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Pere Abbé eût la bonté de me donner. J'eus même la liberté de les entretenir autant qu'il fût neceffaire pour être exactement informé de toutes chofes. Je ne leur trouvai point cette ignorance baffe & ftupide, qu'on a voulu depuis leur attribuer, pour décrier les Memoires qu'ils m'avoient donné ; leur zele & leur refpect pour la mémoire de leur Pere, & le defir de contribuer à fa gloire, (plutôt à celle de Dieu qui avoit renouvellé en fa perfonne les prodiges de fa Grace) leur avoit tenu lieu de la curiofité fi ordinaire au refte des hommes ; ils étoient inftruits, & en état d'inftruire fur tout ce qui regardoit leur illuftre Abbé. J'écrivois tous les jours de mon côté tout ce qu'ils me difoient. Je partis ainsi de cette Abbaye avec tous les memoires & toutes les inftructions qui m'étoient neceffaires.

Avec ces feuls fecours j'étois en état d'écrire la Vie de l'Abbé de la Trappe, d'une maniere qui eut pû fatisfaire la curiofité du Public; mais le bruit que j'avois été choisi pour travailler à cet Ouvrage ne fut pas plutôt répandu, que co grand nombre d'amis que la pieté &

les grandes qualitez de l'Abbé de Rancé luy avoient acquis, m'envoyerent de tous côtez des memoires fur les moindres circirconftances de fa vie.

Je ne dois pas oublier que M. le Cardinal Le Camus, dont le fçavoir & l'éminente pieté font tant d'honneur à l'Eglife, m'a fait l'honneur de m'en envoyer qui font tous écrits de fa main on peut juger du merite de ces inftru&tions, par l'eftime qu'on doit faire de tout ce qui vient de celuy qui a bien voulu en être l'auteur.

Je ne me fuis pas contenté de prendre toutes les précautions dont je viens de parler; J'ay entretenu fouvent tous ceux que j'ay pû connoître qui avoient eu avec l'Abbé de la Trappe des liaifons de fang ou d'amitié; je les ay confulté fur ce qu'ils pouvoient fçavoir, je leur ay propofé mes doutes, & tout ce qui pouvoit avoir befoin de preuve ou d'éclairciffement; ils ont fait eux-mêmes toutes les perquifitions neceffaires fur toutes les chofes dont ils n'étoient pas affez informez; en un mot, je n'ay rien négligé de ce qui me pouvoit donner une connoiffance entiere de la Vie que je devois écrire.

Aprés avoir pris toutes ces mefures qui m fourniffoient la matiere de mon Ouvrage, je n'ay rien épargné pour donner au récit tout ce qui le pouvoit rendre agréable & édifiant.

J'ay donc écris le premier Livre & une partie du fecond fur les Memoires de la Trappe, fur ceux de M. le Cardinal le Camus, fur ceux qui m'ont été fournis par les parens de nôtre illuftre Abbé, par fes amis, & par ceux qui avoient eu l'avantage de le connoître dans le monde.

"

Ce que je raconte dans le fecond & le troifiéme Livre des differends entre la Commune & l'Etroite Obfervance de Cifteaux, & de ce qui s'eft paffé à Rome, & en France à cette occafion, eft pris en partie des Memoires de la Trappe, en partie de ceux qui ont été dreffez fur les pieces origina

les

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par un fçavant Religieux de l'étroite Obfervance. Je me fuis encore servi d'un Journal tres-exact du voyage de Rome de l'Abbé de la Trappe, que Monfieur Felibien Chanoine & Archidiacre de l'Eglife de Chartres, m'a fait

la

grace de me prêter. L'Auteur de ce Journal eft Monfieur Felibien, Cha

,

noine & Prevôt de la même Eglife; il eût avec l'Abbé de la Trappe les liaifons les plus intimes il l'accompagna à Rome & il eut part à toutes les affaires qui s'y traiterent; ainfi il ne dit rien dont il n'ait été témoin, ou dont il n'ait été parfaitement informé. D'ailleurs, c'étoit un homme d'une probité reconnue, & qui avoit toutes les lumie res qui peuvent donner de l'autorité à fon Ouvrage.

Le quatriéme & cinquiéme Livre qui contiennent la Reformation de l'Abbaye de la Trappe, tout ce qui s'y eft paffé de plus remarquable, tout ce qu'a fait fon illuftre Abbé jufques à fa more, & fa mort même fi préticufe devant Dieu, ont été écrits fur les Memoires de la Trappe, fur d'autres qui m'ont été fournis par diverfes perfonnes, fur ce que j'ay vû moi-même lorfque j'étois dans cette fainte Maifon, & fur ce qui m'a été raconté par les Religieux de cette Abbaye, & par plufieurs perfonnes qui ont eu avec l'Abbé dont j'écris la Vie, les liaisons les plus étroites, & qui avoient une connoissance exacte de tout ce qui eft arrivé à la Trappe pendant fa vie. Je me fuis enco

re fervi de la relation fi édifiante de la nort de ce grand Homme, compofée par M. l'Evêque de Sées qui l'a affifté dans fes derniers momens. Je m'en fuis tenu aux circonstances qu'il a marquées, & j'ay regardé comme fufpect tout ce qui n'étoit point dans le récit d'un Prélat fi exact & fi éclairé.

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Le fixiéme Livre qui contient son efprit, c'eft-à-dire une partie de fes fentimens & de fes maximes a été compofé fur fes écrits, & fur fes Lettres. J'y ay ajouté plufieurs faits qui n'avoient pas trouvé place dans fa Vie; ils fervent comme de preuves aux fentimens de ce grand Homme.

Si je ne raporte point de miracles ce n'eft pas par incredulité. Je fçai que le bras de Dieu (comme parle l'Ecriture) n'eft pas racourci, & que le pouvoir de faire des miracles qu'il a accordé à fon Eglife, n'eft borné à aucun tems, & doit durer autant que le monde. J'avoue même qu'on m'en a raconté plufieurs à la Trappe avec des circonftances qui ne permetteent pas de les rejetter; mais j'ay toujours crû que fur les faits de cette nature en particulier, il falloit attendre le jugement de l'Eglife.

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