continuelle, on ne devoit se chauffer que rarement, même pendant les plus grands froids, & il ne devoit jamais être permis de s'affeoir en se chauffant. En un mot, il se proposa de former ses Religieux à souffrir la faim, la foif, les veilles, les chaleurs les plus excessives, les froids les plus rudes, les travaux les plus penibles, les maladies les plus aiguës; en un mot toutes les incommoditez de la vie, & la mort même, non seulement avec patience, mais même avec joye; il appelloit tous ces maux que le peché a introduit dans le monde, la penitence de tous les hommes, & celle que Dieu leur a luy-même impofée. Enfin, il se proposa deslors de leur infpirer cet esprit de modestie, d'humilité, de pauvreté, de pieté, d'une priere presque continuelle, d'une charité & d'une abnegation fans bornes. Il les a enfin établies dans la Trappe, & elles y font encore aujourd'hui l'édification+ de toute l'Eglife.. CHAPITRE VIII L'Abbé de la Trappe trouve de grandes difficultez à établir sa Refor. me. Il en écrit à l'Abbé de Prie res: Réponse remarquable que luy fait cet Abbé. L E projet qu'on vient de rapporter n'étoit, pour ainsi dire, qu'un effay de la Reforme que l'Abbé de la Trappe avoit dessein d'établir dans son Monaftere; on en, peut juger par les reglemens qu'il y ajouta depuis. Comme on les a donnez au public, on ne s'étendra pas davantage fur get article. Cependant, comme ce projet n'étoit pas fait pour n'être pasexecuté, l'Abbé de la Trappe commença de prendre des mesures pour porter ses Freres à cette haute perfection, où il s'étoit proposé de les conduire; mais comme il ne vouloit rien faire par autorité, il se contenta d'employer l'exemple & les exhortations les plus vives. On le voyoit: toujours le premier à tous les exercices de penitence & de regularité, austere dans ses jeunes, affidu à l'Office divin à la priere & aux veilles, fans ceffe occupé du travail des mains ou des besoins de ses Freres; le zele & l'esprit de penitence dont il étoit penetré paroiffoit dans ses moindres actions; il ne parloir d'autre chose dans ses entretiens; c'étoit le sujet ordinaire de toutes ses exhortations. Mais comme il vouloit faire un établissement solide, il ne crut pas devoir d'abord proposer à ses Freres une vie aussi austere, & une discipline auffi exacte qu'elle l'a été depuis ; il marchoit, pour ainsi dire, pas à pas, & par de foibles commencemens, il préparoit ses Religieux à quelque chose de plus fort & de plus élevé ; il rétablit ainsi quelques anciens usages, & quelques-unes des Observances primitives. Ce succès le porta à entreprendre quelque chose de plus. Il s'apperçut bien-tôt qu'il n'é-toit pas secondé, les forces ou le cou-rage manquerent à la plupart de ses Religieux, ils ne purent ou ne voulurent pas s'engager à des austeritez qu'ils n'a voient pas pratiquées pendant leur Noviciat. L'Abbé de la Trappe ne jugea pas à propos de les contraindre, quelque per-fuadé qu'il fût que ses Religieux ayant promis de vivre selon la Regle de saing 1 Kenoist, il étoit en droit d'en exiger la pratique. Comme il étoit convaincu qu'une penitence qui n'est pas volontaire, est sans merite devant Dieu, & : ne peut pas être de durée, il crut devoiruser de condescendance, & attendre les temps que Dieu avoit marquez pour le rétablissement entier de la penitence dans fon Monastere. Il se persuada pendant quelque temps, qu'il trouveroit une ressource dans les Novices qu'il pourroit recevoir, & que les formant luymême à la pieté, il seroit aisé de leur inspirer le premier esprit de l'Ordre de Citeaux, & de les engager à en rétablir toutes les pratiques. Mais le bruit qui s'étoit déja répandu de l'austerité avec laquelle on commençoit de vivre à la Trappe, en détournoit ceux qui avoient eu dessein de s'y presenter. Dans cet embarras il crut devoir écrire à l'Abbé de Prieres , pour luy demander quelques Religieux de l'Etroite Observance qui eussent affez de zele pour vouloir bien seconder ses bons. deffeins, & il s'offroit de les échanger contre les Religieux de son Monaftere, qui ne vouloient ou qui ne pouvoient pas foutenir sa Reforme. Mais comme on étoit informé dans l'Ordre du dessein qu'avoit l'Abbé de la Trappe de réta blir dans son Monastere les premiers usages & l'ancienne penitence de Citeaux; tout le monde en fut fi effrayé, qu'il ne se trouva personne qui pût se refoudre à aller demeurer à la Trappe. Ce fut ce qui obligea l'Abbé de Prieres de répondre à l'Abbé de la Trappe dans ces propres termes, qu'on a cru devoir rapporter : در Vous ne trouverez (luy dit-il) gue>>res de personnes dans nôtre Ordre, >> pouffez du même esprit de penitence >> que Dieu vous donne, & moins en>>> core qui ayent la force & le courage >> de pratiquer l'austerité que vous ob>> servez. Pour moy je n'en connois point, >> & comme cette austerité au point que >> vous la décrivez, furpasse l'obligations >> de nôtre Regle & de nos Constitu>>>tions, encore qu'elle n'en furpaffe pas >> la perfection; je ne pourrois pas obli >>>ger aucun Religieux de l'aller em>> braffer contre son gré, & vous ne » voudriez pas vous-même que je vous >> en envoyasse malgré eux. Je crois bien >> que nôtre lâcheté attire sur nous la » colere de Dieu, & que nous meri>> tons tres-justement ses châtimens ; >> mais s'il veut par là nous attirer à |