pe, & firent la même protestation. Pendant qu'on l'inseroit dans les Regiftres du Chapitre, l'Abbé de la Trap pe se leva, & s'approcha du Secretaire pour voir s'il écrivoit fidelement sa protestation. L'Abbé de Citeaux s'en étant apperçu, en prit occasion de luy dire quantité de choses tres-dures & tres-humiliantes; mais l'Abbé de la Trappe qui sçavoit diftinguer ses interêts particuliers de ceux de la verité & de la jus tice, & qui étoit aussi insensible aux uns qu'il avoit de sensibilité pour les autres, ne fit aucune réponse aux reproches de l'Abbé de Cîteaux, & reçut cette mor tification avec une humilité dont tout le Chapitre fut édifié. Il parut depuis que l'Abbé de la Trappe avoit eu raison de se défier de la fidelité du Secretaire du Chapitre ; car les Abbez de l'Etroite Observance ayant demandé qu'on lût leur protestation, pour voir si elle étoit conçuë dans les termes qu'ils avoient eux-mêmes mis par écrit; il se trouva que le Secretaire avoit ajouté bien des choses qu'il fut obligé de retrancher. Cependant l'Abbé de Citeaux ayant fait reflexion qu'il luy étoit important de ne se pas broüiller avec un Abbé du merite & de la repucation de l'Abbé de la Trappe, il luy fit des excuses de ce qui s'étoit paffé au Chapitre. L'Abbé les recut avec son humilité ordinaire; mais depuis il ne rabatit rien de sa fermeté, lorsque l'occasion se presenta de foute. nir la verité & la justice. 4 Il se passa encore bien des choses dans ce Chapitre general qui y causerent des contestations qui furent portées & reglées à Rome; mais comme elles ne regardent point la vie de l'Abbé de la Trappe, on se contentera d'ajouter que le Bref d'Alexandre VII. dont on a tant parlé, & qui se trouva fi contraire aux interêts de l'Etroite Obfervance, fupprimoit le Vicaire general de la Reforme de France. Il défendoit les afsemblées particulieres qui avoient été permiles par le Cardinal de la Roche - Foucaud & qui avoient été autorisées par les Commiffaires Apoftoliques, par les Arrêts du Confeil & du Parlement, il soumettoit l'Etroite Observance au General de l'Ordre & aux autres Peres immediats, quoi qu'ils ne fuffent pas Reformez. Cependant il accordoit la Jurisdiction ordinaire aux Visiteurs de la Reforme sur les Monafteres de leur dépendance, à la referve de l'institution des Prieurs qu'il laisse aux Peres immediats. Ce même Bref loüe & confirme l'Etroite Obfervance exhorte & commande aux Superieurs de la proteger, & d'en procurer le progrès. Il ordonne encore qu'on ne pourra donner aux Reformez que des Superieurs de leur Observance. Enfin, il veut que ceux qui ne font pas Reformez, ne different de ceux qui le font, que par l'usage de la viande qu'il leur accorde trois fois la semaine; c'est un des articles dans lesquels on prétend qu'il est contraire à la Regle de faint Benoist. Cependant la verité de l'Histoire oblige d'ajouter que ce Bref qui a caufé tant de mouvemens dans l'Ordre de Citeaux, contient un grand nombre de tres-sages & de tres-beaux reglemens. ) CHAPITRE X. L'Abbé de la Trappe reçoit des Religieux de divers Ordres fans le confentement de leurs Superieurs : Ils redemandent ces Religieux. L'abbé de la Trappe les refuse : Sa conduite & sa fermeté dans ces occafions. L de la E Chapitre general fini, l'Abbé Trappe se retira dans son Mo. nastere, pour ne penser qu'à se sanctifier luy-même, & à travailler à la fane tification de ses Freres. Il n'y fut pas long-temps sans commencer à recevoir ce secours qu'il s'étoit toujours-promis de la mifericorde de Dieu. Dès le mois de Juillet de la même année, Dom Rigobert Religieux de Clairvaux qui foupiroit depuis long-temps après la pratique exacte de sa Regle, vint se mettre fous sa conduite. Comme son dessein étoit de se consacrer entierement à la penitence, & de reparer les défauts de fa vie paffée par l'austerité de celle qu'il embraffoit; il ne trouva rien à la Trappe qui surpaffat ni son attente ni ses devoirs. Dom Jacques Religieux d'une des principales Congregations qui font profeffion de la Regle de saint Benoist & Dom Pierre Chanoine Regulier les suivirent de près. Frere Benoist Religieux Convers d'une éminente vertu, les avoit précedé tous trois, & peut être compté pour le premier que la repuration de la Trappe y attira. La reception de Dom Rigobert n'eutr point de suite fâcheuse, elle n'attira à Abbé de la Trappe que des plaintes & des reproches de la Commune Obfervance; il n'y opposa qu'une patience invincible, & demeura ferme dans la resolution de recevoir tous ceux de son Ordre qui voudroient aspirer à une pratique plus exacte de la Regle. Il n'en fut pas de même de celle de Dom Jacques & de Dom Pierre. Les Superieurs de ces deux Religieux ayant fait reflexion aux consequences de leur retraite, les redemanderent l'un & l'autre avec de grandes instances. Les Superieurs de Dom Jacques prétendirent qu'il n'avoit pû se retirer de leur dépendance sans leur permiffion, & que l'Abbé de las Trappe n'avoit pû le recevoir que de leur confentement. L'Abbé de la Trappe |