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vées. Tout cela ne peut que donner l'idée d'une penitence tres-auftere & trescontinuelle. On ne parle point ici des penitences particulieres, des difciplines, des profternemens de longue durée, & d'autres femblables qui font fouvent impofées par les Superieurs, outre celles qui font communes & ordinaires. Que fi l'on fait reflexion qu'à la Trappe on n'a jamais ni recréation ni promenade, ni rien de ce qui eft capable de délaffer l'efprit, qu'on y garde une ftabilité conftante & inviolable

tere fans en fortir jam dans le Monaf

qu'on y obferve un filence continuel & general, foit entre les Religieux, foit à l'égard des perfonnes du dehors; qu'on y vit dans un affujettiffement perpetuel des fens, de la volonté & du jugement, & dans une dépendance qui regle toutes les actions, & qui les refferre dans les bornes étroites de mille petits reglemens qu'on y observe avec beaucoup de foin fi, dis-je, l'on fait reflexion à toutes ces chofes, l'on fera contraint d'avoüer qu'il étoit difficile de porter la penitence plus loin qu'on l'a portée à la Trappe.

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Il eft vrai que plufieurs perfonnes. ont regardé comme un délaffement d'ef

prit, & comme une efpece de recréztion, les trois heures qu'on donne tous les jours à la Trappe au travail des mains. C'eft ce qu'on pourroit penfer d'un travail divertiffant comme feroit celuy de peindre, de tailler des arbres fruitiers, ou de cultiver des fleurs. Mais lorfque le travail eft penible, dar, fatiguant, qu'on y eft brûlé par l'ardeur du foleil, ou penetré des vents de bize les plus piquants, que le corps eft tout abbattu, & tout épuifé par la grandeur des travaux, il eft difficile que cela puiffe paffer pour un délaffement d'efprit, & pour une recréation.

De plus, les Religieux de la Trappe au milieu de leurs travaux s'occupent l'efprit de pensées faintes. Les uns y recitent des Pfeaumes ou d'autres endroits de l'Ecriture-fainte qu'ils ont appris par cœur. Les autres s'occupent de quelque verité, ou font penetrez de la crainte des Jugemens de Dieu; les autres répandent des larmes en fa prefence lors qu'ils le peuvent faire fans être ap perçus; en un mot, l'Abbé leur a appris à s'y occuper l'efprit & le cœur, & à travailler fi faintement, que pluLeurs éprouvent que le temps du travail eft le plus propre à la meditation. Du

ravail ils vont à l'Eglife ou dire la Meffe, out penetrez de Dieu, répandre leur œur en fa prefence avec plus d'effufion que s'ils s'étoient occupez de quelque bonne lecture.

Mais ce que le travail de la Trappe a de plus mortifiant & de plus accablant c'est qu'ils en fortent fouvent avec leurs. habits fi trempez de leur fueur, que pour l'ordinaire le lendemain même - quand ils retournent au travail, ils font encore tout mouillez. Cependant on regarde à la Trappe comme quelque chofe de contraire à l'efprit de penitence, de changer d'habit, c'eft ce qui ne s'y est jamais pratiqué; il eft difficile de s'imaginer rien de plus incommode & de plus mal fain.

Mais ce qu'il y a de plus admirable dans la penitence de la Trappe, eft que ceux qui la pratiquent l'aiment & s'y confacrent avec tant de joye, qu'ils croyent ne rien faire d'extraordinaire, & qu'ils regarderoient comme le plus grand malheur qui pût leur arriver, fi on diminuoit quelque chofe de leurs. aufteritez. Auffi P'Abbé de la Trappe, à qui Dieu avoit donné toutes les lumieres qu'il a coutume de répandre fur les Superieurs qui font felon fon cœur, fe

conduifoit de telle forte à l'égard des Religieux, qu'il ne faifoit que fuivre les impreffions que le Saint Efprit formoit dans leurs cœurs; bien-loin de leur imposer des penitences malgré eux, il étoit fans ceffe obligé de moderer leurs defirs & leurs empreffemens pour de nouvelles aufteritez. Ainfi toute la dureté de leur vie eft libre & volontaire, elle n'eft que l'effet de leur pieté, de leur amour pour Dieu, & de l'efprit de penitence dont ils font remplis. Il n'y a peut-être point de Religieux dans l'Eglife qui eftiment & qui aiment plus leur état. Une fainte liberté paroît dans toutes leurs actions; on n'y voit rien de gêné, rien de contraint; la paix de leurs cœurs, la joye dont le S. Efprit les remplit se répand jufques fur leurs vifages. En un mot ils font heureux, parce que l'efperance les foutient, que la charité les anime, qu'ils mettent toute leur gloire dans les humiliations, qu'ils n'ont d'amour que pour la penitence, & que Dieu à qui ils ont tout facrifié leur tient lieu de toutes chofes,

CHAPITRE XIII. ntinuation du même fujet. Conduite de l'Abbé de la Trappe à l'égard du dedans & du dehors de Son Monaftere.

'Abbé de la Trappe ne fe contentoit pas de vivre comme fes Religieux, encheriffoit encore fur leur penitene. Ses jeûnes étoient fi continuels & fi uiteres qu'on ne pouvoit comprendre comment il pouvoit vivre en mangeant peu, & en fe nourriffant fi mal. Il choififfoit toujours les travaux les plus humilians & les plus accablans, il avoit une attention continuelle à foulager fes Freres; fouvent quand il les voyoit trop fatiguez, ou que leur foibleffe ne leur permettoit pas de travailler comme les autres, il leur donnoit un travail moins penible, ou les en exemptoit entierement. Pour luy, comme il n'y avoit perfonne qui fût commis pour veiller fur fa conduite, il s'abandonnoit à son zele, & revenoit quelquefois du travail fi fatigué qu'il ne pouvoit fe foutenir. Il étoit toujours le premier à l'office, à

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