L'HISTOIRE,

O D E.

CELEBI

ELEBRES victimes des Parques!

Rien ne peut de vos jours rallumer le flambeau : Hélas! vous gémiffez, fiers Guerriers, grands Monar

ques,

Dans l'obfcure nuit du tombeau :

La Mort répand fur vous d'éternelles ténébres;
Déja de fes voiles funébres

La Cruelle a couvert vos Noms & vos hauts Faits
Refpectables Mortels, que le tems a vû naître,
Le tems vous a vû disparoître,

Et difparoître pour jamais.

EH quoi! l'éclat de votre gloire

Dans un abîme affreux feroit enfeveli!

Non, vous ferez placés au Temple de Mémoire,
Vous triompherez de l'oubli ;

La Mort qui vous ravit, ô Héros magnanimes,
Rendra fes illuftres victimes :-

Bien-tôt vous reverrez la clarté qui nous luit
Clio parle; fortez de vos demeures fombres',
Mânes. facrés, auguftes Ombres,

C'est elle qui vous reproduit

L'Hiftoire

PAR fes foins votre renommée

Survit à tous les tems, vôle dans tous les lieux
Et déformais l'Envie, à lui nuire obstinée
Ne peut l'obscurcir à nos yeux.

Quel art,

des premiers jours fait renaître l'aurore? Pour moi ces jours coulent encore,

Clio, tu fçais fixer ces grands événemens
Que les Ans fugitifs emportent fur leurs aîles;
Je les vois, tu les renouvelles,
Paffez, ils font encor préfens.

QUEL vafte tableau fe préfente?

Promenons nos regards fur cent objets divers;
Là, des plus grands fuccès quelle chaîne éclatante
Ici, quel tiffu de revers!

De Bellone en couroux l'œil ardent étincelle,
Le Carnage marche avec elle;

La Barbare en ces lieux fait triompher la Mort;
Le Vainqueur eft affis fur un char de victoire;

Le Vaincu, témoin de fa gloire,

Soupire & querelle le Sort.

Ou fuis-je! Quel nouveau fpectacle!

Romaine. Tout un Peuple eft Soldat, tout Soldat eft Héros ; Ferme dans fes projets, furmontant les obstacles,

Conftant ennemi du repos;

S'il aime, généreux, s'il fe venge, implacable;
Souvent vaincu, mais indomptable,

Au rang de fes fujets il fçait mettre les Rois;
Fier, & foulant au pieds les Trônes de la terre,
Grand dans la paix, grand dans la guerre,

Et plus grand encor par fes Loix.

Tour paffe: la Grandeur Romaine
Chancelle, tombe enfin: de fes pompeux débris
Se forme un vafte Etat fur les bords de la Seine,
C'est l'heureux Empire des Lys ;.

Il a des Rois, fes Rois font fes Dieux tutelaires
Ses Maîtres bien moins que fes Peres :
Quel effain de François, & fçavans & guerriers !
Mars les fait triompher, & la docte Minerve.
Jaloufe de Mars, leur réserve

Ses Couronnes & fes Lauriers.

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UN dangereux panchant me guide,
L'orgueil ingénieux fçait l'art de le cacher;
Le Flateur, fur mes maux jette un voile perfide,
Qu'un foible ami n'ofe arracher;

Par d'hiftoriques Faits mon ame eft détrompée,
D'un trait victorieux frappée,

Du Tiran qui l'opprime elle abhorre la loi:
L'Hiftoire, des Mortels me peint les injuftices,
Je vois mes vices dans leurs vices,
Et tout devient leçon pour moi.

L'Hiftoire de France.

DANS cette école de fageffe,

Ces hommes fi fameux par de nobles travaux Enseignent par l'exemple, & fe donnent fans ceffe Des Eleves & des Rivaux.

Par quel charme inconnu renaiffent les Camilles, Les Fabrices & les Emiles,

Un Pompée, un Caton, des Trajans, des Titus ! Déeffe, ton crayon immortel & fidele

Nous offre un éternel modele

En éternifant leurs vertus.

Vous qui portez le Diadême,

De votre augufte rang Princes enorgueillis,
Où font ces Rois fi fiers de la Grandeur fuprême,
Et des Lauriers qu'ils ont cueillis ?
De vos frêles Grandeurs confidérez la pompe,
Songe vain, faux éclat qui trompe,

Paffagere vapeur, qui fe perd dans les airs;
Dans ces Faftes voyez le Maître de la Terre,
Terrible comme le tonerre

Il paffe comme les éclairs.
36.8

QUE VOS laborieufes veilles,

Favoris de Clio, modernes Ecrivains,
Retracent à nos jours les brillantes merveilles.
Des Héros Grecs & des Romains.

Dérobez par vos foins à l'horreur des ténébres

Ces grands Noms, ces Hommes célébres,

Qu'une vertu fublime éleva jufqu'aux cieux;
Que par vous ces Mortels, connus dans tous les âges”,
Des Dieux refpectables images,
Deviennent immortels comme eux.

હ

QUE d'un vafte fçavoir avide

Votre efprit parcourant, l'obfcure Antiquité,
Saififfe le flambeau qui l'éclaire & le guide
Au fentier de la vérité;

Qu'un travail affidu, qu'une fage critique,
La cherche fous un voile antique,

Trop fouvent confondue avec les fictions;
N'étalez à nos yeux que des Faits véritables :
Loin de vous de frivoles fables,

Et des Romans fous de vrais noms.

Héros d'éternelle mémoire,

La terreur des Germains, & l'amour des François,
Viens, illuftre CONTI! (a) décorer notre Hiftoire
De ton Nom & de tes Exploits.
J'admire de ton Bras les efforts Héroïques;
Je vois dans les plaines Belgiques

L'ennemi gémissant, fous tes coups abbatu;
Le Deftin envieux t'enleve une Courone,
Laiffe à d'autres l'éclat du Trône

Il brille moins que ta vertu.

(a) François-Louis Prince de Conti, élû Roi de Pologne, mort en1709.