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loy dominante de la Maison, tout y cedoit, & on ne le violoit jamais impunément; il sembloit que l'Abbé n'eût point d'autre attention qu'à le faire bien observer, on n'avoit pas même la peine de punir les contraventions, les Freres portoient d'eux-mêmes les choses si loin Tur cet article, qu'il falloit quelquefois que l'Abbé moderât leur zele, & les reduisist à ce juste temperament qui fera toujours le caractere de la veritable

vertu.

Comme la Priere est le canal le plus ordinaire de toutes les graces. l'Abbé qui en faisoit sa principale occupation eut un soin extréme d'y former ses Religieux; rien n'égaloit leur zele pour cet exercice tout divin, & l'on peut dire qu'ils pratiquoient à la lettre ce commandement de l'Ecriture: Il faut toujours prier. Quoi qu'on employât tous les jours huit heures & demie à l'Office divin du jour & de la nuit, dès que les regularitez communes étoient finies, ils se rendoient à l'Eglise avec tant d'affiduité, qu'il n'y avoit point de temps où il n'y en eût plusieurs en prieres. C'étoit là qu'ils fondoient en larmes par les sentimens de la componction la plus vive, qu'ils répandoient leur cœur de

vant Dieu, qu'ils attiroient sur eux les benedictions du Ciel, ces confolations coute-puissantes qui les soutenoient dans leurs austeritez, & cette force invincible qui les animoit fans cesse à faire à JESUS-CHRIST un sacrifice de leur vie par les travaux de la penitence.. Un des plus grands & des plus saints Prelats de l'Eglife, qui dans ces commencemens se retiroit souvent à la Trappe, voyant l'ardeur & l'affiduité de l'Abbé & des Religieux à la priere, ne put s'empêcher de dire qu'il avoit quelquefois apprehendé qu'une vie si austere ne pût pas durer long-temps, mais qu'il changeoit de sentiment, & que l'amour pour la prie re les soutiendroit, & leur attireroit en, fin la grace de la perseverance.

L'humilité fut encore une des vertus que l'Abbé de la Trappe eut le plus de soin d'établir parmi ses Freres; il regardoit l'orgueil qui luy est opposé, & toutes ses suites funestes, comme les playes les plus profondes que le peché ait faites dans le cœur de l'homme. C'étoit selon luy le vice le plus opposé an caractere du Chrétien, & à celuy d'un veritable Religieux, & il ne connoissoit point de vertu qui ne fût fondée sur l'humilité, il y exhortoit fans cesse ses Religieux, & il ne perdoit aucune occafion de leur en inspirer l'amour & la pratique. Ses soins ne furent pas inutiles, ses Religieux arriverent enfin à une humilité parfaite, & l'amour des humiliations se trouva gravé fi profondément dans leurs cœurs, qu'ils en étoient pour ainsi dire insatiables. Il n'y avoit rien de permis qu'ils ne fissent pour se les procurer. L'Abbé de son côté qui sçavoit combien l'orgueil est difficile à surmonter, qu'il se retrouve fouvent dans la pratique des chofes qui paroiffent luy être les plus opposées, que tout est capable de le faire revivre, de luy donner de nouvelles forces, & qu'en cette vie il n'est jamais entierement détruit, étoit fans ceffe occupé à le combattre dans luy-même & dans ses Freres. A toute heure, en toute rencontre, en tout lieu, & fur les moindres sujets il les humilioit, il les reprenoit, il les metroit en penitence, il les exerçoit en routes manieres; la grandeur du mal qu'il vouloit guerir, la facilité des rechutes le rendirent ainfi attentif. Des personnes d'une pieté treséclairée, crurent qu'il portoit les chofes trop loin. Cependant ses Religieux qui étoient eux-mêmes les malades

qu'il vouloit guerir, qui connoiffoient mieux que personne la grandeur & la profondeur de leurs playes, & qui ne perdoient point de vuë JESUS-CHRIST humilié & couvert d'opprobres ; fe plaignoient sans ceffe de ce qu'il les épargnoit trop, & ne les humilioit pas affez. Bien-loin qu'un Religieux repris, corrigé, humilié, plus fortement qu'à ◆l'ordinaire en fut moins estimé, tous luy portoient une sainte envie. Il y en eut même qui avoient vécu dans le monde dans de grands desordres, & qui y avoient fait bien des choses qui ne pouvoient que les couvrir de la plus affreuse confusion, qui luy demanderent tres long-temps & tres-instamment d'en faire une confeffion publique. Cette permiffion leur fut refusée; mais l'on peut juger d'une pareille demande, jufques où l'Abbé de la Trappe avoit porté dans fon Monastere l'amour des humiliations.

Des cœurs fi bien disposez ne pouvoient qu'avoir un ardent amour pour la penitence. C'est encore un des principaux caracteres de l'Abbé & des Re ligieux de la Trappe. Pour le bien comprendre, il est necessaire de faire reflexion qu'on avoit repris à la Trappe la pratique de la Regle de faint Benoift dans toute l'exactitude où on la pouvoit porter, c'étoit de faire une profeffion publique de la penitence la plus austere, qui eût jamais été introduite dans l'Eglise; en effet, elle étoit si generale à la Trappe, qu'il n'y avoit pas un mo. ment de la vie de l'Abbé & des Religieux qui en fût exempt. La nourriture ordinaire y est pauvre, mal aprêtée, dégoûtante & en petite quantité, l'usage du vin, de la viande, des œufs, du poiffon & du beurre, en est absolument retranché; il n'y a ni Fête ni occafion. où il soit permis d'ajouter quelque chose à la nourriture, excepté dans les grandes maladies où l'usage des œufs & de la viande est souffert. Les couches y sont si dures, que les Religieux feroient plus commodément couchez sur des planches toutes nues. Les veilles y font longues, les travaux fatiguans, les jeûnes presque continuels. Ajoutez à cela la mortification de leurs sens, la modeftie, la pauvreté, les privations de tout ce qui peut foulager la nature, l'humiliation de l'esprit par les corrections & les reprehenfions frequentes, le chant si long, & qu'ils soutiennent avec des voix fermes & éle

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