qu'on avoit accordé à l'Abbé de Cie teaux un Bref qui détruisoit la Reforme. Le Cardinal luy répondit d'une maniere ambiguë. L'Abbé en conclud que le bruit qui couroit n'étoit que trop vrai, Sur cela il representa au Cardinal avec beaucoup de fermeté les inconveniens d'un Bref donné contre les intentions de Sa Sainteté, sans appeller & fans entendre les Parties, fans consulter même la plupart de ceux qui composoient la Congregation, les scandales qui en naîtroient, l'avantage qu'en prendroient les heretiques contre l'Eglife; en un mot l'honneur du Saint Siege sacrifié aux interêrs de l'Abbé de Cîteaux. Comme le Cardinal avoit plus de part que personne au Bref dont il s'agiffoit, ce discours l'offensa; il répondit à l'Abbé avec chaleur qu'il perdoit le respect qu'il parloit comme les schifmatiques & les heretiques. Que cette forte de gens avoit toujours la Reforme dans la bouche, & presque jamais dans le cœur. L'Abbé qui voyoit les affaires de la Reforme ruinées de quelque maniere qu'il: en usât, repartit avec une humble fermeté, qu'il parloit comme S. Bernard, & même moins fortement; que cependant le Saint Siege n'avoit jamais eu de plus zelé défenseur ni de plus ferme appuy. Il usa de la même vigueur en parlant aux autres Cardinaux & Prelats qui composoient la Congregation; il s'apperçut bien-tôt qu'elle luy faisoit des ennemis. Comme il n'avoit point d'autres prétentions à menager que celles de la verité & de la justice, il n'en relâcha rien de son zele; c'est ce qui fait voir combien il étoit éloigné de ces vuës intereffées que quelques personnes mal in formées ont voulu luy attribuer. Ein du second Livre. : LA VIE DE DOM ARMAND-JEAN LE BOUTHILLIER DE RANCE', ABBE' REGULIER ET REFORMATEUR du Monaftere de la Trappe, de l'Etroite Observance de Cîteaux. LIVRE TROISIEME CHAPITRE I. Le Cardinal de Retz arrive à Rome : Il oblige l Abbé de la Trappe à venir demeurer dans son Palais. Il tâche inutilement de luy persuader de relâcher de fon austerité. Il soutient hautement la Reforme de France: Il en parle au Pape aux Cardinaux au nom de la Reine Mere qui l'en avoit expressement chargé, Es choses étoient à Rome dans l'état Lu'on vient de le representer, lorf que le Cardinal de Retz y arriva. Un de fes premiers soins fut de s'informer de la vie qu'y menoit l'Abbé de la Trappe. IH apprit qu'il y étoit tres-pauvrement logé; qu'il y vivoit avec la même austerité qu'il eût pû faire dans son Monaftere. Qu'un homme qu'il avoit pris pour le servir étant tombé malade, non seulement il n'avoit point pris d'autre valet, mais qu'il servoit cet homme avec autant d'affiduité que s'il eût été luy-même à son service. Le Cardinal fut touché d'une vie si extraordinaire, & qui avoit si peu de rapport avec la premiere éducation de l'Abbé; il resolut de l'en tiFer, & de l'obliger, s'il pouvoit, à avoir un peu plus de soin de luy-même. Pour cet effet l'Abbé de la Trappe l'étant venu voir, il luy proposa de venir demeurer dans son Palais. Il se garda bien de luy laisser voir les motifs qui le portoient à luy faire cette proposition; il se contenta de luy dire que les affaires de la Reforme demandant qu'ils euffent de frequentes conferences, & qu'ils ne fiffent pas une démarche pour ainsi dire, que de concert; cela ne se pouvoit executer à moins qu'ils ne fuffent en état de se voir à toutes les heures du jour & de la nuit. Il l'assura qu'il feroit chez luy auffi retiré, & qu'il y vivroit avec la même liberté qu'il pourroit faire dans son Monaftere. L'Abbé qui avoit extrémement à cœur les affaires de la Reforme, & qui étoit perfuadé que les lumieres & le credit du Cardinal luy se. roient d'un tres-grand secours, s'en défendit d'abord par une pure civilité ; mais le Cardinal ayant insisté jusques à luy dire qu'il ne se mêleroit point de ses affaires, qu'il ne luy eût accordé ce qu'il luy demandoit; l'Abbé ne s'en défendit pas davantage. Il vint dès le jour même demeurer dans son Palais; c'est-à-dire qu'il y choisit celle de toutes les chambres qui étoit la plus pauvre & la moins commode. Le Cardinal ayant obtenu ce point, luy parla de la vie qu'il menoit à Rome.. Il luy dit fur cela qu'il n'étoit pas poffible qu'il pût subsister long-temps en vi vant de la forte, qu'il falloit se nourrir & fe donner les autres besoins de la vie à proportion du travail dont on étoit chargé. Que la repugnance qu'il avoit à demeurer si long-temps à Rome, les contradictions qu'il y éprouvoit, la fatigue des visites & des sollicitations étoient une penitence affez grande pour se permettre d'ailleurs quelque foulagement; qu'en un mot, l'Abbé de Prie |