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cette grande penitence que vous pra- ce tiquez, sa bonté sera affez grande pour « nous en inspirer le mouvement, & ce pour nous en donner la force. Si je ce vois qu'il la donne à quelques-uns, « je ne manquerai pas de vous les adref- ce fer; mais jusques à present je puis « dire de vous ce qu'on disoit de nos ce premiers Peres, que vous aurez beau-c coup d'admirateurs de vôtre sainte ce vie, mais peu d'imitateurs. Il faut de « necessité que vous vous serviez des « personnes que vous avez, & que vous ce receviez des Novices portez d'un mê- cc me esprit, lors qu'il plaira à Nôtre- « Seigneur de vous en envoyer; car ce d'en attendre des autres Monafteres, « il n'y a gueres d'apparence qu'il vous « en puiffe aller aucun qui vous soit « propre.

ce

L'Abbé de la Trappe ayant reçu cette lettre, tourna toutes ses pensées du côté de Dieu, & attendit de sa mifericorde le secours dont il avoit besoin pour l'execution de ses desseins. Il s'appliqua cependant à établir dans son Monaftere toutes les pratiques de penitence dont la foiblesse de ses Freres se trouveroit capable, & quoi qu'alors il ne portât pas les chofes à ce haut point de perfection

1664.

où elles furent depuis, la regularité de la Trappe étoit si grande, qu'on la regardoit deflors comme le modele des Maisons les plus reformées de l'Ordre.

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CHAPITRE IX.

Le Bref que l'Abbé de Citeaux avoit obtenu à Rome est envoyé en France. Le Nonce le presente au Roy, qui en ordonne l'execution. L'Abbé de Citeaux convoque le Chapitre general pour le faire recevoir.L'Abbé de la Trappe est obligé de s'y rendre: Il s'oppose à la reception du Bréf.

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Es choses étoient en cet état lorsque le Bref dont on a tant parlé fut envoyé en France, & adreffé au Nonce pour en procurer l'execution. Ce Bref portoit le nom du Pape Alexandre VII. il étoit datté du dix-neuviéme Avril mil fix cent soixante & fix. La circonstance ne pouvoit être plus favorable. La mort de la Reine-Mere venoit de ravir à l'Etroite Observance son principal appuy, & la protection declarée que le Chan

celier Seguier avoit accordée à l'Abbé de Cîteaux, luy faisoit esperer ou qu'il ne trouveroit aucun obstacle à ses desseins, ou qu'il luy seroit aisé de le surmonter. Plein de ces. esperances, il fut trouver le Nonce, & Paffura qu'il avoit fi bien pris ses mesures, que le Bref fetoit infailliblement reçu. Sur cette affurance le Nonce fut le presenter au Roy de la part du Pape, & le pria au nom de Sa Sainteté d'en ordonner l'execution. Le Roy nomma auffi-tôt des Commissaires pour l'examiner. Mais comme le Chancelier étoit à leur tête, l'Abbé de Citeaux ne douta point que leur avis ne luy fut favorable, ou que quand même il ne le seroit pas, le Chancelier n'eût affez d'autorité pour faire rece voir le Bref, & pour en procurer l'exe cution.

Cependant les Peres de l'Etroite Observance ayant été avertis que le Bref étoit arrivé, & des mesures qu'on prenoit pour le faire recevoir, trouverent le moyen d'en avoir une copie; ils l'examinerent, & le trouverent si préjudiciable à la Reforme, qu'ils crurent ne se pouvoir dispenser de remontrer au Roy les abus qu'ils prétendoient y être, & les inconveniens qui naîtroient de la reception de ce Bref.

Le Chancelier l'ayant sçu, fit affema bler chez luy les Commissaires, & avertir l'Abbé de Prieres de s'y rendre ; il luy ordonna de dire devant l'Affemblée tout ce qu'il avoit à objecter contre le Bref. Quelque prévenu que fût l'Abbé de Prieres que le Chancelier ne luy étoit pas favorable, & qu'on ne l'obligeoit de proposer devant cette Assemblée les objections qu'il avoit à faire contre le Bref, que pour empêcher l'effet de la Requête qu'il avoit deffein de presenter au Roy, il ne laissa pas de parler fortement. Il prétendit que le Bref dont il s'agiffoit étoit plein de contradictions & d'obscuritez, plus propre par confequent à mettre de nouveaux troubles dans l'Ordre, & à y causer de nouveaux procès qu'à les terminer. Qu'il étoit contraire à la Regle de saint Benoist, aux anciens Statuts, & en particulier à la carte de charité. Qu'il caffoit, sans connoiffance de causes, plusieurs Sentences des Commissaires Apoftoliques. Qu'il détruisoit les Arrests du Conseil & du Parlement donnez fur le fait même dont il s'agiffoit. Qu'en un mot, il n'avoit été fait que pour détruire l'Etroite Observance, & pour donner à l'Abbé de Citeaux une autorité qu'il n'avoit jamais euë dans l'Ordre. Il ajouta que quoi qu'il portât le nom du Pape, il n'en avoit jamais eu aucune connoiffance à cause de sa maladie, qui empêchoit qu'on ne luy parlat d'aucune affaires qu'il avoit même été donné sans la participation de la plupart des Commissaires nommez par Sa Sainteté; qu'enfin il étoit contraire aux usages de France, au Concile de Trente & à la difcipline monaftique. Que pour toutes ces raifons l'Etroite Observance s'opposoit à la reception du Bref, & qu'il esperoit que le Roy voudroit bien avoir égard à cette opposition.

Ces objections foutenues de leurs preuves que l'Abbé de Prieres ne manqua pas de faire valoir, firent une forte impression sur l'esprit des Commissaires. Cependant le Chancelier fit ensorte que le Roy ordonnat par un Arrest que le Bref feroit enregistré au Grand-Conseil, & qu'il feroit executé.

L'Abbé de Citeaux ayant obtenu par là tout ce qu'il prétendoit, ne pensa plus qu'à faire recevoir dans l'Ordre ce Bref qui luy avoit coûté tant de soins & de dépense. Il convoqua pour cet effet le Chapitre general pour le mois de May de l'année suivante mil fix cent soixante.

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