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LES CONSOLATIONS

DU CHRETIEN

DANS L'ADVERSITÉ.

ODE,

Qui a remporté le Prix, au jugement de l'Académie de Pau, en l'année 1743.

I

MPLACABLE Deftin! par quel ordre févere Répands-tu fur ma tête un torrent de malheurs Accablé fous le poids d'une affreufe mifere.

Je ne vis que par mes douleurs :

Jufqu'à quand trainerai-je une vie importune?
Malheureux ! C'eft affez de l'aveugle Fortune
Sentir le rigoureux pouvoir;

Que la terre s'entr'ouvre, & qu'elle m'engloutiffe
Puiffe-je en ce moment achever mon fupplice!
La mort eft mon unique efpoir.

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SEROIS JE le jouet d'une aimable impofture! Quel doux prestige endort mes douloureux travaux ? Sur ma bouche muette expire le murmure;

Je fens moins le poids de mes maux.
Je voyois devant moi les horreurs du naufrage;
Quel foufle favorable a diffipé l'orage

Qui troubloit mes fens épérdus?

Mon efprit voit renaître un rayon d'espérance,

Et mon cœur plus tranquille, au fein de la fouffrance La cherche, & ne la trouve plus.

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DIBU puiffant ! Je vous dois cette faveur extrême : Le Chrétien qui perd tout,trouve en vous fon vrai bien; Il triomphe par vous du Sort & de lui-même, Et votre bras eft fon foutien.

S'il fouffre, s'il gémit, vous enchantez ses peines,
S'il eft chargé de fers, de ses pefantes chaînes
Vous adouciffez la rigueur :

Renverfé fous le joug d'un tiran qui l'opprime
De la longue mifere il n'eft plus la victime,
Il n'en eft que le spectateur.,

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Vous me livrez encore à des langueurs mortelles, Seigneur dans mes revers je refpecte vos coups. Les maux dont je reffens les atteintes cruelles Me font chers, ils viennent de vous. Dans les événemens dont vous êtes le maître. J'adore vos Decrets; je ne puis méconnoître Le bras vengeur qui me poursuit.

Que de nos cœurs foumis nulle plainte n'échappe Mortels, fi nous fentons la verge qui nous frappe, Baifons la main qui la conduit.

Les malheurs affemblés marchent tous fur mes

traces,

Je fouffre, & je me crois digne, de mes douleurs
Il faut à mes forfaits d'accablantes difgraces II
Et de falutaires rigueurs :

Coupable, je redoute un Dieu, Vengeur févere,
Dans mes larmes j'éteins le feu de fa colere,
J'évite un châtiment affreux;

Me plaindrai-je d'un mal dont l'ardeur me dévore?
Si je fuis malheureux, nè fuis-je pas encore
Plus criminel que malheureux.

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UN chemin parfemé d'épines hériffées
Eft le feul qui conduise au féjour de la paix :
Aux peines du Chrétien rapidement paffées
Succedent d'éternels bienfaits;

Je foupire, j'attends l'immortelle Courone,
La Loi me la promet, la fouffrance la donne,
Qu'elle foit le prix de mes pleurs !

Ce n'eft qu'en combattant qu'on achette la Gloire,
Les fuperbes lauriers qu'accorde la Victoire
Sont rougis du fang des Vainqueurs.

CONTEMPLONS Če Héros que le Liceur immole > Ses membres déchirés font triftement épars: Affligé, mais conftant, il fouffre & fe confole, Vers le Ciel fixant les regards,i qo

Dans les tourmens, la Grace anime fa conftance
Au barbare appareil d'une injufte vengeance
Ferme, il oppofe un front altier,

Il voit d'un œil tranquille, en ce revers funefte,
De fon corps mutilé le déplorable refte;
Et conferve un courage entier.

CONTRE moi déployez un couroux falutaire;
Ecrafez ce limon façonné par vos mains ;
Soyez à mon égard Juge bien moins que Pere
Puiffant Arbitre des humains!

Que tous les Elémens fervent votre Justice,
Que ma vie ici-bas ne foit qu'un long fupplice;
C'est le plus cher de mes fouhaits;

Mais que mon ame enfin, par fes maux épurée, Puiffe en vous, ô mon Dieu, vivre dans l'Empirée ; Et vivre avec vous à jamais!

ལས

୧୫୫୬୨

pas

J'AI perdu des plaifirs dont l'efpérance eft vaines Mon cœur en les goûtant n'étoit fatisfait: Ils font, & ceffent d'être; ils furvivent à - peine Au leger effai qu'on en fait :

Les Dignités ont fui, ces pompeufes entraves,
Qui rendent les Mortels de mille foins esclaves 3
Les biens m'échappent à leur tour,

Tréfors, brillante boue, éclatante pouffiere,
Nous n'êtes à mes yeux qu'une vile matiere
Trop indigne de mon amour.

Loin de moi ces Grandeurs, que le Profane adore! Déformais leur éclat ne fçauroit m'éblouir :

Que font-elles? Des fleurs que leur feconde aurore Voit tout-à-coup s'évanouir :

D'une ombre de bonheur éprouvant les caprices Je favourois la joye, & du fein des délices Sortoient l'amertume & l'ennui:

Comblé de ces faux biens le cœur eft encor vuide; Le mien trouve en Dieu feul un bonheur plus folide, Immenfe, éternel comme lui.

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