roi, & fe preparerent au voyage, nonobftant N.1110. la terreur que jetta dans les efprits une comete qui parut le fixiéme de Juin. Le roi commenŞa à marcher vers le mois d'Août, fuivi d'une armée immenfe, & accompagné de gens de Lettres capables de foûtenir fes droits : autres d'un Ecoffois nommé David, qui avoit gouverné les écoles de Virfbourg; & que le roi à caufe de fa vertu avoit fait fon chapelain. Buill. Mal- Il écrivit la relation de ce voyage, mais plûtôt meft. lib. v. en panegyrifte qu'en hiftorien. La prétention

166,

entre

du roi étoit de fe maintenir dans la poffeffion acquife par privilege & par coûtume à fes predeceffeurs depuis Charlemagne, & confervée pendant trois cens aus fous foixante-trois papes, de donner les évêchez & les abbaïes par l'anneau & la croffe Au contraire, les papes depuis Gregoire VII. prétendoient qu'aucun laï que ne pouvoit donner l'inveftiture d'un évêché ou d'une autre dignité ecclefiaftique; & ils l'avoient fouvent ainfi decidé dans des conciles, C'étoit donc le principal fujet du voyage de Henri, de finir cette divifion fcandaleufe entre l'empire & le facerdoce. C'eft ainfi qu'en parle Robert de Torigni abbé du mont faint Michel, qui vivoit dans le même fiecle, & a continue la cronique de Sigebert moine de Gemblous, qui Id. prolog. l'avoit conduite jufques à l'an 100. & mourut Id, an 1113 en 1113.

Rob, an,

2111.

11.

Le roi Henri aiant traversé la Lombardie ; & Conven pris Novare qui vouloit lui refifter, vint en Toftions entre cane, & celebra la fête de Noël à Florence en le pape &

$ roi.

grande folemnité. Enfuite il envoïa des députez à Rome pour regler avec ceux du pape les conditions de fon couronnement. Ils s'affemblerent le cinquiéme de Février 1111. au parvis de faint Pierre en l'églife de Nôtre Dame de la tour, & convinrent des articles fpiyans. L'em

pereur renoncera par écrit à toutes les investitures des églifes, entre les mains du pape en pre- A N. HIE fence du clergé & du peuple, le jour de fon couronnement. Et après que le pape aura de même renoncé aux regales, l'empereur jurera de laiffer les églifes libres avec les oblations & les domaines qui n'appartenoient pas manifeftement au roïaume avant que l'églife les poffedât, & il déchargera les peuples des fermens faits contre les évêques. Il reftituera les patrimoines & les domaines de faint Pierre, comme ont fait Charles, Loüis, Henri & les autres empereurs, & aidera felon fon pouvoir à les garder. Il ne contribuera ni de fon fait ni de fon confeil à faire perdre au pape le pontificat, la vie ou les membres, ou le faire prendre par mauvaise voie par foi-même, ou par perfonne interpofée. Et cette promeffe comprend non feulement le pape, mais fes fideles ferviteurs, qui auront promis sûreté à l'empereur en fon nom: c'est-à-dire Pierre de Leon avec fes enfans & les autres qu'il déclarera à l'empereur; & fi quelqu'un leur fait du tort, l'empereur les fecourera fidelement. L'empereur donnera au pape pour mediateurs Frideric fon neveu & d'autres feigneurs qui font nommez au nombre de douze. Ils jureront au pape fa sûreté, & demeureront près de lui pour ôtages de l'observation de ces conditions. C'est ce qui fut promis de la part du roi Henri.

couronnement,

La convention de la part du pape fut telle. Si le roi obferve ce qu'il a promis, le pape ordonnera aux évêques prefens au jour de fon de laiffer au roi tout ce qui appartenoit à la couronne au tems de Louis, Henri, & de fes autres prédeceffeurs ; & il defendra par écrit fous peine d'anathême, qu'aucun d'eux, foit des prefens, foit des abfens

de

n'ufurpeiles regales; c'eft-à-dire, les villes, AN. IIII. duchez, marquifats, comtez, monoyes, marchez, avoueries & terres qui appartenoient manifeftement à la couronne, les gens de guerre & les châteaux, & qu'on n'inquiete plus le roi fur ce fujet. Le pape recevra le roi avec honneur, le couronnera comme fes prédeceffeurs; & lui aidera à fe maintenir dans le royaume. Pierre de Leon promit de demeurer auprès du roi fi le pape n'obfervoit pas ces conventions; & cependant de donner pour ôtages fon fils Gratien & le fils de Hugues fon autre fils. C'eft ce qui fut convenu à Rome de part & d'autre le cinquième de Février.

Les députez du roi lui en ayant apporté la nouvelle, il s'avança jufques à Sutri, où le neuviéme du même mois il fit en prefence des'deputez du pape le ferment dont on étoit convenu

condition que le pape accompliroit fa promefle le dimanche fuivant. Dix feigneurs & le chancelier Albert firent le même ferment pour la sûreté du pape. Ces précautions marquoient une grande defiance de part & d'autre, & ce n'étoit pas fans fondement.

Le roi arriva près de Rome l'onziéme de Février ; & le lendemain qui étoit le dimanche de la Quinquagefime le pape envoya au-devant de lui divers officiers de fa cour avec plufieurs fortes d'enfeignes des croix, des aigles, des lions, des loups, des dragons. Il y avoit cent religieufes portant des flambeaux, avec une multitude infinie de peuple portant des palmes, des rameaux & des fleurs. Hors la porte il fut reçu par les Juifs, & dans la porte par les Grecs en chantant. Là par ordre du pape se trouva tout le clergé de Rome; & le roi étant defcendu de cheval, ils le menerent avec des clamations de louange aux degrez de S. Pier

te. Les

ayant montez, il trouva le pape qui l'attendoit accompagné de plufieurs évêques, des A N. 1118 cardinaux prêtres, diacres & foudiacres, & du refte des chantres. Le roi fe profterna & baifa les pieds du pape, puis ils s'embrasserent & se baiferent trois fois, & le roi tenant la main droi te du pape, felon la coûtume, vint à la porte d'ar gent avec des grandes acclamations du peuple. Là il lut dans un livre le ferment ordinaire des empereurs ; & le pape défigna Henri empereur, le baifa encore, & l'évêque de Lavici dit fur lui la premiere oraison.

Après être entrez dans l'églife, ils s'affirent dans la fale appellée la roue de Porphyre, à caufe du pavé figuré en rond. Le pape demanda que le toi rendît à l'églife fes droits, & renoncât aux inveftitures, comme il avoit promis par écrit. Le roi fe retira à part vers la facriftie avec les évêques & les feigneurs de fa fuite, où ils confererent long-tems. Avec eux étoient trois évêques Lombards, dont l'un étoit Bernard de Parme. Comme le tems fe paffoit, le pape envoya demander au roi l'execution de la convention; & peu après les gens de la fuite du roi commencerent à dire, que l'écrit qui avoit été fait ne pouvoit fubfifter, comme étant contraire à l'évangile, qui ordonne de rendre à Cefar ce qui eft à Cefar & au precepte de l'apôtre, que celui qui fert Dieu ne s'engage point dans les affaires du fiecle. On leur répondit par d'autres autoritez de l'écriture & des canons: mais ils demeurerent aheurtez à leur prétention.

Cependant le roi dit au pape : Je veux que la divifion qui eft entre vous & Etienne le Nor mant finiffe maintenant. C'étoit un feigneur c. 35 Romain, qui fut en grande confideration fous les papes fuivans. Le pape répondit: La plus grande partie du jour eft paffèe & l'office fera

long, commençons s'il vous plaît par ce qui AN. 1111. vous regaede. Auffi-tôt un de ceux qui étoient venus avec le roi fe leva & dit: A quoi bon tant de difcours fachez que l'empereur notre maître veut recevoir la couronne comme l'ont reçue Charles, Louis & Pepin. Et le pape ayant declaré qu'il ne pouvoit la donner ainsi, le rot entra en colere, & par le confeil d'Albert archevêque de Mayence & de Burchard évêque de Saxe, il fit environner le de pape gens armez. Comme le jour baiffoit déja, les évêques & les cardinaux confeillerent au pape de couronner l'empereur, & remettre au lendemain l'examen du refte: mais les Allemans rejetterent encore cette propofition.

Le pape & tous ceux qui l'accompagnoient étoient toûjours gardez par des gens armez. A peine purent-ils monter à l'autel de faint Pierre pour ouir la meffe, & à peine put-on trou ver du pain, du vin & de l'eau pour la celebrer. Après la meffe on fit defcendre le pape de fa chaire, il s'affit avec les cardinaux en bas devant la confeffion de faint Pierre ; & y fut gardé jusques à la nuit fermée: puis on les mena à un logis hors l'enceinte de l'églife. Les Allemans pillerent dans le tumulte tous les meubles précieux expofez pour honorer l'entrée du roi. On prit avec le pape une grande multitude de clercs & de laïques, des enfans & des hommes de tout âge qui avoient été au-devant de l'empereur avec des palmes & des fleurs. Il fit tuer les uns, dépouiller, battre, ou emprisonner les autres. Jean évêque de Tufculum & Leon d'Oftie, voyant le pape pris, fe retirerent à Rome habillez en laïques. Tout cela fe paffa le dimanche de la Quinquagefime, douzieme jour de Février l'an 111. & le pape demcura prifonpier jufques au treiziéme d'Avril pendant deux