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Faurian.

pliant au-delà de ce baftion, embraffoit l'efpace.compris entre la Tour de la Crique & les deux Tours de P'ancien Château. On s'attacha fur tout à ruiner le baftion de l'Evangile,& une breche confiderable favorisant l'attaque, le Général ordonna l'affaut. Le choc dura deux heures avec un acharnement réciproque. Le Duc voyant que le jour étoit fur fon déclin, & que les uns & les autres n'étoient point ébranlés, fit fonner la retraite, & l'on regagna les retranchemens; il en coûta aux affiégeans plus de trois cens hommes.

Durant l'attaque les femmes Rochelloises lançoient des pierres & des feux d'artifice. Les enfans fe mêloient parmi les femmes, & les Miniftres devenus guerriers les animoient par leur exemple; ils fe perfuadoient que la Religion les chargeoit du double miniftere de Pasteurs pour inftruire les peuples, & de foldats pour répandre le fang humain; indécente bravoure dont malheureusement ils n'ont pas été les feuls coupables.

Un nouvel affaut fut fixé au dix d'Avril, l'action fut rude & fanglante, Les affiégés qui avoient confervé une cafematte, tiroient continuellement fur l'enne mi; d'autres, du haut du rempart accabloient de feux d'artifice ceux qui fe préfentoient au pied de la breche; les moufquetades renverfoient des rangs entiers; il fallut enfin ceder, & le Duc d'Anjou fe retira n'emportant avec lui que la fterile gloire d'une valeur malheureufe.

Les affiégeans fe logerent enfin fur les décombres de la breche. Les Rochellais s'étoient fi bien retranchés qu'on ne put les chaffer. Alors on prit le parti de miner; mais le principal effort de l'explosion de la mine fe dirigea vers les affiégeans, & fit périr trois cens hommes. Malgré cet échec les affaillans qui fe raffembloient monterent fur le débris; le choc y

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fut des

plus furieux pendant trois heures: une valeur récit proque rendit égal le fort du combat,

Il y avoit long-tems que les Rochellois attendoient la flotte auxiliaire; elle parut le dix-neuf Avril vers les quatre heures du foir. Ayant dépaffé l'Ile de Ré, elle vint mouiller entre Sablançeau & Chef-deBois. Le Duc d'Anjou qui s'attendoit à la voir paroître, avoit renforcé la flotte du Roi & garni les côtes de Milices. Pour fermer le paffage du Havre on avoit déja élevé par les ordres deux Forts des deux côtés de la barre ou du canal. Un grand Vaiffeau démâté fut enfoncé dans la vafe; devenu maffif & folide, il forma La Popeli au milieu des flots une efpece de boulevart redoutable aux affiégés.

Comme la communication n'étoit pas entierement ôtée, on fit une eftacade compofée de petits Bâtimens rangés à droite & à gauche. Après qu'on les eut efpacés, on les coula bas; les intervalles qui les féparoient furent fermés par des poutres flottantes qui s'élevoient & s'abbaiffoient, fe prêtant aux impulfions de

la marée.

Montgomeri Amiral de la flotte ennemie s'approcha, comme s'il eût voulu engager le combat avec les Vaiffeaux du Roi. Le Navire qu'il montoit, percé par un boulet dans fes Euvres-vives, auroit péri fans un prompt fecours: la plupart des Navires qui le fuivoient s'éloignerent alors, au lieu d'avancer fur la ligne pour faire leurs décharges. Montgomeri fut obligé de revirer de bord, & fe retira après avoir donné aux Rochellois le vain fpectacle d'une flotte prétenduëauxiliaire.

niere.

A peine les Anglois fe furent retirés qu'on recommença de canoner la Place. La réfolution de donner un nouvel affaut ayant été prise, on choisit l'élite des Troupes. On fit d'abord jouer cinq mines qui firent plus de mal aux affaillans qu'à ceux de la Ville: enfuite l'attaque commença; elle fut vigoureufe, & la réfif- Mervaulte tance le fut encore plus. Les femmes reparurent fur la

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fcene, & firent acte de foldats en nouvelles Amazones. Les Catholiques repouffés retournerent à la charge. D'un côté, le defir d'humilier un ennemi opiniâtre produifit des prodiges de valeur, & de l'autre un faux zele de Religion s'éleva jufqu'à des efforts. heroïques, Enfin après beaucoup de fang répandu l'on fe fépara.

Relation Le combat qu'on venoit de donner fut fuivi d'un au du Siége par tre où les deux partis s'attaquerent mutuellement avec une ardeur qui tenoit moins de l'intrépidité guerriere que de l'acharnement des bêtes feroces.

les Catholiquese

On reffentoit dans la Ville les maux qui marchent à la fuite d'un long Siége. L'avarice receloit les provifions, ou les vendoit à un prix exorbitant. Le peuple pour avoir des vivres, employoit tour à tour la rufe & la violence; on défendit ces excès fur peine de la vie: des Commiffaires furent nommés pour faire la recherche & la diftribution des denrées.

Les pauvres, trouverent une grande reffource dans les Sourdons, efpece de coquillage bivalve. Quand la mer s'étoit retirée, on en ramaffoit une grande quantité fur la vase & entre les cailloux. La prévention tou jours aveugle ne manqua pas de mettre cet événement fur le compte d'une Providence particuliere; on disoit qu'elle fuppléoit par des prodiges aux besoins des Fideles, faifant fortir du fond des eaux une nourriture inefperée, comme elle en fit autrefois tomber du ciel en faveur des Hebreux. Cette vaine apparence de miracle pieufement étalée aux yeux du peuple, fur prit fa crédulité, & enflamma fon zele, ou plutôt les Miniftres, dit le fincere la Popeliniere, fcurent bien s'en prévaloir, rendre la paffion du peuple & des foldats plus fouple & plus aifée à manier aux occurrences qui fe préfenterent.

Cependant les fix mille Suiffes que le Duc d'Anjou attendoit arriverent à Saint Xandre. Les foldats du

Camp accoururent fort loin à leur rencontre quelques Compagnies du Régiment de Goas étoient aux Tranchées, & la garde n'étoit pas bien exacte. Ceux de la Ville s'en étant apperçus, fortirent au nombre de quatre cens hommes, égorgerent tous ceux qui firent ferme, enclouerent plufieurs pieces de canon enleverent neuf drapeaux, quantité d'armes & les bagages de Strozzi & du Comte de Rets.

Le Duc d'Anjou qui craignoit de voir flétrir aux pieds des murs de la Rochelle les Lauriers qu'il avoit cueillis dans les Plaines de Jarnac & de Moncontour, réfolut de tenter un dernier effort,en donnant un affaut général à la Vilie. D'ailleurs il y fut déterminé par la nouvelle qu'il venoit d'apprendre, que le neuvième de Mai on l'avoit élû Roi de Pologne.

On commença d'abord par employer les reffources. de la mine: Goas monte le premier fur la breche, Strozzi eft chargé de le foutenir ; celui-ci ayant été renverfé d'un coup d'arquebufe, les foldats découragés ne combattirent plus avec vigueur; enfin ils lâcherent pied. On recommença l'attaque jufqu'à cinq tois; elle fut vigoureufement pouffée par le Prince de Condé & par les Ducs de Longueville & de Guife. Les Troupes laffées & rebutées ne feconderent pas longtems le courage de ces Seigneurs,

Pour réparer tant de mauvais fuccès, on ordonna une nouvelle attaque qui devoit commencer vers le milieu de la nuit.La Rochelle alloit être perdue par l'imprudence des affiégés, lorfque la mauvaise conduite des affiégeans la fauva. On appliqua les échelles, & quatre-vingt hommes monterent d'abord au haut du rempart. Deux Galcons qui avoient vieilli fous les ar- Thuanus mes, foldats des plus déterminés, ne prenant l'ordre Varillas que de leur impatience,& vrai femblablement d'un zele de Religion qui les attachoit aux Rochellois, s'écrierent à diverfes fois : Dedans, dedans, ils font à nous

Barbot.

Au bruit de cette allarme les Compagnies quí étoient de garde s'éveillerent, & fondirent brufquement fur l'ennemi. Les Royaliftes n'oppoferent au choc de la Garnifon qu'une foible réfiftance; ils tournerent le dos, & coururent aux échelles ; comme ils defcendoient avec précipitation, ils se renverserent fur le Duc de Longueville & fur faTroupe qui montoit à la file. Ce Prince tout meurtri de fa chûte & enseveli fous un amas confus d'hommes qui tomboient les uns fur les autres, ne perdit pas cependant courage; il trouva le moyen de se débarraffer, & se sauva dans sa

tente.

Delme Miniftre de Chatelleraud étoit venu défendre la breche ; il renverfa d'un coup de pique un foldat, fe jetta fur lui, l'égorgea d'un coup de poignard, le dépouilla de fes armes ; & s'en étant revêtu, vint au Temple fuivi d'une grande foule de peuple, rendre à Dieu des actions de graces de fa victoire. La Fortune fi ouvertement déclarée contre les affiégeans, ne raffuroit pas tous les habitans de la Rochelle. Plufieurs d'entr'eux craignoient que la Ville épuifée & manquant de vivres, ne cedât enfin à la néceffité de fe rendre, & que les Royaliftes, quoiqu'humiliés, n'obtinffent enfin du tems un triomphe qu'ils ne pouvoient obtenir par leurs efforts. Hs formerent la réfolution de fortir de la Ville ; & comme il n'étoit pas sûr de le faire fans l'agrément des Magiftrats qui avoient déja décerné des peines contre les fugitifs, ils convinrent entr'eux de fe préfenter au Confeil, & de lui demander la permiffion de fe retirer : ils crurent auffi devoir affocier à leur démarche des femmes de condition, comptant qu'on fe rendroit plus aifément à leurs raifons, & à leurs larmes fouvent plus perfuafives que les raisons même. Mais les Magiftrats furent infléxibles, Les citoyens dont la demande avoit été rejettée, imaginerent de dreffer une Requête tendante à ce qu'on

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