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niere.

quer de parole à ce Prince, que de ne pas fe conformer au réfultat de l'affemblée; les Miniftres qui étoient préfens, dirent qu'ils s'appercevoient qu'on les appelloit, moins pour entendre ce qu'ils avoient à dire de la part de Dieu, que pour les infulter, La Popeli en méprifant leur avis, folemnellement approuvé. Nous avons auffi la parole de Dieu, leur repliqua Chaillou, & quand vous parlez ainfi, ce font vos propres avis que vous avancez. La-deffus Robert David ajouta qu'il étoit étonnant, qu'une délibération folemnelle ne fût pas fuivie. Le Confeil ne déféra pas aux avis de cet homme turbulent.

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Il fut réglé que les Députés, felon leur engagement fe rendroient auprès du Duc d'Anjou. La Nouë prenant alors la parole, s'éleva contre ces efprits bouillans, qui ne s'étudioient qu'à jetter des obftacles fur le chemin de la paix.

Cette Ha

eft

traduite du

» MESSIEURS, dit-il, quand je parcours les divers » événemens de la vie, le théatre de la guerre offre rangue » à mes yeux la fcène la plus lugubre. Je vois des LatindeCau » Cités défolées & teintes du fang de ceux qui les rian, » défendoient, les richeffes des Citoyens envahies, » le fexe en proye à la licence effrenée, & le Vain»queur écoutant plus fes défirs que fes devoirs. » A la vûe de cette image affreuse les gens fages s'arrêtent au-lieu de courir aux armes ; ils ne les prennent qu'après avoir long-tems balancé leurs » forces & celles de leurs ennemis. Les imprudens » au contraire, portés par le mouvement rapide de » leurs paffions, entrent les yeux bandés dans cette périlleufe carriere & ils y périffent.

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»Vous qui voyez aux pieds de vos murs une armée nombreufe, avez vous bien envifagé les malheurs qui accompagnent un fiége? Vous n'avez » pour vous qu'une poignée de Combattans, des ef»pérances incertaines & de foibles remparts. Com

»ment pourrez vous entreprendre & foutenir une » guerre ? Quelle digue oppoferez vous au torrent >>qui vous menace? Quelques foldats, intrépides à »la vérité, mais en petit nombre, feront vaincus » par leur propre foibleffe. Les reffources de leur »courage leur deviendront inutiles, quand ils lutte»roient d'abord avec quelque fuccès contre la valeur » de l'Ennemi.

»On n'épargnera ni foins ni dépenses pour vous » réduire. Si vous fuccombez, la défolation & la » mort regneront au milieu de vous. Ceux qui au»ront échappé à la fureur du foldat, verront leurs biens paffer dans fes mains avides. Votre patrie » ruinée de fond en comble, ne fauvera que fon » nom des malheurs publics, & fur les déplorables » débris, de nouveaux habitans viendront établir » leur demeure.

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"Quand même par une défense opiniâtre, les » foffés de la Rochelle deviendroient le tombeau des » affiégeans, leurs cendres, fi j'ofe le dire, enfante»roient de nouveaux foldats pour vous perdre. Vo»tre Roi, plus irrité encore, améneroit d'autres » fecours, intérefferoit les Etrangers à votre perte, & vous accableroit enfin fous le poids d'une »juftice rigoureufe, & à jamais mémorable.

"C'en eft fait. Il ne veut pas laiffer furvivre à »fes difgraces, un parti dont les Chefs ne font plus. » Il veut que tous plient fous le joug de l'autorité » légitime, terraffés par les efforts de fon bras, ou volontairement foumis.

»Je le fçai, vous avez des partifans, les uns ou» vertement déclarés, les autres dont la fourde ami»tié n'eft pas moins vive. Il ne faut pas vous ca» cher auffi que le nombre de ceux qui vous haïffent, »eft encore plus grand. Comme l'amitié & la haine reglent les noms qu'on donne aux chofes, vos

ennemis traitent de fol orgueil votre résistance, & » s'efforceront à l'envi de la reprimer.

"

"Que la fituation des affaires préfentes foit pour » vous le fujet d'une attention réfléchie. Penfez que »le mal fera bientôt fans remede. Inveftis de toutes "parts, vous ne recevrez aucun fecours. Mais que »>dis-je ? vous ne devez pas même en efpérer.

»Pour faire paffer le Rhin aux Allemans, il faut »donner des ôtages & diftribuer des fommes confi"dérables. Leurs vieilles Troupes ne combattront pas >> contre le Roi ; il a fçû les defarmer par fes lar"geffes.

»La Reine d'Angleterre, attentive aux démar »ches du Duc d'Alençon, qui la recherche en ma»riage, ne voudra rien opérer de folide en votre » faveur. La paix qu'elle défire la tiendra dans l'inac

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>>tion.

"Qu'on s'empreffe de vous fecourir, je le veux, »ne croyez pas que la balance panche encore de vo»tre côté. Aux efforts des Puiffances Protectrices, le » Roi d'Espagne, le Pontife de Rome, & les Princes "d'Italie, oppoferont leurs efforts réunis. Un zéle »de Religion leur fait un intérêt perfonnel, des » intérêts du Roi de France.

رو

» Je n'ai de fentiment que pour vous plaindre, quand je penfe qu'on vous infpire la réfolution de » tout fouffrir, plutôt que de vous foumettre. Cet » efprit de roideur & de défefpoir, étouffe dans vo"tre cœur la tendreffe & la pitié que vous devez à »vos femmes & à vos enfans, Par une obftination » cruelle, vous allez combler leurs malheurs, vous » qui pourriez par une fage foumiffion mériter leur "grace & la vôtre.

»La fituation avantageufe de la Rochelle, fem»ble vous promettre qu'une longue défense fera couronnée par d'heureux fuccès: frivole avantage

Amiraut.

»fans des Troupes auxiliaires. Teroüenne, Duren, »Thionville étoient des Places fortes; voyez le trifte fort qui vous menace, gravé en caracteres effrayans fur les cendres encore fumantes de ces » Villes infortunées.

دو

» Le Foible, courageux fans prudence, prend les >> armes & ne fent pas tout le péril attaché à cette entreprife. Il n'appartient qu'aux Souverains d'en foutenir le poids, & fouvent ils en font écrafés. Je » vous confeille de vous rendre, & je vous en conjure acceptez des conditions raifonnables. A ce prix, vous retrouverez le cœur de votre Prince, La même main qui s'eft appéfantie fur vos freres, levera tous les obftacles qui s'oppofent à votre bonheur...

» Prêtez vous à un accommodement, puifqu'il en » eft tems encore. Si vous demandez la sûreté publique, le libre exercice de la Religion, & la confer»vation de vos privileges, je vous promets d'appuyer »vos demandes, & de ne rien négliger afin qu'elles » foient répondues d'une maniere conforme à vos defirs. Je tenterai tout pour une Ville qui m'eft infini»ment chere, qui a vû couler mon fang pour fa dé» fenfe, & dont je racheterois la tranquillité par celui qui coule encore dans mes veines. «

رو

دو

دو

Le difcours de la Nouë étonna tous ceux qui l'entenLe Miniftre dirent. En effet, dit l'Hiftorien de fa Vie, il avoit raifonné en très- experimenté Capitaine, & en grand homme d'Etat; mais il ne perfuada que lesfages.Le zele, qutré des Miniftres reprit bien-tôt fes droits fur les efprits. On déclama contre le pacificateur avec moins de ménagement qu'on n'avoit fait jufques alors. On prétendoit que tout ce qu'il avoit dit n'étoit propre qu'à éblouir la multitude par de fauffes craintes, ou par de vaines promeffes; & qu'il falloit fe défier de ces piéges préparés avec beaucoup d'art. Le Miniftre la Place

Barbot.

fignala fur-tout la haine par des invectives; il pourfuivit la Nouë jufques dans fa maifon. Ni le mérite éclatant de ce grand homme, ni fes fervices paffés, ni le pouvoir que lui donnoit la Dignité dont il étoit revêtu, ne purent le garentir des emportemens d'un furieux. Entraîné par l'impétuofité d'une brutale fougue, la Place lui prodigua les noms de traître, de perfide, & de lâche deferteur de fon parti, & abjurant Thuanus, enfin toutes les bienséances, il lui donna un foufflet.

Le fage la Noue, calme dans le premier trouble qu'excite un affront inattendu, témoigna au Miniftre une infenfibilité généreufe, lui refufant jufqu'aux moindres marques de colere. Il empêcha que la Place ne fût tué à l'instant par les Gentilshommes de fa fuite, & il ordonna qu'on le menât à sa femme, lui faisant dire de pourvoir à la garde & à la conduite de fon mari, à cause du dérangement de fa raison.

Un procédé fi indigne méritoit, felon un célébre Amiraut Miniftre, la flétriffure de la dépofition; mais la pasfion colore les objets. On ne vit alors que du zele dans les emportemens d'un forcené, qui après un fi honteux écart ayant roulé d'excès en excès, fut enfin dépofé dans la fuite.

La Nouë forma alors la réfolution d'exécuter l'ordre fecret qu'il avoit de se retirer. Il n'avoit pris le Com mandement de la Ville que dans l'efpérance d'amener les affaires à un accommodement; il voyoit fes efpérances ruinées par la fermeté farouche des Factieux. Proteftant par perfuafion & non par efprit de cabale, il déteftoit toutes les intrigues de parti; fouhaitant toujours la paix & ne l'efperant plus, il fe retira au camp. fuivi de quelques Gentilshommes.

Cependant le Duc d'Anjou pouffoit le Siége avec Barboty vigueur. L'artillerie foudroyoit cette grande face qui s'étendoit depuis la tour d'Aix, près de la porte de Cognes, jufqu'au bastion de l'Evangile, & qui fe re

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