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valeur; l'aînée des filles fut mariée premierement au Comte de Belin, & en fecondes nôces au Comte d'Albon; les autres fe firent Religieufes, à la referve de la plus jeune, qui fut mariée au ficur de la Roche Verftafal, Gentilhomme d'Auvergne. De tous ces enfans le plus illuftre, fans contredit, a été ArmandJean de Rancé, Abbé Regulier & Reformateur du Monaftere de NôtreDame de la Maison-Dieu de la Trappe, de l'Etroite Obfervance de Câteaux, dont, avec l'affiftance du Ciel, j'entreprens d'écrire la Vie.

Il nâquit à Paris l'an mil fix cenț vingt-fix, le neuvième de Janvier; on le baptifa le même jour dans la maison de fon pere, fans les ceremonies ordinaires de l'Eglife. Elles furent celebrées depuis avec beaucoup d'éclat le trentiéme May mil fix cent vingt-fept dans l'Eglife de S. Côme; le Cardinal de Richelieu & la Marquife d'Effiat, femme du Sur-Intendant des Finances, luy fervirent de parrain & de marraine.

Son enfance fut remarquable par tous les endroits qui la pouvoient distinguer; une phyfionomie heureuse prevenoit tout le monde en fa faveur, un air fpirituel, mille agrémens répandus dans

toutes les manieres, un efprit doux, vif & brillant luy gagnoient tous les cœurs,

Tant de qualitez foutenues de la fayeur du Cardinal de Richelieu,devoient, ce femble, porter Monfieur de Rancé à concevoir de grands deffeins pour la fortune de fon fils; un autre que luy n'eût point mis de bornes à fes efperançes; mais les broüilleries qui furvinrent entre la Reine Marie de Medicis, dont il étoit Secretaire, & le Cardinal de Richelieu, l'obligerent de borner fes vûës; la probité même dont il faifoit profeffron, ne lui ayant pas permis de profiter de la faveur de fon frere, qui étoit Sur-Intendant des Finances, ni de l'ac cés qu'il avoit lui-même auprés du premier Miniftre, aprés avoir engagé fon aîné dans l'état Ecclefiaftique, fes defLeins pour Armand-Jean fon fecond fils n'allerent pas plus loin qu'à le faire Chevalier de Malte.

Dieu qui l'appelloir à de grandes chofes ne permit pas qu'on fe contentât de l'éducation qu'on donne d'ordinaire aux enfans destinez à la profeffion des armes; fon pere fut touché de ce natu rel heureux qui ne laiffoit prefque rien à faire à l'éducation. Il crut qu'il ne luy étoit pas permis de negliger un fonds fi

:

riche, qui produifoit de luy-même, & qui ne pouvoit manquer de répondre à la culture qu'on auroit foin de luy donner le jeune Armand apprit à lire & écrire, & les premiers élemens des fciences avec une facilité qui n'a peut-être point eu d'exemple. Ce fuccez porta Monfieur de Rancé à le faire élever fous fes yeux; il luy donna en mêmetems trois Précepteurs; l'un luy apprenoit la langue Latine, l'autre la langue Grecque, & le troifiéme n'étoit occupé qu'à former fes mœurs, à veiller fur fa conduite, & à luy apprendre les principes de la Religion Chrétienne.

Cet admirable enfant ne fuffifoit pas feulement à tant d'occupations differentes, il avoit encore du tems de refte, & ce tems étoit employé aux exercices qui convenoient à une perfonne de fa qualité, & à la profeffion des armes à laquelle il étoit deftiné. Monfieur de Rancé ne le perdoit point de vûë; il voyoit avec plaifir qu'il étoit également propre aux Sciences & aux exercices du corps, & fes maîtres ne fe pouvoient laffer d'admirer qu'il réüfsît dans tous fes exercices, comme s'il ne fe fût appliqué qu'à un feul en particulier.

l'an

1636.

CHAPITRE II.

L'Abbé de Rancé devient l'aîné de fa
Maifon par la mort de fon frere; on
l'engage dans l'état Ecclefiaftique. Pro-
grés furprenans qu'il fait dans les belles
Lettres. Son excellent naturel; mort de
fa mere.

LA
Lavonne con tre tems, obligea
A mort de fon frere aîné, qui ar-

Monfieur de Rancé de changer les vûës
qu'il avoit pour fon établiffement; il
fuy fit quitter l'épée, qu'il fit prendre à
fon cadet, & l'engagea dans l'état Ec-
clefiaftique. Comme il s'agiffoit de fau-
ver les Benefices de fon aîné, Monfieur
de Rancé, qui n'étoit pas riche, pour
un homme de fa condition, crut qu'il
ne pouvoit fe paffer de ce fecours, & le
jeune Abbé de Rancé n'avoit pas enco-
re affez de lumieres pour connoître 1 ir-
l
regularité d'une conduite qui fait du
patrimoine des pauvres la reffource la
plus ordinaire des familles; il le com-
prit depuis, & ce fut ce qui donna lieu
à ces reftitutions fi édifiantes qu'il fit:
lors de fa converfion aux dépens de fon
patrimoine.

L'Abbé de Rancé en fuccedant à la qualité d'aîné qu'avoit fon frere, fucceda, pour ainfi dire, à fes Benefices, & Monfieur de Rancé luy en procura bientốt d'autres; en fort peu de tems il fe vit Chanoine de Nôtre-Dame de Paris, Abbé de la Trappe, de l'Ordre de Cîteaux, de Nôtre-Dame du Val, de l'Or dre de S. Auguftin, & de S. Simphorien de Beauvais, de l'Ordre de S. Benoift. Outre ces Abbayes, Monfieur de Rancé obtint encore pour luy le Prieuré fimple de Boulogne, prés de Chambort, de l'Ordre de Grammont, & celuy de S. Clementin en Poitou; de forte qu'à l'âge de dix à onze ans, n'ayant rendu aucun fervice à l'Eglife, n'étant pas même en âge de luy en rendre, il jouiffoit de quinze à vingt mille livres de rente des revenus Ecclefiaftiques, L'ufage autorifoit cet abus, ou pour mieux dire, la cupidité s'en faifoit un pretexte, comme elle s'en couvre encore aujourd'huy.

enga

L'Abbé de Rance regarda fon gement dans l'état Ecclefiaftique comme un nouveau motif de s'appliquer à l'étude; fon inclination l'y portoit: l'obligation où il fe vit d'être fçavant pour parvenir aux fins qu'il commençoit dés

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