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fouvent que
la mort étoit pour lui préférable à la
vie, & il le répetoit à Guadagne toutes les fois que
celui-ci venoit le trouver:

Pour répondre aux intentions du Roi qui fouhaitoit la paix, la Noue en fit valoir les avantages dans un Confeil. On répondit que toute propofition de paix étoit dangereufe dans ces conjonctures : que les ennemis avoient été fur le point de fe rendre maître de Sancerre, comme on parlementoit, que dans un tems de trêve & d'inaction, on s'endormiroit fur la foi d'un Traité qui ne feroit pas conclu, & que la Cour profiteroit de cette négligence, pour le ménager quelque coup de furprise contre la Rochelle.

Toute les mefures d'accommodement étant rompues, Biron que le Roi avoit hommé Gouverneur de la Rochelle, fit avancer les Troupes après en avoit fait la revue à Beauvais fur Niort, & vint s'empa res des principales avenues de la Place:

La Noue l'inquiétoit par de fréquentes forties. A Rompfay il força les retranchemens du quartiera Cette action coutà la vie à un grand nombre de foldats du camp. A Tâdon il vint harceler l'ennemi le 3 de Février. Le lendemain il attaqua un détache ment qui s'étoit avancé jufqu'à la maison de la Corderie.

Cependant on le mettoit en état de commencet les opérations du Siége. On avoit déja amené au camp foixante piéces d'artillerie. Le Duc d'Anjou qui devoit faire le Siége, arriva quelque tems après.

Comme on taffembloit une grande quantité de Barbot. gabions au Village de la Fond, la Noue à la tête de trente Cavaliers & de trois cens Fantaffins, fortit de la Ville à deffein d'inquiéter les affiégeans. Le Duc d'Anjou en ayant eu avis, donna ordre à Ber

zigni d'aller reconnoître les ennemis. La Nouë le voyant avancer tumultuairement & avèc fierté fembla craindre de l'avoir en tête. Il fe replia fur la gauche, prévoyant que cette manœuvre qui avoit un air de fuite, rendroit Berzigni & plus hardi & moins attentif au défordre de fa marche. Enfuite la Noue vint l'attaquer en flanc. Celui-ci tint ferme fans s'ébranler. Coffeins étant accouru à son secours, pouffa la Noue & le contraignit de reculer au-delà de quelques maifons ruinées, voifines du glacis. Des troupes fraiches vinrent renforcer le détachement des affiégés. Coffeins loin de fe retirer en bon ordre, continua le combat ; inférieur en nombre, affoibli par la perte de fes gens, il alloit être taillé en piéces, lorfque de nouveaux fecours envoyés par le Prince, firent retirer les ennemis.

Cette action qui dura près de fix heures, couta bien du fang aux deux partis. Il demeura du côté des affiégés trois capitaines fur la place. La Nouë eut deux chevaux tués fous lui, & Saporta fut bleffé. (a)

Durant le combat les femmes Rocheloifes s'élevant au-deffus de la timidité de leur fexe, portoient des rafraichiffement aux Citoyens qui combattoient. Elles les animoient par leurs cris, & foulageoient Barboti les bleffés par des foins généreux. L'une d'entre elles, empruntant le courage d'un guerrier déterminé, fe préfenta fur le champ de bataille, ôta à un foldat mort fes habits & fes armes, & s'en retourna parée des dépouilles de l'ennemi.

Les affiégeans compterent parmi les bleffés Guife, Thuan grand Ecuyer du Duc d'Anjou, Auchy Gentilhomme de fa Chambre, Boniface de la Mole, Jean de la Garde Devins, Serillac, & Louis Berton de Crillon. (b)

(a) Voyez la note à la fin de la Relation,

Voyez la note ibidem.

niere.

La nuit de cette fanglante journée, on ouvrit la tranchée vers la Porte de Cognes. On conftruifit une redoute fur les ruines d'une maison voisine nommée Palerac, & l'on éleva un Fort près du moulin de la Brande.

Le dernier jour de Février, on commença de tirer fur les défenfes de la Place, lefquelles s'étendoient depuis la Tour d'Aix, jufques au bastion de l'Evangile. Les forties des affiégés étoient fréquentes. Il y eut une action fort vive le trois Mars. Sur la fin du combat un boulet tiré du bastion de l'Evangile, porta le Duc d'Aumale roide mort par

terre.

Quand les affiégés apprirent cette nouvelle, la joye fût peinte fur tous les vifages, & elle s'expliqua par des transports. On regardoit ce Prince comme un perfécuteur, qui avoit fait de Paris le théâtre de fa cruauté.

La Cour qui tentoit le fort des armes, revenoit toujours à des projets d'accommodement. Biron fit fçavoir aux Magiftrats que l'Abbé de Guadagne étoit arrivé de Paris, chargé de nouvelles inftructions Celui-ci écrivit à la Noue & au Maire. Il demandoit une entrevue au premier, lui marquant le vif défir qu'il avoit de s'aboucher avec lui, & de conférer enfemble, en présence de quelques Citoyens.

Dans la lettre adreffée au Maire, il faifoit de La Popeli- vives inftances pour être reçû dans la Ville. Il étaloit fon amour pour la paix & fon averfion pour ceux qui la troubloient par un excès de zéle; il s'élevoit avec force contre ces efprits turbulens, » qui voulant fubjuguer les confciences, ne penfoient qu'à combatre quand ils auroient dû » inftruire, & faifoient regner la Religion par la vio »lence, au lieu d'en affermir l'empire par la perfua» fion. Enfin il se déclaroit pour un fyftême de me

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nagement

nagement & de condefcendance, qui engageat les Citoyens à fe tolérer mutuellement, & à ne pas mettre la diverfité de créance, au nombre de ces » crimes, dont il falloit pourfuivre la vengeance les » armes à la main

Envain Guadagne cherchoit les routes qu'il croybit devoir le conduire à la confiance des Rochellois. Il trouva toutes les avenuës fermées. Quoiqu'il fut reconnu pour un efprit pacifique, fa qualité d'Eccléfiaftique le rendoit fufpect. On craignoit que les grands fentimens qu'il déployoit dans fes lettres, ne vinffent moins des vraies difpofitions de fon cœur que de fon habileté à les feindre. On répondit qu'on ne pouvoit pas accorder l'entrevûë qu'il demandoit. La Noue obtint enfin à force de prieres ce qu'il Barbot n'avoit pû d'abord obtenir du Confeil, je veux dire, de négocier de vive voix & par écrit. Il fût convenu que le moulin d'Amboife feroit le rendez vous des Députés. Deux jours après la Nouë ayant convoqué le Confeil de Ville, fit le rapport de ce qui s'étoit paffé à la derniere entrevûë. La Séance für employée à difcuter les grands intérêts de la Patrie. Les uns étoient d'avis de ne rien négliger pour confommer les négociations entamées; ils fe déclaroient pour la paix, parce qu'on n'avoit aucune nouvelle de la flotte d'Angleterre. Les autres prétendoient au contraire qu'on devoit fe refufer à toutes les propofitions qui feroient faites; que c'étoit au prix du fang & des travaux d'un long fiége qu'il falloit acheter la tranquillité de la Patrie & des Eglifes Proteftantes.

Comme on ne pouvoit rien ftatuer fur cette matiere, fans le confentement du peuple, on l'affem

niere.

bla dans la Salle de Saint Yon. Un Miniftre étran- La Popeli ger parlant au nom des Miniftres réfugiés, dit qu'on ne pouvoit prendre de parti plus dangereux que C

celui de la paix qu'après tout ce qui étoit arrivé, les
difpofitions de la Cour ne devoient être regardées,
que comme un vain prétexte; que fi les apparences
changeoient, le cœur ne changeoit pas ; qu'en dé-
fendant le libre exercice de la Religion à toutes les
Villes du Royaume, & en l'accordant à cette Ville,
elle montroit par une conduite contradictoire qu'elle
permettoit ce qu'elle ne vouloit pas, & ce qu'elle ne
permettroit plus, dès qu'elle pourroit le défendre;
que la grace accordée aux Rochellois, étoit une
grace paffagere, ou plutôt une impuiffance de refu-
fer ce qui étoit accordé; qu'au refte fi l'on faifoit
la paix, il falloit que la fûreté de leurs Freres,
la liberté des Eglifes décidaffent de l'accommodement.

&

Le Confiftoire fut de même avis, & le peuple opina comme les Miniftres. Il fut arrêté qu'on ne négocieroit déformais que par écrit, & qu'on n'acquiefceroit qu'à une paix générale, qui comprît toutes les Eglifes du Royaume.

Deux jours après on tint une autre affemblée. La Noue y fit paroître des fentimens dignes de fon grand cœur. Il parla fi hautement pour la paix, qu'on réfolut de tenter encore la voye des conférences qu'on venoit de rejetter. Ainfi le peuple étoit livré à l'indécifion, & à une contrariété de fentimens, que les divers Chefs fçavoient exciter & détruire,

On renoua les pourparlers, mais inutilement. Barbot. Dans un Confeil ou fix Miniftres furent appellés pour donner leur avis, on conclut que la Ville fe défendroit jufqu'à la derniere extrémité, qu'à l'avenir on n'enverroit plus de Députés, & que les réponfes fe feroient par un Tambour. Une affemblée générale confirma cette délibération. Mais quelqu'un ayant représenté au Confeil que les Députés de la Ville avoient promis au Duc d'Anjou, de fe rendre auprès de lui, & qu'il étoit plus dangereux de man

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