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cher la Protection de VOTRE ALTESSE SE'RE'NISSIME. C'eût été une présomption, de nous trop bâter de remplir un engagement fi difficile: ce feroit une ingratitude, de tarder davantage.

Quelle affurance ne nous infpire pas, MONSEIGNEUR, la Gloire immortèle dont vous vous ètes couvèrt par vos Exploits!

Toute l'Europe retentit des Louanges de VOTRE ALTESSE SERENISSIME. Vos glorieufes Campagnes vous ont mérité les Eloges du ROI, l'admiration des Chefs les plus éxpérimentés, la confiance & l'amour des Troupes, au mème-tems qu'el les vous ont rendu la Tèrreur des Enemis de l'Etat. La haute Réputation qu'elles vous ont acquife, MONSEIGNEUR, ne peut manquer d'attirer fur nous, de la part du Public, des regards indulgens. On fe croira obligé de traiter avec moins de rigueur une Société formée fous les Aufpices d'un Héros fi chèr à la Patrie ; & la plus févère Critique s'adoucira, en nous voyant, en quelque forte, à l'ombre de votre Nom & de votre Gloire. Nous fomes avec un très-profond réspect,

MONSEIGNEUR,

DE VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME

Les très-humbles & très-obéiffans Sèrviteurs,
LES ACADEMICIENS DE L'ACADEMIE
ROYALE DES BELLES-LETTRES DE
LA ROCHELLE.

LETTRE

É CRITE

PAR M. DE CHASSIRON,

Tréforier de France, & Confeiller d'Honneur au Préfidial,

A M. DE BOLOGNE, Sur l'établissement de l'Académie.

A place que l'Académie vient de vous donner, Monfieur, excite votre curiofité fur fon origine, fes Statuts & les occupations; vous voulez que je vous en inftruise & vous me raffurez contré la crainte de vous ennuyer par des détails qui ferviront à vous faire mieux connoître une Compagnie que vous aimeż, & à la gloire de laquelle vous deftinez déformais vos talens. Je ne fçais point résister à vos ordres je vais tenter de répondre à ce que vous attendez de moi. Cependant je ne tranfcrirai pas toutes les Piecès en entier ; il y en à plufieurs qui me manquent dont je ferai mention feulement, & d'autres que ma pareffe aura foin d'abréger. A ces conditions je me livre à votre impatience mais

A

:

fouvenez-vous, je vous prie, que l'hiftoire d'un établiffement littéraire ne peut guéres affecter que les perfonnes qui ont déja du goût, & qu'on peut, encore la fauver difficilement de cet air fec ou languiffant, fi commun aux relations d'événemens particuliers.

à

La naiffance de l'Académie de la Rochelle peut certains égards être comparée à celle de l'Académie Françoife. Des gens de goût ou du moins des amateurs des Lettres fe raffemblent fans autre deffein que de fe communiquer leurs lumieres, & de profiter des obfervations qu'ils feront fur leurs ouvrages & leurs lectures. Ils errent, pour ainsi dire, de maison en maison pendant quelques années, & l'amour de l'étude foutient leur zele dans une fituation également incommode & incertaine. Cependant cette Societé trop libre, trop indépendante, & par-là peutêtre voifine de fa chute, malgré cette ardeur qui forme les nouveaux établissemens, fe voit tout à coup érigée en Académie & affujettie à des Loix confacrées par l'autorité Royale.

Ne croyez pas, Monfieur, que nous prétendions nous faire un mérite de quelques traits de reffemblance que la plupart des Académies du Royaume ont comme nous avec l'Académie Françoise. Pour partager la gloire, il faudroit lui reffembler dans les progrès. Il y avoit près de deux ans que la Societé littéraire étoit formée, & qu'elle fe préparoit un accès favorable auprès de Monseigneur le Prince de Conti, lorfque Son Alteffe Séréniffime accompagnée de la Princeffe fa mere vint prendre poffeffion de fon Gouvernement de Poitou au mois de Juin 1730; devenue plus hardie par cette heureufe circonftance, elle n'écouta plus que fon ambition, elle fentit le droit qu'elle avoit à la Protection d'un jeune Prince, iffu de Heros qui tous aimerent les

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lettres, & chargea l'Abbé Girouard de l'aller folliciter. Le choix étoit réfléchi; l'Abbé Girouard, plein de ce zele ardent qui franchit les obftacles, avoit puifé pen

dant vingt ans dans une Compagnie célébre un grande Jesuites. fond d'érudition, beaucoup de facilité à parler fur le champ, & il fe préfentoit d'ailleurs avec ces dehors infinuans qui réüffiffent toujours parce qu'ils plaifent. La Rochelle eft fameufe depuis plufieurs ficcles par fon Commerce, par la valeur de fes habitans, & s'il étoit permis de le dire, par fes guerres; mais elle étoit moins connue du côté de l'érudition & de la litterature, quoiqu'elle ait fourni plufieurs fujets en ce genre. (a) Cela pouvoit former un préjugé, & combien dans ces occafions le préjugé n'eft-il pas capable d'intimider! Cependant l'Abbé Girouard ne laiffa pas de s'adreffer avec confiance à M. de la Chevaleraye Gouverneur du Prince; il lui expliqua le deffein de l'Académie naiffante & lui montra le Placet qu'il avoit ordre de préfenter. L'amour des beaux Arts, le défir d'en étendre les progrès, & une connoiffance exquife de ce qu'ils ont d'agréable & d'utile, engagerent M. de la Chevaleraye à fe charger de la propofition. Le Placet fut lu devant Leurs Alteffes Séréniffimes, & dès lors nous nous vîmes affu rés d'une Protection qui avoit été l'objet de tous nos defirs.

Vous feriez fans doute bien aife de trouver ici cette piéce en entier ; un fuccès fi glorieux doit vous en donner une idée très avantageufe, & vous admireriez au moins notre bonheur fi vous n'admiriez pas notre éloquence; mais contentez-vous de fçavoir que le Placet contenoit en substance: Qu'il s'étoit for mée depuis quelques années à la Rochelle, comme dans plufieurs Villes du Royaume, une Societé litteraire; Que la conformité de mœurs, d'inclinations (a) Voyez le Mercure de 1737.

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& de goût avoit réuni des hommes de Lettres de
toutes les conditions, dans le deffein de s'entrete-
nir des Ouvrages d'efprit qu'avoient produits les Sié-
cles d'Augufte & de Louis le Grand
Que ce
glorieux Monarque & fon Augufte Succeffeur ayant
permis qu'on ajoûtat à leurs Titres celui de Protec-
teur de l'Académie Françoife, les amateurs des Bel-
les Lettres qui formoient la nouvelle Societé ofoient
efpérer que S. A. S. permettroit qu'on ajoûtat aux
fiens ceux de Fondateur, & de Protecteur de leur
Académie
Que les Condés & les Contis,
dont les Noms auguftes furent également terribles
aux ennemis de l'Etat & favorables aux Muses, re-
cueillirent fouvent celles-ci dans leurs Palais & leur
accorderent toujours une éclatante protection; Que
l'exemple de tant de Héros, devoit être une Loi
d'autant plus perfuafive pour S. A. S. qu'elle ve-
noit de triompher parmi les nourriffons du Parnaffe.(a)
Préfage heureux des victoires qu'elle remporteroit
un jour, lorfque fur les traces de fes Ayeux elle iroit
reconnoître leurs trophées & pouffer plus loin les
limites de l'Empire François, &c.

La fin portoit que les nouveaux Académiciens. (car déja l'efperance leur faifoit prendre ce titre) employeroient tous leurs efforts pour juftifier les bontés de L. A. S. & qu'ils attendroient avec empreffement le jour heureux où ils pourroient leur rendre des hommages publics.

Tous les fentimens d'ambition, de vanité-même, fi vous voulez, que la nouvelle Societé avoit pu concevoir, furent pleinement fatisfaits au retour de PAbbé Girouard. Elle apprit encore avec une extrême plaifir que M. le Comte de Bourfac, rempli de cette noble générofité qui diftingue les perfonnes

(a) Prix remporté par fon Son Alteffe Séréniffime, au College de Louis le Grand.

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