toutes les fois qu'il reparoît, et il reparoît souvent. C'est en effet une des plus jolies petites pieces qui soit sur notre théâtre, non que le fond en soit bien riche, ni bien moral, tant s'en faut, car il ne s'agit que de deux frippons de valets, dont l'un veut se faire passer pour son maître, et avec le secours de l'autre, épouser celle qu'il aime, afin d'emporter la dot; mais les scènes sont si bien liées, les situations si bien contrastées, il y a un comique si vif et si naturel dans tout ce que disent les acteurs, que sans être fort intéressé, on est сс infiniment diverti. L'endroit où La Branche cherchant la lettre de son maître, parmi plusieurs autres, dont il fait lire ou lit les adresses: «<< A «А << monsieur Craquet, méde<«< cin, rue du Sépulcre ; à << monsieur Bredouillet, avo<<< cat au parlement, rue des « Mauvaises paroles, etc. » me paroît être l'original de ces plaisanteries de suscriptions si souvent répétées depuis sans beaucoup de mérite; car s'il y en a quelqu'un dans ces sortes de jeux d'esprit, il est tout pour l'inventeur, n'y ayant rien de plus facile que l'imi tation, qui en pareil cas est un vrai larcin. Le Sage racontoit que Dom César Ursin et Crispin rival, ayant été joués à la cour presqu'en même temps qu'à la ville, y avoient éprouvé un sort entièrement opposé. On applaudit beaucoup à Dom César, et l'on hua impitoyablement Crispin. Ce n'est pas l'unique exemple de la bizarrerie ou de la contradiction des arrêts des spectateurs en fait de pieces de théâtre. Le temps a confirmé celui des citadins et cassé celui des courtisans. Il composa tout de suite son Turcaret, qu'il fut plus aisé de faire recevoir que de faire représenter. Il avoit eu la facilité de divulguer son dessein et de se livrer, dans des maisons particulieres, à ces lectures si fort à la mode, qui sont autant de sacrifices faits, moins encore à la curiosité des auditeurs, qu'à l'orgueil de l'auteur, et qui entraînent toujours après elle de grands inconvéniens. Les financiers, les gens d'affaires qui ont toujours du crédit dans les spectacles, éveillés par la rumeur que ces lectures produisirent, firent cabale parmi les actrices, et il ne fallut pas moins qu'un ordre de monseigneur pour lever l'obstacle qui tenoit la piece en suspens. La preuve de ce fait est consignée dans le registre de la comédie, année 1708. On y lit : « Il y a eu quel« ques difficultés au sujet de la représentation de la comédie « de Turcaret, qui furent le«vées par un ordre de monsei сс сс сс << gneur, du 13 octobre 1708, « conçu en ces termes : Monseigneur étant informé que « les comédiens du roi font « difficulté de jouer une piece « intitulée Turcaret ou le Fi«nancier, ordonne auxdits |