, croyez-vous effectivement que dom Luis rejette la proposition d'un hymen clandestin? N'en doutez nullement, répondit la gouvernante; mais je veux qu'il l'accepte, régulier et scrupuleux comme il est, il ne consentira point que l'on supprime les cérémonies de l'église; et si on les pratique dans votre mariage, la chose sera bientôt divulguée.

Ah! ma chere Léonor, dit alors le comte, en serrant tendrement la main de sa maîtresse entre les siennes, fautil, pour satisfaire une vaine opinion de bienséance, nous exposer à l'affreux péril de nous voir séparés pour jamais! Vous n'avez besoin que de vous-même pour vous donner à moi. L'aveu d'un pere vous épargneroit peut-être quelques peines d'esprit ;

mais, puisque la dame Marcelle nous a prouvé l'impossibilité de l'obtenir, rendez-vous à mes innocens desirs. Recevez mon cœur et ma main; et lorsqu'il sera temps d'informer dom Luis de notre engagement, nous lui apprendrons les raisons que nous avons eues de le lui cacher. Hé bien! comte, dit Léonor, je consens que vous ne parliez pas sitôt à mon pere. Sondez auparavant l'esprit du roi, avant que je reçoive en secret votre main; parlez à ce prince, dites-lui, s'il le faut, que vous m'avez secrettement épousée. Tâchons , par cette fausse confidence..... Oh! pour cela non, madame, repartit Belflor, je suis trop ennemi du mensonge, pour oser soutenir cette feinte; je ne puis me trahir jusques-là. De plus, tel est le caractere du roi, que s'il venoit à dé

« AnteriorContinuar »