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tans des villes & des villages étoient encore ferfs pour la plupart : ils rachetoient leur li- A N. IU2. berté par de groffes fommes, qu'ils donnoient au roi ou au principal feigneur, pour obtenir ce droit de commune, & reduire à une feule taxa toutes les redevances qu'ils païoient auparavant. Mais c'étoit fouvent au prejudice des feigneurs particuliers, fur tout des ecclefiaftiques : à qui les bourgeois devenus plus forts, refufoient de payer les anciennes redevances qu'ils préten doient mal fondées ; & c'eft ce qui rendit ces communes odieuses.

Celle de Laon eft une des premieres dont il foit fait mention: elle fut accordée par le roi feigneur 7 particulier de la ville, & l'évêque jura de la maintenir l'un & l'autre moïennant des fommes confiderables que donnerent les bourgeois. Toutefois l'évêque entreprit peu de tems après de la faire caffer, de quoi les bourgeois avertis offrirent au roi & à fon confeil quatre cens livres d'argent, pour maintenir leur commune : niais l'évêque en promit fept cens pour l'abolir, & l'emporta. Car ce prince entre plufieurs bonnes qua litez, avoit ce foible de fe trop confier à des perfonnes intereffées. Cette convention fut faite le jeudi faint dix-huitiéme d'Avril l'an 112. Le roi partit de Laon le vendredi matin, & l'évêque commença ce jour-là à faire lever fur les bourgeois une taxe d'autant que chacun avoit donné pour obtenir la commune : ce qui continua le lendemain.

Ce procedé les mit en telle fureur, qu'ils refolurent la mort de l'évêque; & il y en eut quarante qui la jurerent. Le fameux docteur Anfelme doyen de l'église de Laon, en avertit le prelat le famed! au foir comme il étoit prêt à fe coucher il témoigna d'abord méprifer cette populace; & toutefois il profita de l'avis,

7. 8.

& n'alla point à matines la nuit de Pâques. Le AN. 1112. lendemain à la proceffion il fit prendre à fes domeftiques & aux gentilshommes des épées fous leurs habits, & fit venir des païfans des terres de l'évéché pour garder les tours de l'é glife & fon palais mais le mardi s'étant rassuré il les renvoya. Le jeudi vingt-cinquième d'Avril jour de faint Marc après midi, comme l'évêque étoit occupé avec l'archidiacre Gaurier des moyens d'exiger de l'argent, il s'éleva par la ville un grand tumulte de gens qui crioient: La commune. Alors les bourgeois armez d'épées, d'arcs, de cognées, de haches, de maffuës & de lances traverferent l'églife cathedrale, & entrerent à l'évêché en grande troupe. A ce bruit les feigneurs accoururent de toutes parts, car ils avoient promis à l'évêque avec ferment de le fecourir, & il y en eut quelques-uns de tuez par les bourgeois.

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L'évêque fe défendit quelque temps à coups de pierres & de fleches, car il avoit porté les armes & étoit plus guerrier qu'ecclefiaftique. Enfin ne pouvant foutenir les affauts du peuple, il prit l'habit d'un de fes valets, fe refugia dans le cellier de l'églife, & fe cacha dans un tonneau qu'on referma. Les bourgeois le cherchant par tout, un des fiens le découvrit : on le tira du tonneau par les cheveux, & on le traîna dans le cloître des chanoines. Il demandoit mifericorde aux bourgeois, leur promettant une infinité d'argent, & les affurant avec ferment qu'il ne feroit plus leur évêque, & qu'il fortiroit du païs: mais un d'eux leva une cognée dont il lui fendit la tête ; & comme il tomboit, un autre lui tailla le vifage par le milieu au deffous des yeux. On lui coupa les jambes, & on lui fit plufieurs autres playes: un des meurzriers lui coupa le doigt pour avoir sa bague : en

AN. 1112

C. 10.

fin on le jetta tout nud dans un coin de la rue, où les paffans lui infultoient encore des par moqueries, & lui jettoient des pierres & de la terre. Il demeura ainfi jufques au lendemain matin, que le doyen Anfelme le fit enterrer fans ceremonie à la hâte dans l'églife de faint Vincent. c. 9. Cependant on mit le feu à la maifon de l'é- Append vêque, d'où il prit à l'églife cathedrale, à celle ad Sigeb. de faint Jean alors abbaye de filles, & à d'au- an. 1112.9 tres qui furent brûlées environ au nombre de douze. Les bourgeois les plus coupables craignant la vengeance du roi, fe retirerent fous la protection de Thomas de Marle, le plus cruel tytan du pays: la ville abandonnée fut expofée au pillage mais les deux freres Anfelme & mirac. 6. Fo

Raoul, autant recommandables

par

leur vertu

C. 11.

Herm. de

que par leur doctrine, y demeurerent pour la
confolation de ceux qui reftoient : les exhortant
par les fentences de l'écriture fainte à ne pas
fuccomber aux affrictions. Quelque tems après c. 10.
Raoul archevêque de Reims vint à Laon re-
concilier l'églife cathedrale profanée, c'est-à-
dire ce qui en reftoit : il alla auffi à faint Vin-
cent où il dit une meffe folemnelle pour l'évê-
ques Gaudri,
, pour lequel on n'en avoit point
dit encore. En cete meffe il prêcha fortement
contre les communes, qui fervoient de pretexte
aux ferfs pour fe fouftraire à la puiffance de leurs
feigneurs, alleguant l'autorité faint Pierre,
qui leur ordonne d'être foûmis à leurs maîtres
quoique fâcheux; & les canons qui défendent
de detourner les efclaves de l'obéiffance de leurs
maîtres, fous pretexte de religion. Il en parla
fouvent auffi à la cour du roi & en diverfes
affemblées.

per

Après la mort de Gaudri on demanda miffion au roi d'élire un évêque de Laon, mais il nomma fans élection Hugues doyen

1. Pet. 12%

18.

Gangr. H

Guib. c. 14

Herman. mirac. I.

d'Orleans, pour donner le doyenné à Etienne AN. 1112. fon chancelier, qui ne pouvoit être évêque Hugues ne tint le fiege de Laon que fept mois, après lefquels , par le confeil d'Anfelme, de Raoul, & des plus gens de bien, on élut Barthelemi chanoine & treforier de Notre-Dame de Reims, recommandable par fa noblesse & par fa vertu. Il fut élu legitimement, mais malgré lui, & tint ce fiege pendant trente-huit ans. Guibert de Nogent marque qu'au facre de ces évêques on confultoit l'écriture fainte pour trouver le pronoftic de leur pontificat: qui eft Agath.c.42 la fuperftition que les anciens appelloient le Guih.c. 1. 2. fort des Saints.

2.

Sup. liv.

XXXI. n. T.

Conc.

Herm. c. 3.

Guib. 1. de

Pign. SS. 4. 2. §. 6.

Pour rebâtir l'églife cathedrale de NôtreDame de Laon, on refolut de faire une quefte par les provinces de France, en portant la chaffe de reliques que l'on avoit fauvée de l'incendie car c'étoit l'ufage de quefter ainfi en pareilles occafions. On choifit pour accompagner les reliques, fept chanoines & fix laïques : qui partirent à l'octave de l'Afcenfion & revinrent vers la faint Mathieu rapportant de grandes aumônes. Auffi racontoit-on plufieurs miracles faits en ce voyage: en Berri, en Touraine, Herm. lib. Anjou, au Mans, & à Chartres. L'année fuivante 13. ils pafferent en Angleterre avec les reliques & les miracles continuerent : me on voit dans l'hiftoire que le moine Herman en écrivit peu de tems après par ordre de l'évêque Barthelemi. On amaffa ainfi des aumônes fi abondantes, que l'églife de Notre-Dame de Laon fut rebâtie en deux ans & demi, & dédiée le fixiéme de Septembre 1114.

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X I X. Fondation

:

en

com

En Normandie le monaftere de Savigni, dede Savigni puis chef de congregation, fut fondé vers le même tems par faint Vital, dont il eft à propos de reprendre l'hiftoire dès l'origine. Il nâquic

en Normandie.

Mem. M. S.

vers le milieu du fiecle precedent, au village de Tierceville à trois lieues de Bayeux, Son pere AN. 1112. fe nommoit Reinfroi, fa mere Roharde ils avoient du bien qu'ils faifoient cultiver, & en employoient la meilleure partie en charitez, particulierement à exercer l'hofpitalité. Dès que Vital fut en état d'étudier, ils lui donnerent un maître qui l'inftruifit dans la pieté & les lettres, & deflors il étoit fi grave, que fes compagnons l'appelloient le petit abbé. Après les humanitez il quitta fes parens pour chercher d'autres maîtres; & fit un grand progrès dans les fiences: puis étant revenu chez lui il fut ordonné prêtre & devint chapelain de Robert comte de Mortain, frere uterin du roi Guillaume le Conquerant. Le comte donna à Vital une prebende de la collegiale qu'il venoit de fonder dans fa

ville en 1082.

Environ dix ans après, Vital quitta fou bene fice, vendit fon bien, le donna aux pauvres, & fe retira dans les rochers de Mortain, où il reçut avec lui d'autres Ermites, mais il y demeu- Sup. li Ia peu : & en 1093. il alla trouver Robert d'Ar- Lxiv.. 34 briffelles dans la foreft de Craon en Anjou. Its y affemblerent grand nombre d'hermites: mais s'y trouvant trop refferrez, ils pafferent dans la foreft de Fougeres, à l'entiée de la Bretagne. Raoul qui en étoit feigneur, les y fouffrit quelques années: mais comme il aimoit paffio- Vita Bern. nement la chaffe, il craignit que ces ermites Tiron. c. 7 ne degradaffent fa foreft, & aima mieux leur ". 62. abandonner celle de Savigni vers Avranches : & ce fur-là qu'ils fe fixerent. Raoul de la Fustaye fe joignit à eux, & enfuite Bernard d'Abbeville, auparavant abbé de S. Cyprien de Poitiers. Ces quatre faints perfonnages, Vital, Raoul, Robert & Bernard, s'appliquerent avec un grand zele à la conversion des âmes, tantôt tous en- Exy. #. 24

Sup. livia

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